Sommaire
Valoriser la fraicheur de l’air extérieur
Le potentiel lié à la fraicheur extérieure
L’isolation des bâtiments élargit la période de refroidissement en mi-saison et en été. Ce besoin peut être pour une bonne part résolu en valorisant l’air extérieur lorsqu’il est plus frais que la consigne intérieure.
En moyenne, la température extérieure à Uccle est 98 % du temps inférieur à 24°C et ne dépasse 27° que 40 heures par an. En outre, en été, dans notre pays, la température nocturne minimale est inférieure de plus de 8°C à la température maximum diurne, et cette température extérieure nocturne est toujours inférieure aux plages de confort. Il existe donc un pouvoir rafraîchissant naturel important de l’air extérieur, sans traitement et donc sans coût énergétique autre que son transport.
Les profils de températures moyennes à Uccle montrent que la température extérieure est généralement inférieure à la température de confort.
Ce pouvoir rafraîchissant est cependant limité par deux facteurs : la faible capacité frigorifique de l’air extérieur et la quantité d’air pouvant être valorisée, qui est limitée par l’encombrement des gaines de ventilation, la taille des ouvertures en façade, le risque de générer un courant air.
Ainsi, imaginons un local à 26°C avec une charge thermique (élevée) de 60 W/m² (ordinateur, éclairage, occupants, ensoleillement, …) ou 20 W/m³ (si la hauteur sous plafond est de 3 m). La température de l’air extérieur est de 20°C. Calculons le débit nécessaire pour évacuer la chaleur d’un m³ du local :
débit = 20 [W/m³] / (0,34 [W/(m³/h).K] x 6 [K]) = 9,8 [renouv./h]
où,
- 0,34 W/m³.K est le pouvoir calorifique de l’air et 6 K est la différence de température entre l’intérieur et l’extérieur
Il faudrait donc un taux de renouvellement horaire de 9,8 : chaque heure, l’air du local serait renouvelé 10 fois ! en dehors de la difficulté technique, cela génère un climat peu confortable…
En pratique, la fraîcheur de l’air extérieur peut être valorisée de trois façons : par une ventilation intensive naturelle (free cooling naturel), par l’intégration d’air frais dans le système de conditionnement d’air (free cooling mécanique), et par le refroidissement direct des boucles d’eau froide (free chilling).
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L’exploitation de l’air extérieur par ventilation naturelle (free cooling naturel)
La ventilation intensive estivale (ou free cooling naturel), vise le refroidissement passif du bâtiment par l’ouverture de sa façade. L’objectif est soit de compenser en journée les charges internes et solaires, soit de “décharger” et refroidir pendant la nuit la masse du bâtiment, afin que cette masse puisse limiter la montée en température le lendemain.
La ventilation intensive est efficace en journée si l’air extérieur n’excède pas la température intérieure, mais n’est pas non plus trop froid, pour éviter la sensation de courant d’air, ce qui limite son usage en mi-saison. De plus, il restera toujours les 40 heures, soit de 5 à 10 journées de travail par an, où la ventilation ne ferait qu’empirer les choses puisque la température extérieure est supérieure à la température intérieure. Le refroidissement par ventilation de jour peut donc être une solution en mi-saison, mais a ses limites en été.
Le refroidissement par ventilation de nuit par contre conserve son efficacité toute l’année, sauf canicule extrême. Malgré tout, pour qu’un free cooling permette de se passer de climatisation en journée, il faut assurer durant la nuit, un taux de renouvellement d’air nettement plus important que le taux de ventilation hygiénique : au minimum 4 [vol/h] par rapport à 1 [vol/h].
Au-delà de l’économie d’énergie qui en résulte, c’est une certaine qualité de vie qui est recherchée : absence de système sophistiqué de climatisation, … et plaisir de pouvoir ouvrir sa fenêtre et d’entrer plus en contact avec l’environnement extérieur.
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L’intégration de l’air frais dans le système de conditionnement d’air (free cooling mécanique)
La climatisation est parfois nécessaire (charges thermiques élevées, consignes intérieures strictes de température et d’humidité, …).
On sera alors attentif au fait que le système installé n’exclue pas le refroidissement naturel : dès que la température extérieure descend, elle doit pouvoir supplanter la climatisation mécanique. Idéalement, celle-ci ne devrait plus servir que dans les périodes de canicule.
Tout particulièrement, dans les locaux refroidis toute l’année (locaux intérieurs, locaux enterrés, …) et dans les locaux à forte occupation de personnes (salles de conférence, locaux de réunion, …), il est dommage de faire fonctionner la climatisation en hiver et en mi-saison. On privilégiera les systèmes “tout air” à débit variable.
Durant les nuits d’été, le bâtiment peut facilement être refroidi par le balayage de l’air extérieur (l’installation fonctionne alors en “tout air neuf”). Et en mi-saison, l’air extérieur assure seul le refroidissement par mélange avec l’air recyclé.
Bien sûr, la consommation du ventilateur ne doit pas dépasser celle de la machine frigorifique ! La perte de charge du réseau de ventilation (pulsion, extraction et recyclage) doit rester faible. Il faut prévoir la place pour de larges conduits.
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L’utilisation de l’air frais comme source froide d’une installation de refroidissement (free chilling)
Aussi curieux que cela puisse paraître, de nombreuses machines frigorifiques fonctionnent en hiver. Pour assurer le refroidissement de la salle informatique, pour refroidir le cœur du bâtiment surchauffé par les équipements, …
La première réaction est d’imaginer de scinder la production de froid : une petite machine couvre les besoins permanents de la salle informatique, par exemple. Et la grosse machine est mise à l’arrêt en hiver, tout en pouvant jouer le rôle de groupe de sécurité en cas de défaillance de la première.
La deuxième réaction est d’analyser si le circuit d’eau glacée ne pourrait pas être refroidi directement par l’air extérieur, en by-passant la machine frigorifique. Si le fonctionnement est continu tout l’hiver, cela en vaut sûrement la peine (c’est le cas pour un groupe qui refroidirait des locaux de consultations situés en sous-sol d’un hôpital, par exemple).
Lorsque la température extérieure descend sous les 8 à 10°C, on peut fabriquer de l’eau glacée sans utiliser le groupe frigorifique. L’eau peut-être directement refroidie par l’air extérieur. La machine frigorifique est alors mise à l’arrêt.
L’économie d’énergie est évidente ! La rentabilité du projet est d’autant plus élevée que les besoins de refroidissement sont importants en hiver et que l’installation s’y prête.
Toutes sortes de configurations sont possibles en intercalant dans la boucle d’eau glacée soit un aérorefroidisseur (en parallèle ou en série avec le groupe frigorifique) soit une tour de refroidissement (ouverte ou fermée) ou encore un échangeur à plaque couplé avec une tour de refroidissement.
Aérorefroidisseur monté en série avec un évaporateur
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Valoriser la fraicheur du sol
Le sol présente un potentiel important pour rafraichir les bâtiments. Sa température est, en été, moins élevée et surtout plus stable que celle de l’air extérieur. Une masse de sable, d’argile ou de roche présente en outre une capacité calorifique importante.
La température moyenne mensuelle est amortie et déphasée par rapport aux températures extérieures. Le sol présente donc un potentiel de rafraichissement particulièrement intéressant au printemps et en été, lorsque la température extérieure est plus élevée.
Les propriétés thermiques du sol dépendent des propriétés de ses constituants et de leurs proportions. Quelques ordres de grandeur :
nature des constituants | Conductivité thermique (W/m°c) | Capacité calorifique volumique Cp(Wh/m3°c) | Diffusivité thermique (m2/h |
---|---|---|---|
constituants minéraux | 2,92 | 534 | 0,0054 |
constituants organiques | 0,25 | 697 | 0,00036 |
eau | 0,59 | 1 163 | 0,00050 |
air | 0,025 | 0,34 | 0,0756 |
Frédéric Chabert “Habitat enterré” (1980).
La conductivité thermique des sols varie de 1 à 5 selon qu’il est sec ou saturé. La capacité thermique moyenne des sols varie elle de 1 à 3.
L’exploitation de la fraicheur du sol se fait en y organisant un échange de chaleur par le passage contrôlé d’air ou d’eau. Lorsqu’il s’agit d’un échangeur air-sol, on parle de puits canadiens ou provençaux. Lorsqu’il s’agit d’un échangeur eau-sol, on parle de geocooling, une appellation qui, strictement, devrait également recouvrir les puits canadiens.
Parmi les diverses solutions d’échangeur eau-sol, notons l’exploitation du sol sous la dalle de fondation (attention à la puissance qui peut rester alors faible…),
ou dans les pieux de fondation :
Des échangeurs de type forage vertical, indépendants de la structure du bâtiment, sont également possibles.
Une autre possibilité est d’utiliser l’eau des nappes phréatiques souterraine au moyen, en la pompant pour la conduire vers un échangeur de chaleur eau-eau, mais cette technique peut générer des problèmes de nature hydraulique dans le sol (déséquilibres des nappes phréatiques, pollutions).
Un des grands intérêts des techniques de geocooling est que le niveau de température concerné (de 5 à 15°C) est intéressant tant :
- Pour le refroidissement direct : un échange de chaleur, par l’intermédiaire de boucles d’eau, entre le bâtiment est le sol), en vue d’alimenter un système de refroidissement par dalle ou par plafond froid.
- Pour le refroidissement indirect : valoriser le sol comme source froide de la machine frigorifique, quel que soit le système de distribution et d’émission dans le bâtiment.
- Que pour le chauffage par pompes à chaleur. En pratique, on n’envisagera pas de valorisation thermique du sol uniquement pour le refroidissement estival. L’investissement en pompages ou forage ne se fera que si le sol peut être valorisé au maximum de son potentiel, c’est-à-dire tant en refroidissement l’été qu’en chauffage l’hiver. Le géocooling est donc intimement lié à la géothermie.
Pour en savoir plus :
Le géocooling. |
Valoriser la physique de l’air humide
Le diagramme psychrométrique est l’outil indispensable pour visualiser et mesurer ces quantités d’énergie. L’enthalpie est représentée sur l’axe diagonal à gauche du diagramme. On constate que le niveau d’enthalpie est équivalent pour un air à 30 °C et 30 % d’humidité relative et pour un air à 17 °C et 100 % d’humidité relative. Autrement dit, si l’on arrive à créer des transferts entre l’énergie sensible et l’énergie latente d’une masse d’air, on devrait être en mesure de créer de l’air froid (et humide) au départ d’air chaud (et sec). Et cela sans grande consommation d’énergie, puisque l’enthalpie de l’air serait conservée.
Comment réaliser ce petit miracle ? Simplement en humidifiant l’air.
En pratique, deux types d’applications ont été développées pour valoriser ce principe physique.
Le premier dispositif se trouve dans l’architecture vernaculaire de nombreuses cultures, mais fut particulièrement développé par les Perses. Ils combinaient des tours à vent (“bagdir”) avec locaux servant de glacières (“yakh-chal”) souvent reliées à un canal souterrain (“qanat”). Par cet ensemble de dispositifs, ils étaient capables de conserver des aliments et rafraîchir des bâtiments dans un climat particulièrement chaud. Marco-Polo, lors de son premier voyage en orient, se serait vu offrir des glaces en plein été !
Plus récemment, l’idée de refroidir de l’air par humidification a été appliquée dans des groupes de traitement d’air. On parle alors de refroidissement adiabatique. Une différence majeure avec la solution imaginée par les Persans : ici c’est l’air extrait du bâtiment que l’on refroidit par humidification. Un échangeur de chaleur air-air permet ensuite de rafraîchir l’air neuf au contact de l’air extrait. Nos ambiances sont déjà suffisamment humides en été que pour éviter d’y pulser un air saturé !
Pour en savoir plus :
Les grandeurs hygrométriques. | |
Choisir une production de froid “alternative” : refroidissement adiabatique et climatisation solaire. |
Valoriser le soleil
Paradoxalement, la chaleur du soleil peut être utilisée pour rafraichir un bâtiment… pour autant que l’on dispose de l’équipement adéquat.
Généralement, produire du froid implique l’usage d’une machine frigorifique. Celle-ci se compose de deux échangeurs de chaleur (condenseur et évaporateur), d’un détendeur et d’un compresseur électrique. Pas de place pour l’énergie solaire là-dedans, si ce n’est au travers de capteurs photovoltaïques.
Mais il existe un autre type de machine frigorifique, dit “à ab/adsorption“. Là, l’échange thermique est basé à la fois sur la vaporisation d’un réfrigérant (de l’eau) et sur la capacité de certaines substances à absorber la vapeur d’eau pour la restituer à un niveau de pression différent lorsqu’ils sont échauffés. Le cycle de cette matière absorbant joue le rôle du compresseur dans une machine frigorifique traditionnelle, tout en demandant une alimentation en chaleur plutôt qu’en électricité. Or, qui dit soleil dit chaleur ! La combinaison de capteurs solaires thermiques et d’une machine frigorifique à ab/adsorption constitue ce que l’on appelle une “climatisation solaire”, une idée séduisante si les besoins de froid du bâtiment sont liés aux gains solaires.
Pour en savoir plus :
Choisir une production de froid “alternative” : refroidissement adiabatique et climatisation solaire. |
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Auteur : les anciens
Eté 2008 : Brieuc.
Notes : 20.02.09