Évaluer les besoins du froid


Les quatre impératifs en présence

Photo champ de culture.   Photo assiette avec nourriture.

Le froid alimentaire au niveau des commerces, qu’ils soient de détail ou de moyenne/grande surface, occupe une place prépondérante dans notre société actuelle. Notre souci permanent d’amélioration de la qualité des denrées alimentaires passe impérativement et principalement par le respect des températures de conservation des aliments pendant depuis leur production jusque dans l’assiette du consommateur.

La distribution fait naturellement partie de la chaîne de froid depuis l’approvisionnement par camions frigorifiques jusqu’au “caddie” ou le sac “récupérable” (nous insistons) du ou de la consommatrice.

À ce niveau de la chaîne alimentaire, le souci d’éviter de “casser” la chaîne du froid est un défi difficile à maîtriser d’autant plus qu’il faut concilier les impératifs de vente qui ont tendance pour la plupart à ouvrir les espaces de réfrigération (4 à 6°C) et de congélation (-18°C par exemple) à l’ambiance de vente (18, …, 20, …24 °C) et le respect des règles de conservation des denrées.

A cela vient s’ajouter le problème très présent du confort du personnel dans les ambiances froides des réserves et des ateliers et du confort du personnel et des clients dans les espaces de vente.

Et “last but not least”, n’oublions pas ce pour quoi Énergie+ doit exister, à savoir l‘énergie. Cette énergie qui, à première vue est en contradiction totale avec les trois autres impératifs sous nos latitudes tempérées.

Nous avons donc affaire à un “quadrinôme” d’impératifs indissociables et cohabitant difficilement ensemble.


La qualité du froid alimentaire

La certitude que la vente de denrées au niveau des commerces ne représente pas risque pour la santé des consommateurs est sans conteste l’élément le plus important à respecter.

La partie visible de l’iceberg est naturellement les surfaces de vente où les marchandises sont exposées dans des comptoirs frigorifiques. À l’écart des regards des clients, la chaîne de froid est bien présente que ce soit :

  • avant le stockage dans les chambres frigorifiques;
  • pendant le stockage;
  • après le stockage.

Avant le stockage

Photo camion et caisses de salades.

Les transferts entre le camion frigorifique et la chambre froide influencent naturellement la pérennité des denrées alimentaires à cause du contact possible avec les ambiances internes et externes au magasin (climat, gaz d’échappement en ville, déchet de toutes sortes à proximité, …). En général, les principaux facteurs qui peuvent influencer les denrées sur le plan thermique sont :

  • le temps de transfert;
  • la différence de température entre les denrées et l’air extérieur;
  • leur masse;
  • leur type de conditionnement (emballée ou pas, type d’emballage, …);
  • leur teneur en eau;

Pratiquement, les commerçants se contentent simplement d’effectuer un transfert le plus rapide possible du camion vers les chambres de conservation. Sachant qu’à l’heure actuelle, la plupart des denrées sont conditionnées dans des emballages dès la production, une ambiance extérieure “hostile” (déchet à proximité, gaz d’échappement, …) influence moins la pérennité des denrées. Néanmoins, les commerçants devront toujours éviter que les flux “propres et sales” ne se croisent dans les réserves.

L’évaluation de la qualité du transfert relève d’une procédure interne à mettre en place en s’inspirant par exemple de l’HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point = Analyse des dangers et points critiques pour leur maîtrise).

Pendant le stockage

Photo GTC (Gestion Technique Centralisée)  

Mis à part le contrôle du temps de stockage, le respect des températures de conservation constitue le principal gage de qualité dans la chaîne du froid. Cette température est monitorée en permanence à l’aide d’un enregistreur dédicacé à la chambre froide ou d’une GTC (Gestion Technique Centralisée) qui regroupe tous les enregistrements de température des installations plus complexes de froid alimentaire.

La conservation des denrées en phase de stockage dépend essentiellement du contrôle :
  • des ouvertures de portes;
  • du dégivrage des évaporateurs.

Influence des ouvertures et fermetures des portes

Le contrôle d’accès aux chambres froides des réserves est primordial pour pouvoir maintenir les températures de conservation et éviter la prise en glace trop rapide des évaporateurs. A l’heure actuelle, l’isolation des chambres froides est relativement bonne et la principale source d’échange thermique avec l’ambiance extérieure est liée :

  • au temps pendant lequel la porte reste ouverte;
  • à l’étanchéité de la porte.

L’impact de l’ouverture de porte ou du manque d’étanchéité du joint de porte est double dans le sens où la température et l’humidité au sein de la chambre augmentent, ce qui, d’une part risque de réduire la qualité de conservation en température et, d’autre part de solliciter les évaporateurs par rapport aux opérations de dégivrage.

Influence du dégivrage des évaporateurs

L’air ambiant humide provenant des zones de réserves va naturellement se condenser en grande partie sur les ailettes des évaporateurs des chambres froides. Si aucun dispositif de régulation ou de dégivrage n’est présent, on dit que l’évaporateur “prend en glace”. Il s’ensuit une perte d’efficacité de l’évaporateur qui en l’occurrence ne peut plus assurer le maintien à température des denrées alimentaires.

Transfert après stockage

photo rayon froid supermarché

Le temps de transfert des chambres de stockage vers les rayons ou les ateliers de transformation, tout comme le trajet entre le camion frigorifique et les chambres de stockage, doit rester le plus court possible sachant que les chariots de transfert sont rarement équipés d’un groupe frigorifique embarqué afin de maintenir la température.


La vente

Un des critères de vente des denrées alimentaires est que le client puisse “toucher”, “soupeser”, …, “sentir” très facilement les produits. Au niveau des denrées réfrigérées (produits laitiers, fruit, légumes, …) et surgelées (frites, soupe, crèmes glacées, …), l’approche “marketing” est complexe. Tant au niveau du froid positif que négatif, l’impact sur la qualité du froid et les consommations énergétiques est énorme sachant que l’on doit garder en permanence une température de l’ordre :

  • de 0-4 voire 8 °C (pour le froid positif);
  •  et -18 °C voire moins (pour le froid négatif);

dans les meubles frigorifiques ouverts (conditions de fonctionnement extrêmes) dans une ambiance de vente de 20-24 °C avec comme “isolation” entre les deux un rideau d’air plus ou moins efficace.

“Le client est roi”, c’est bien connu. Mais à quel prix !


Le confort du personnel et des clients

Non seulement l’ouverture permanente des meubles frigorifiques réchauffe les denrées alimentaires au risque de “casser la chaîne du froid” mais l’ambiance de vente se refroidit en réduisant le confort. La tentation est forte de pallier à l’inconfort des clients par le chauffage permanent des allées froides :

Il y a donc “destruction” de l’énergie !

La sonnette d’alarme doit être tirée à ce niveau, car on voit de plus en plus “fleurir” des systèmes de chauffage des allées froides afin de réduire l’inconfort.

Périodes chaudes

En période chaude, la sensibilité au confort de la clientèle est aiguisée par les paramètres suivants :

  • l’écart des températures est important entre d’une part l’extérieur et l’intérieur du magasin et d’autre part entre les zones de vente classique et celles où se trouvent les rayons de froid alimentaire (devant les meubles frigorifiques), le pire étant les allées froides (allées en deux rangées de meubles frigorifiques linéaires);
  • le faible habillement des clients.

Ces deux paramètres combinés entraînent nécessairement un inconfort pouvant friser, dans certains cas, le choc thermique.

Périodes froides

Lors des périodes froides, l’inconfort est moins grand. La raison en est simple, les clients s’habillent en conséquence (pull, manteau, …) tout en considérant aussi que le corps s’habitue à la longue aux températures plus basses régnant à l’extérieur et, par conséquent, le “désensibilisant” partiellement lorsque le client passe à proximité des meubles frigorifiques ouverts.


L’énergie

“Le client est roi”, c’est bien connu. Mais à quel prix ! Non seulement l’ouverture permanente des meubles frigorifiques réchauffe les denrées alimentaires au risque de “casser la chaîne du froid” mais aussi l’ambiance de vente se refroidit au point de se retrouver dans la situation où l’on doit réchauffer l’air devant les comptoirs afin de réduire l’inconfort qui y règne. À l”inverse, l’ambiance tempérée du magasin augmente les apports externes aux enceintes frigorifiques.

Le respect de la chaîne du froid dans les commerces au sens large du terme (commerces de détail et moyennes/grandes surfaces) est un sujet où les ingénieurs et techniciens de tous bords s’arrachent les cheveux. En effet, comment concilier des points de vue qui, à première vue, sont antinomiques ?
à savoir :

  • le besoin de garantir des basses températures les plus constantes possible dans le temps aux denrées tout au long de la chaîne alimentaire;
  • la nécessité de vendre le plus possible et donc de favoriser un maximum le contact visuel et tactile des denrées par le client en imposant de laisser une interface ouverte entre les deux ambiances.

Cette approche purement “marketing” a des répercussions énormes non seulement sur la qualité du froid à assurer, mais aussi sur les consommations énergétiques des comptoirs de vente réfrigérés.

Sans grande observation scientifique, on se rend tout de suite compte que les échanges thermiques ou plus généralement enthalpiques (influence de la température et de l’humidité de l’air), entre les deux ambiances, c’est-à-dire entre les meubles frigorifiques et l’ambiance de vente, sont importants. Au travers du rideau d’air des meubles frigorifiques :

  • l’air de la surface de vente à température ambiante (24°C par exemple) et à taux d’humidité de l’ordre de 50 % réchauffe et humidifie l’intérieur des meubles frigorifiques;
  • à l’inverse, l’air froid du meuble (4°C par exemple) refroidit et déshumidifie l’ambiance de vente

A l’heure actuelle, des réglementations et des méthodes d’analyse de risques élaborées telles que le HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point)  permettent de garantir, ou du moins de tendre vers le respect de la qualité du froid alimentaire. La garantie de protection de la santé publique tout en assurant la vente des denrées a imposé le développement de techniques de réfrigération sophistiquées au niveau :

  • des rideaux d’air des meubles frigorifiques ouverts;
  • du dégivrage des évaporateurs.

Entendons-nous bien, ce n’est pas la mission d’Énergie+ que de mettre en cause les techniques mises en œuvre ni d’évaluer si ces techniques de vente sont ou ne sont pas pertinentes. Par contre, c’est de notre compétence d’analyser, de constater, de critiquer positivement, d’établir des bilans, … afin de concilier le respect de la qualité du froid avec le confort humain pour une consommation énergétique optimisée.