Stockage Power-To-Power

Préambule 

Cet article de 2019 offre une excellente introduction pédagogique aux principes fondamentaux du stockage d’énergie. Cependant, entre 2019 et 2025, le secteur a connu une révolution technologique et économique sans précédent, transformant le stockage d’une contrainte technique en un pilier central de la transition énergétique. Ce préambule a pour but de contextualiser cet article dans le paysage énergétique de 2025, en intégrant les innovations majeures qui redéfinissent aujourd’hui le stockage d’énergie.

La révolution des batteries et la chute des coûts

La technologie des batteries a connu une transformation radicale. Les prix des batteries lithium-ion ont chuté de 20% en 2024 pour atteindre un record historique de 115 USD/kWh, rendant le stockage économiquement viable à grande échelle. Des innovations comme les batteries à état solide, qui doublent la densité énergétique, et les batteries sodium-ion, qui utilisent des matériaux abondants, sont désormais une réalité industrielle. Cette révolution a démocratisé le stockage résidentiel et a permis l’émergence de nouveaux modèles économiques.

L’avènement du Power-to-X et de l’hydrogène vert

Le concept de Power-to-X (P2X) est devenu une technologie clé, permettant de convertir l’électricité renouvelable en vecteurs énergétiques stockables à long terme comme l’hydrogène vert, l’ammoniac ou les e-carburants. Des projets industriels de grande envergure, comme Kassø au Danemark ou HYPRPlant au Texas, démontrent la maturité de cette filière, qui transforme le stockage d’une approche purement électrique en un écosystème multi-énergies.

L’intégration systémique et l’intelligence artificielle

Le stockage d’énergie n’est plus une technologie isolée. Il est désormais au cœur des réseaux intelligents (smart grids), des communautés d’énergie et des microgrids. L’intelligence artificielle optimise en temps réel les cycles de charge et de décharge, prédit les besoins énergétiques et permet l’agrégation de milliers de systèmes de stockage distribués pour fournir des services de flexibilité au réseau. Le Vehicle-to-Grid (V2G) transforme les véhicules électriques en un immense réseau de batteries mobiles, offrant une capacité de stockage sans précédent.

Les nouveaux enjeux de durabilité et de sécurité

Cette révolution s’accompagne de nouveaux défis. La sécurité des batteries est devenue une préoccupation majeure, avec une augmentation des incidents. L’économie circulaire des métaux critiques (lithium, cobalt) et le développement de technologies de recyclage avancées sont désormais au premier plan pour assurer la durabilité de cette transition.
En conclusion, si les principes physiques décrits dans cet article restent valables, leur application a été complètement transformée. La lecture de cet article constitue une base solide pour comprendre les fondements du stockage d’énergie, une technologie qui est aujourd’hui au carrefour de l’innovation matérielle, de l’intelligence artificielle et de la transformation systémique de notre paysage énergétique.

Le stockage électrochimique : les batteries

Les batteries ou accumulateurs électrochimiques sont les moyens de stockage les plus connus. Nous en avons dans nos smartphones, nos appareils photos et de plus en plus souvent dans nos bâtiments.

Les accumulateurs de ce type profitent des propriétés électrochimiques de certains matériaux, notamment des couples oxydant-réducteur comme le Nickel et le Cadmium.

Lors de la phase de charge, l’électricité induit un flux d’électron entre les bornes qui va polariser les électrodes. La borne négative va alors attirer les protons (+) d’un côté de la membrane. Ces protons vont s’accumuler et l’électrolyte qui était initialement neutre et homogène va se polariser: un côté va se charger positivement et l’autre, orphelin de ses protons(+), négativement.

Lorsque tous les protons (+) ont migré d’un côté, l’accumulateur est chargé à 100%.

Schéma stockage électrochimique : les batteries.

Dans la phase de décharge (utilisation de l’énergie stockée), cette différence de polarité est utilisée pour mettre des électrons en mouvement dans le sens inverse et produire de l’électricité. Cette circulation en sens inverse des protons va progressivement rétablir l’équilibre de polarité entre les parties chargées positivement et négativement. À partir d’un moment, la tension électrique induite deviendra trop faible et l’accumulateur sera considéré comme « vide ».

Plusieurs matériaux sont utilisables pour réaliser ce principe. En fonction du type d’anode, de cathode et d’électrolyte la densité énergétique, la vitesse de charge, le coût et la stabilité seront variables.

Parmi les technologies les plus courantes, les densités énergétiques sont les suivantes :

Parmi les technologies les plus courantes, les densités énergétiques sont les suivantes

Les autres caractéristiques principales de différentes technologies:

  Vitesse de charge Vitesse de décharge naturelle Nombre de cycles EFFET mémoire* Recyclabilité Coût Commentaire
Plomb-acide Moyenne ±500 Extrêmement faible Très bonne faible Supporte mal les cycles trop amples
Ni-Cd ± rapide ±2000 Oui Toxique
NiMH ± rapide ±1000 Oui mais faible Peu polluant
Li-Ion ++ négligeable ±750 Extrêmement faible Mauvaise, coûteuse
Ni-Zn + rapide ±300 Oui mais faible correcte Moyen
Li-po ++ négligeable ±300

L’effet mémoire est un phénomène physique et chimique qui se manifeste dans certaines technologies d’accumulateurs plus que dans d’autres. S’il se manifeste, ces derniers doivent être déchargés complètement avant d’être rechargés sous peine d’observer une réduction de la capacité de la batterie difficilement récupérable.


Le stockage thermique

Le stockage d’électricité sous forme de chaleur est généralement utilisé tel quel sous forme d’énergie thermique pour l’eau chaude sanitaire ou le chauffage mais peut également être reconvertie et restituée sous forme d’électricité par l’intermédiaire d’une turbine.

Le principe général consiste à chauffer un matériau à haute densité calorifique (de l’eau, de la pierre réfractaire, un matériau à changement de phase, …) dans un milieu clos fortement isolé thermiquement. Le chauffage de la masse à lieu lorsqu’il y a surplus d’électricité.

Schéma stockage thermique.

À l’inverse lorsque l’électricité vient à manquer, la chaleur est libérée et va produire de la vapeur qui continuera son chemin dans une turbine haute température, comme dans une centrale TGV. La turbine va alors se mettre en mouvement et alimenter un alternateur qui pourra injecter du courant alternatif sur le réseau ou dans le bâtiment une fois qu’il sera passé par le transformateur adéquat.


Le stockage En « STEP »

Il s’agit probablement du système de stockage à grand échelle le plus connu. La STEP (Station de transfert d’énergie par pompage) fonctionne par pompage-turbinage. Lorsque le réseau ou le bâtiment est en état de surproduction, pour ne pas gaspiller cette précieuse énergie, une pompe sera actionnée. La pompe élevera alors de l’eau pour la stocker dans un bassin en hauteur (sur la toiture, en haut d’une coline, …).

Cette eau située en hauteur réprésente une énergie potentielle considérable. Ensuite, le fonctionnement est le même que pour un barrage hydroélectrique : au moment opportun, l’eau sera libérée et turbinée pour produire de l’électricité avant de rejoindre le bassin inférieur.

L’énergie disponible est alors égale à :

[La masse] x [la gravité] x [la hauteur de la masse]

Soit, pour un bassin de 1000 m³ (un cube de 10 mètres de côté) situé sur terre (g=9,81 m/s²) à une hauteur moyenne de 20 m par rapport au bassin bas :

1.000.000 kg   x   9,81 m/s²   x   20 m  =  196.200.000 Joules

Soit 54 kWh

Schéma stockage En « STEP ».


Autres systèmes de stockage

Le stockage d’électricité est probablement le Graal du XXIème siècle. C’est pourquoi les ingénieurs rivalisent de créativité pour inventer la solution la plus abordable, verte et performante.

Parmi les solutions que nous rencontrons aujourd’hui, citons le stockage par air comprimé.

Le principe est simple : on profite d’une cavité étanche existante ou on en crée une. Cette cavité sert alors d’espace de stockage pour notre air comprimé. Lorsqu’il y a surproduction, l’électricité va actionner un compresseur, ce dernier va alors faire monter la pression dans notre cavité. Si celle-ci est parfaitement étanche, l’énergie potentielle contenue dans la haute pression peut être conservée très longtemps. Seule la chaleur produite lors de la compression sera perdue en cours de route.

Schéma autres systèmes de stockage.

Ensuite, lorsque le bâtiment ou le réseau a besoin d’électricité, cette pression sera libérée et turbinée afin de produire de l’électricité.

Ce système est à la fois relativement simple et compact (l’essentiel se passant en sous-sol) mais nécessite la présence d’une cavité suffisamment grande, étanche, solide et profonde pour résister aux fortes pressions sans se déformer de manière sensible, ce qui provoquerait des désordres à l’installation et son environnement.

Un autre système qui a de beaux jours devant lui dans le secteur des transports et des énergies renouvelables notamment est celui du stockage d’électricité par volant d’inertie. Ici, le système est encore plus simple. L’électricité OU un mouvement rotatif (roue de voiture, éolienne, …) entraine à la rotation un cylindre extrêmement lourd. Ce surplus d’énergie va accélérer la rotation du cylindre à des vitesses pouvant atteindre les 10.000 tours par minute ! Afin de limiter les frottements et donc l’auto-décharge, ce cylindre est monté sur des roulements performants et confiné sous vide.

Ensuite, lorsque le réseau aura besoin d’énergie, le moteur va se transformer en générateur (une dynamo) et produire de l’électricité en freinant électromagnétiquement le volant d’inertie.

Ce type de système est notamment utilisé dans les autobus et certaines voitures hybrides afin de récupérer l’énergie de freinage. Plutôt que de freiner les roues par frottement, les roues sont embrayées progressivement au volant d’inertie. L’inertie du bus en mouvement est alors transmise au volant d’inertie qui prend de la vitesse et ralenti le bus jusqu’à son arrêt complet. À ce moment, le volant est débrayé et le cylindre tourne à vive allure avec peu de frottement. Lorsque les passagers sont tous à bord, le volant d’inertie va être progressivement ré-embrayé au système de traction du bus et lui restituer la quasi-totalité de son énergie de freinage mais sous forme d’accélération cette fois-ci.

Dans le cadre des énergies renouvelables, ce type de système est envisagé comme stockage tampon entre le dispositif de production renouvelable et le bâtiment afin d’éviter que, nous n’ayons à rebasculer sur le réseau au moindre nuage ou manque de vent.