Objectif de l’analyse

Aujourd’hui, suite à l’isolation des parois et au placement de vitrages performants, le profil de la demande des bâtiments tertiaires a totalement évolué.

  1. Les besoins de chauffage sont devenus très faibles, et plus de la moitié de ces besoins est générée par le chauffage de l’air neuf hygiénique. Une régulation des débits d’air permet donc encore des économies : par exemple, des détecteurs de présence n’enclencheront la ventilation de la salle de réunion que lors de l’entrée des occupants.
  2. Le point d’équilibre s’est déplacé de 15 à 10°C, c’est-à-dire que l’on refroidit le bâtiment dès que la température extérieure dépasse 10°C.
  3. Les besoins de froid ont fortement augmenté, mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette augmentation s’est faite essentiellement pour des températures extérieures comprises entre 10 et 22°C. Or, à ces températures, nous pouvons valoriser l’air extérieur frais : pour ventiler directement le bâtiment (free cooling) ou pour refroidir l’eau froide qui elle-même circulera dans les faux plafonds des locaux.
  4. Des besoins simultanés de chaud et de froid apparaissent : le cœur du bâtiment doit être refroidi en permanence alors que les locaux en façade sont à réchauffer, un local informatique demande du froid en hiver et en mi-saison alors que la préparation de l’air hygiénique demande de la chaleur,…D’accord, c’est le boulot du bureau d’études : à lui de mettre en place le système de climatisation qui valorisera ces énergies positives et négatives, qui exploitera l’air neuf extérieur disponible.Mais c’est aussi le boulot de l’architecte de créer un bâtiment qui favorise la ventilation naturelle des locaux, qui exploite la lumière naturelle tout en créant des masques solaires pour limiter la surchauffe, qui diminue tous les besoins thermiques … au point que des plafonds froids irrigués par de l’eau à 18°C suffisent pour rafraîchir les espaces, facilitant ainsi le travail de l’ingénieur !Aujourd’hui, dès la conception, une analyse des besoins du bâtiment devrait permettre de visualiser l’impact des mesures URE et d’établir une stratégie. En voici un exemple.

Qu’entend-on par analyse des besoins thermiques ?

Chaque local reçoit des apports (internes ou externes) et a besoin de chaleur ou de froid pour maintenir le confort intérieur.

Ainsi, pour un bureau, on distingue :

  • des apports :
    • solaires,
    • internes (luminaires, bureautique, occupation, etc.),
    • des parois (positifs ou négatifs selon la saison),
    • de ventilation et d’infiltration (positifs ou négatifs selon que l’air pénétrant dans le local est plus chaud ou plus froid que l’ambiance).
  • des demandes :
    • de chauffage ou de refroidissement du local,
    • de préparation de l’air de ventilation (chaud ou froid, humidification ou déshumidification) lorsque l’air pulsé est traité.

La demande thermique d’un local est donné par la relation :

Demande thermique = Puissance des équipements x Temps

La demande thermique du bâtiment regroupe ainsi les besoins thermiques des locaux, et les besoins thermiques liés à la préparation de l’air neuf pulsé.

On peut établir la puissance demandée par les équipements chaque heure de l’année et la représenter en fonction de la température extérieure qu’il fait à ce moment.

Par exemple, si l’on regarde la demande des parois, la puissance de chauffe est d’autant plus grande que la température extérieure est basse; la puissance de refroidissement est d’autant plus forte que la température extérieure est élevée. Entre les deux, il existe une zone neutre où la température ambiante évolue entre 21 et 24°C. Par exemple, pour un bureau type on aurait :

Les 8 760 heures de l’année se répartissent en fonction de la température extérieure comme suit (année type moyenne) :

En multipliant la puissance par le temps, on obtient donc un graphique du type :

La demande de chaleur est représentée en rouge sous l’axe des x, la demande de froid est représentée en bleu au dessus de l’axe des x, tout au long d’une année type moyenne.

On constate dès lors que si la puissance de refroidissement est forte pour des températures élevées, l’énergie correspondante est très faible puisque cela n’arrive (hélas !) que quelques heures par an.


Les caractéristiques du bâtiment étudié

Le bâtiment-type étudié est prévu pour 380 personnes, et a une surface de 3 000 m² répartie entre

  • bureaux (50 %),
  • salle de conférences (10 %),
  • couloirs (20 %),
  • réserves et sanitaires (12 %),
  • salle de réunions, salle informatique et cafétéria (8 %).

Les locaux sont occupés de 8h à 18h sauf pour la salle de réunions (2 X 2 heures par jour) et la salle de conférences (2 heures par jour).

Pour plus de détails sur le bâtiment étudié, consultez l’ (sous format Word).


Comparaison d’une version “années 60” avec une version “années 2000”

Comparons les bilans énergétiques entre une construction ancienne (simple vitrage, murs non isolés, …) avec une version plus récente (double vitrage, murs isolés, …)

Voici les bilans obtenus par simulation informatique des 2 bâtiments :

On constate logiquement que le bâtiment récent demande nettement moins de chauffage, mais plus de refroidissement. Si autrefois le bâtiment était chauffé jusque 15°C, la température d’équilibre s’établit aujourd’hui vers 12°C.

À noter que simultanément certains locaux demandent d’être refroidis (au Sud, à l’Ouest) alors que des locaux au Nord demandent encore de la chaleur.

Curieusement, l’accroissement de la demande de climatisation se fait surtout pour une température extérieure comprise entre 14 et 24°C, c’est-à-dire à un moment où de l’air frais extérieur peut être utilisé pour refroidir naturellement le bâtiment.

Alors, faut-il faire marche arrière et ne pas isoler nos bâtiments ?

Non ! La consommation totale est nettement plus faible qu’avant, surtout si le système de climatisation valorise intelligemment l’air frais extérieur !

Il restera sans doute une période où la machine frigorifique est nécessaire, mais elle ne représente proportionnellement qu’une très faible consommation : alors pourquoi se priver de ce confort ?


Profil de consommation standard aujourd’hui

Partons du bâtiment “récent” et décomposons les courbes de chauffage et de refroidissement :

Remarque : les paramètres d’exploitation ont été légèrement modifiés, aussi les demandes totales sont légèrement différentes.
Les besoins de chauffage (ancienne courbe rouge) se décomposent en 3 postes :

  • le chauffage apporté dans les locaux (rouge),
  • le chauffage de l’air neuf hygiénique (bleu clair),
  • l’humidification de l’air (mauve).

La demande de refroidissement est composée :

  • du refroidissement apporté dans les locaux (par les ventilos-convecteurs, par exemple)
  • et un peu du refroidissement de l’air neuf extérieur (lorsque le local est refroidi, l’air neuf est pulsé à 16°C).

Quelques réactions “URE” immédiates !

Le premier réflexe est de se dire que l’on a tout intérêt à maîtriser le débit d’air neuf en période de chauffage ! Par exemple, un détecteur de présence peut activer l’apport d’air neuf dans les salles de réunions uniquement lors de la présence effective des occupants, ou dans la salle de conférences, le débit d’air neuf peut être régulé en fonction de l’indication d’une sonde CO2.

Deuxième réflexion : l’humidification de l’air n’est nécessaire que par température extérieure très froide. On pourrait la supprimer au-dessus de 8°C, par exemple.

Enfin, des besoins simultanés de chaud et de froid existent. Or une machine frigorifique qui extrait du froid, libère de la chaleur à son condenseur : on pourrait donc transférer de la chaleur d’un local vers l’autre ou préchauffer l’air neuf qui entre.

Mieux : imaginons que le refroidissement se fasse par des plafonds froids. L’eau entre à 15°C et sort à 17°C. Cette eau à 17°C peut préchauffer l’air neuf directement pour éviter le fonctionnement du groupe frigorifique. L’eau se refroidit et l’air se réchauffe : le bilan énergétique est nul !

Question : n’est-ce pas curieux de refroidir le local et de simultanément réchauffer l’air neuf de ce local ? Oui, mais le problème est que l’on ne peut pulser de l’air à 10°C dans un local sans créer un désagréable courant d’air.

Il n’empêche que l’on va privilégier les bouches hélicoïdales ou à jets toriques (qui réalisent un bon brassage de l’air) afin de pouvoir pulser de l’air dans les locaux à basse température, sans devoir le réchauffer de trop préalablement.

  

Les consommations énergétiques, rendement des équipements compris

Jusqu’à présent nous n’avons regardé que les demandes de chaud et de froid. Analysons à présent les consommations réelles en tenant compte des rendements de la chaudière et de la machine frigorifique et en intégrant les consommations des équipements (éclairage, bureautique, .)

Toujours pour cet immeuble de bureaux-type, voici des ordres de grandeur

  • de la consommation du bâtiment,
  • de sa consommation en énergie primaire (en tenant compte du rendement des centrales électriques),
  • du coût des consommations.

(Pour connaître les valeurs de rendement et de coût de l’énergie, consultez l’).

Représentation graphique du bilan énergétique du bâtiment

Consom. du bât.

[kWh/m²]

Cons. nrj primaire

[kWh/m²]

Coût de la consom.

[€]

Consom. relative du bât.

Consom. Relative nrj primaire

Coût relatif de la consom.

Traitement des locaux

    – apports de chaleur

30,6 30,6 0,765 17,2 % 7,9 % 6,0 %

    – apports de froid

10,9 31,1 1,088 6,1 % 8,1 % 8,5 %

Préparation de l’air

    – énergie sensible

37 39,6 1,03 20,8 % 10,3 % 8,0 %

    – énergie latente

14,6 41,7 1,46 8,2 % 10,8 % 11,4 %

Pulsion de l’air

7,8 22,4 0,78 4,4% 5,8 % 6,1 %

Ventilo-convecteurs des locaux

6,7 19 0,66 3,8 % 4,9 % 5,2 %

Charges internes électriques

   – éclairage

27,8 79,4 2,78 15,6 % 20,6 % 21,7 %

   – équipements

42,6 121,7 4,26 23,9 % 31,6 % 33,2 %

TOTAL

178 385,5 12,83

Bilan énergétique du bâtiment initial : consommation du bâtiment,  consommation d’énergie primaire et du coût de la consommation.

À l’analyse de ce bilan énergétique, on constate que :

  • L’éclairage et l’équipement bureautique sont les postes les plus importants dans la consommation d’énergie primaire (21 et 32 % respectivement) et dans le coût de la consommation (22 et 33 % respectivement).

 

  • La préparation et la pulsion de l’air pulsé constituent le poste le plus important du conditionnement d’air (33 % de la consommation d’énergie primaire totale et 25 % du coût de la consommation).

 

  • La consommation du traitement des locaux est finalement relativement faible (8 % de l’énergie primaire et du coût pour le refroidissement; 8 % de l’énergie primaire et 6 % du coût pour le chauffage).

L’impact de différentes améliorations énergétiques

Au regard du bilan énergétique global du bâtiment, c’est dans la consommation électrique des équipements que l’on peut faire le maximum d’économies : gestion automatisée de l’éclairage, mise en veille des équipements bureautiques.

Mais au niveau des besoins de chaud et de froid du bâtiment lui-même, profitons de notre bâtiment simulé pour lui injecter quelques rénovations URE et analysons l’impact de chacune de ces mesures.

Stopper l’humidification lorsque la température extérieure dépasse 8°C > – 14 %
Placer un double vitrage à basse émissivité et avec un facteur solaire de 0,4 > – 13 %
Placer des stores extérieurs mobiles (facteur solaire de 0,2) > – 12 %
Organiser une ventilation nocturne naturelle de 4 renouvellements/heure, tout en augmentant l’inertie du bâtiment pour valoriser ce free cooling (si la ventilation était mécanique il faudrait ajouter la consommation des ventilateurs) > – 11 %
Pulser l’air neuf à 16°C dès que le local est en mode refroidissement (au lieu de 21°C) > – 10 %
Passer de 60 % de surfaces vitrées en façade à 40 % > – 8 %
Adopter une consigne de climatisation en été à 25°C au lieu de 24°C (surtout si plafonds froids rayonnants) > – 7 %
Améliorer l’étanchéité de la façade (taux d’infiltration passant de 0,3 à 0,1 vol/h) > – 2 %

Les différentes modifications ont été comparées indépendamment les unes des autres, toutes autres choses restant identiques.

Lorsqu’on cumule ces interventions, elles s’influencent l’une l’autre. Si bien que, si l’ensemble des améliorations est réalisé, la consommation thermique totale diminue de 42 % en énergie primaire, et de 44 % en coût, mais il est alors difficile de déterminer la part de chaque intervention sur la réduction totale.

Au niveau de la consommation globale du bâtiment, on constate une diminution de 26 % de la consommation en énergie primaire, et une diminution de 26 % du coût de l’énergie consommée (les consommations électriques pour la bureautique restant les mêmes).

Le cumul des interventions permet donc de diminuer de façon importante la consommation totale du bâtiment.

Demande thermique [kW/m²]

 

Consom. totale [kW/m²]

 

Énergie primaire [kW/m2]

 

Emission de CO2 [kg de CO2/m² x 10]

 

Coût de l’énergie [€]

 

Différence par rapport au bât. initial

 

Traitement des locaux

    – demande de chaud

19,8 24,8 24,8 65,3 0,62 – 19,2 %

    – demande de froid

4,6 1,8 5,3 6,2 0,185 – 83,1 %

Préparation de l’air

    – nrj sensible

21,0 23,3 25,9 62,5 0,687 – 37,1 %

    – nrj latente

9,4 9,4 26,9 90,5 0,94 – 35,6 %

Pulsion de l’air

7,8 22,4 26,4 0,78

Ventilo-convecteurs des locaux

6,7 19,0 22,4 0,66

Charges internes électriques

    – éclairage

14,1 40,3 47,5 1,41 – 49,3 %

    – équipements

42,6 121,7 143,6 4,26

TOTAL thermique

54,8 59,3 82,7 224,5 2,43

Par rapport au bâtiment initial

– 44,3 % – 36,4 % – 42,2 % – 37,1 % – 44,1 %

TOTAL global

130,4 286,1 464,4 9,54

Par rapport au bâtiment initial

– 26,7 % – 25,8 % – 27,8 % – 25,6 %

Une stratégie URE ?

> Il n’existe pas de “mesures miracles” pour faire chuter la consommation des bâtiments.
> C’est un ensemble de mesures qui permet d’améliorer progressivement le bilan final.
> Certaines de ces mesures sont du ressort de la créativité de l’architecte dès le stade de la conception (le traitement des apports solaires par exemple, ou le refroidissement naturel du bâtiment par une ventilation transversale des locaux).
> D’autres sont apportées par l’ingénieur de bureau d’études dans la gestion des équipements (la régulation de l’humidification en fonction de la température extérieure, par exemple).
> Mais lorsqu’architecte et ingénieur travaillent de concert, on peut atteindre des bâtiments de confort avec des solutions très économes.

Par exemple :

  • Si les apports solaires sont bien maîtrisés par la conception de la façade, une climatisation de 60 Watts/m² peut suffire. Des plafonds froids peuvent être prévus et alimentés au régime entrée-sortie de 17° – 19°. L’eau à 19° peut être alors récupérée pour préchauffer l’air neuf hygiénique. Et de l’eau à 17° diminue le risque de condensation sur le plafond et donc le besoin de déshumidifier l’air. Au plus fort de l’été, le régime de refroidissement 15° – 17° pourra être temporairement établi.
  • Si différentes salles de réunion sont prévues, l’architecte les disposera de telle façon qu’elles soient alimentées sur un même réseau de préparation d’air (par exemple une par étage, raccordée par une trémie commune). L’ingénieur prévoira une climatisation à débit d’air variable (VAV), avec dans chaque local une bouche de pulsion commandée par détecteur de présence. Le ventilateur travaillera à vitesse variable en fonction de la demande réelle. Le groupe de préparation sera dimensionné avec un facteur de simultanéité (défini de commun accord avec le Maître d’Ouvrage) pour tenir compte du fait que toutes les salles ne seront pas occupées en même temps.

 

  • Si un local informatique est prévu, il sera heureux de l’associer avec des locaux demandeurs de chaleur (au Nord, par exemple). Par exemple, un réseau de climatisation à débit de réfrigérant variable permettrait d’assurer le transfert entre le local donneur et les locaux demandeurs de chaleur.