Stockage d'électricité - généralité


Définition

Un système de stockage électrique est un dispositif technique permettant de convertir une production électrique sous une forme stockable (électrochimique, chimique, mécanique, thermique, …), de l’accumuler puis de la restituer, sous forme d’électricité ou d’une autre énergie finale utile (thermique, chimique, …).

L’électricité ne peut pas être stockée en tant que telle, elle doit nécessairement être convertie.

Dans un monde où la part de la production électrique intermittente, saisonnière et imprévisible croît et augmente le risque de désynchronisation avec les consommations, le stockage permet de rendre le système plus flexible en absorbant les éventuels déphasages entre production et consommation d’énergie.

Le stockage sert principalement de buffer (tampon) et permet de faciliter la gestion et l’intégration des énergies renouvelables tant sur le réseau que dans les bâtiments en offrant une certaine autonomie lorsque le vent et le soleil sont absents.

Les dispositifs de stockage sont caractérisés par :

  • Leur capacité (exprimée en Wh, kWh, MWh, TWh, …),
  • Leur puissance de charge et de décharge (exprimée en W, kW, MW, TW, …),
  • Leur réactivité : le délai nécessaire pour fournir la puissance demandée (exprimé en secondes, minutes ou en heures),
  • Leur densité énergétique (exprimée en Wh/m³, kWh/m³, MWh/m³, TWh/m³, …),
  • Leur capacité à retenir l’énergie stockée dans le temps (autodécharge),
  • Le rendement de conversion (en %).

L’enjeu du stockage à l’échelle du réseau

Depuis le boum des énergies renouvelables en 2010, la question du stockage est sur toutes les lèvres, mais pourquoi ?

Jusqu’il y a peu, les centrales nucléaires offraient une base relativement constante et inflexible de production électrique mais la production d’un complément d’énergie par nos centrales fossiles flexibles activées et modulées au besoin permettait de « coller » à la demande et assurer l’équilibre du réseau. Dans ce paradigme, la production est totalement maitrisée et facilement synchronisable avec la demande (la consommation).

De manière schématique, le profil classique de demande (et donc de la production) au fil d’une journée type en semaine ressemble à ceci :

graphe stockage

De manière plus précise, le nucléaire puissant mais peu réactif, peu flexible assure classiquement une certaine « base constante de production » et les énergies fossiles plus réactives et plus souples s’ajustent et se modulent en continu pour équilibrer le réseau.

Dans ce principe, plus la puissance demandée est élevée, plus les énergies fossiles sont sollicitées. En priorité, ce sont les centrales récentes et performantes qui sont démarrées mais plus la demande est élevée, plus ce sont, in fine, de vieilles centrales polluantes qui devront être mises en route.

Ce sont donc principalement le pic du matin mais aussi et surtout celui du soir qui ont un bilan environnemental exponentiellement désastreux en appelant autant de puissance.

Si nous pouvions baisser la puissance maximale de ±15%, ce sont plus de 40% des émissions qui seraient épargnées !

À quantité journalière d’énergie produite égale, la pollution serait donc bien moindre si nous pouvions la produire à puissance constante.

Qui dit puissance installée réduite dit également moins de centrales et donc une possibilité d’entretien, d’évolution et d’investissement plus dense sur ces centrales restantes et ainsi un meilleur rendement.

Mais, comme la consommation finale des utilisateurs du réseau n’est pas constante, il faudrait que, pendant les creux de consommation, nous puissions stocker le surplus de production pour l’utiliser plus tard et compenser la réduction de puissance des centrales durant les pics journaliers.

graphe stockage énergie en Belgique

graphe du stockage énergie en Belgique

Par exemple, en Belgique, du stockage gravitaire (STEP) est réalisé à cette fin à Coo-Trois-ponts (5GWh mobilisables jusqu’à 6 cycles par jour).

barrage de Coo

ENGIE –ELECTRABEL ©

Mais, comme nous l’évoquions en introduction, une nouvelle donnée est en train de changer la donne à grande vitesse. Vous vous en doutez, il s’agit des énergies renouvelables !

Les énergies renouvelables comme l’éolien et le solaire ont la particularité d’être des énergies peu prédictibles à long terme et intermittentes, cela implique que le gestionnaire du réseau est dépendant de la variabilité de l’ensoleillement et du vent dans son offre d’électricité alors même qu’il doit assurer le parfait équilibre du réseau. Ceci a pour conséquence d’augmenter la volatilité des prix de l’électricité et nécessite de trouver de nouvelles sources de flexibilités sur le réseau.

En réalité, toutes les sources d’énergies sont stockées avant d’être utilisées pour répondre à la demande, que ce soit le bois dans votre abri, l’essence dans votre réservoir, le gaz dans vos tuyaux et même les barres d’uranium dans les centrales. Le défi avec le vent et le soleil, pour ne citer qu’eux, c’est qu’ils ne sont pas directement stockables en tant que tels aussi facilement qu’un combustible.

En Europe, tant que la portion de renouvelable intermittent dans le mix électrique est maintenue sous un seuil communément admis d’environ 30%[1]https://www.aps.org/policy/reports/popa-reports/upload/integratingelec.pdf[2]Sandrine Selosse, Sabine Garabedian, Olivia Ricci, Nadia Maïzi. The renewable energy revolution of Reunion island. Renewable and Sustainable Energy Reviews, Elsevier, 2018, 89, pp.99-105. … Continue reading[3]https://www.elia.be/~/media/files/Elia/About-Elia/Studies/20171114_ELIA_4584_AdequacyScenario.pdf, le gestionnaire est capable d’assurer la stabilité du réseau et l’équilibre avec la demande en compensant avec le fossile. En cas de surplus d’énergies pouvant survenir vers midi quand la demande est faible et que les panneaux fournissent le maximum de leur énergie, comme les centrales nucléaires ne peuvent-être arrêtées et redémarrées d’une minute à l’autre, le gestionnaire va pouvoir trouver une issue grâce aux STEP ou en se déchargeant, par exemple, en activant l’éclairage public. Mais ceci fonctionne uniquement tant que la part de renouvelable est contenue (<30%).

Or, pour 2018, nous recensions ±19% d’énergie renouvelable sur le réseau électrique belge ! Et, heureusement, ce chiffre va croissant. Ce qui devrait nous mener à dépasser le seuil des 30% à l’horizon 2030.

graphe stockage

Source : Données extraites des bilans régionaux SPW DGO4 (Wallonie), Bruxelles Environnement, VITO (Flandre), Eurostat (Belgique) pour les années passées

N’hésitez pas à consultez l’observatoire des énergies renouvelable de l’Apere pour des données mises à jour régulièrement ! Ou encore Energymap.org pour observer en temps réel l’origine de la production électrique.

Pour que le gestionnaire de réseau puisse garder la main sur l’équilibre du réseau quand la part d’énergie intermittente augmente, une des solutions consiste à utiliser des moyens de stockage pour :

  • S’assurer de récolter toute la production : ne pas la gaspiller en éclairant l’espace public de jour en cas de surplus,
  • Pouvoir profiter de cette énergie stockée les jours et les heures où le vent ou le soleil fait défaut et éviter de devoir demander plus de puissance aux centrales fossiles.
  • Augmenter l’interconnexion des réseaux au niveau de l’Europe pour amortir et lisser l’intermittence du renouvelable grâce à une échelle géographique élargie et moins dépendante de phénomènes locaux.

En complément des moyens de stockage : la flexibilité électrique accrue de la demande (par l’effacement ou le déplacement des charges) permettra de ne plus uniquement tenter d’aligner l’offre à la demande mais également d’adapter notre consommation à la quantité d’énergie disponible.


L’enjeu du stockage à l’échelle du bâtiment

La règlementation Européenne et les enjeux énergétiques, climatiques et environnementaux incitent les entreprises, les institutions et les particuliers à rejoindre l’effort et devenir eux aussi producteur d’énergie renouvelable.

Pour contribuer à l’équilibre et l’allègement du réseau, chaque bâtiment devra gagner en autonomie énergétique et autoconsommer le maximum de l’énergie qu’il produit. La Wallonie travaille d’ailleurs sur le statut de prosommateur pour inciter fiscalement à l’autoconsommation.

Or, pour maximaliser le taux d’autoconsommation dans un bâtiment, il faut soit :

  • Adapter sa consommation à la disponibilité intermittente d’énergie autoproduite. Ceci implique une refonte complète des comportements, une souplesse dans ses activités et une attention de chaque instant ce qui sera rarement possible dans un monde où l’organisation, la performance et la vitesse prime.
  • Disposer d’un système qui pourra accumuler l’énergie produite hors des heures d’utilisation dans une batterie, un ballon d’eau chaude, sous forme d’H2, … que nous pourrons ensuite mobiliser en temps utile.

Sources[+]