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Besoins thermiques et électriques d’un bâtiment moderne
Besoins thermiques
La conception des bâtiments modernes n’a plus rien à voir avec nos chères constructions “passoires”. La venue de la PEB bouleverse nos habitudes de constructions ; cela va dans le sens où les besoins thermiques diminuent fortement.
Les profils de chaleur évoluent aussi ! Il suffit d’analyser deux monotones de chaleur pour s’en convaincre. On se réfère à deux bâtiments de volume différent, mais ayant le même besoin de puissance de chauffe :
- l’un, de grand volume est bien isolé et d’étanchéité correcte ;
- l’autre de volume moyen est de type “passoire”.
Les monotones de chaleur sont représentées ci-dessous :
Bâtiment type passoire. |
Bâtiment performant. |
Le besoin de chaleur en puissance est représenté par la courbe et en énergie par l’aire sous la courbe. Les surfaces de couleur matérialisent le besoin de chaleur qui pourrait être pris en charge par une unité de cogénération. En comparant les deux aires de couleur, on se rend compte que :
- Pour une même puissance de dimensionnement de cogénération, la prise en charge du besoin de chaleur par la cogénération dans un bâtiment énergétiquement performant est beaucoup plus faible.
- Pour un même investissement, la production de chaleur et, par conséquent, d’électricité est moindre.
Il s’en suit qu’à puissance de cogénération égale, on observe une diminution de la rentabilité énergétique, environnementale et financière.
A méditer !
Comment déterminer les besoins de chaleur ?
Partir d’une feuille blanche pour envisager l’association d’une cogénération et de chaudières à condensation n’est pas nécessairement plus aisé qu’en rénovation. En effet, les profils de consommations de chaleur ne sont pas connus. Dès lors, il est impératif de déterminer ces profils de manière précise. Les simulations thermiques dynamiques peuvent aider le concepteur à établir ces besoins de chaleur en fonction :
- des caractéristiques du bâtiment (volumétrie, orientation, composition des parois, inertie accessible, …) ;
- des types et scénarios d’occupation (horaires, nombre de personnes, …) déterminant les consignes de température, les apports internes, … ;
- du climat dans lequel le bâtiment se trouve (température, humidité, ensoleillement, vent, …) permettant d’évaluer les échanges thermiques du bâtiment avec l’extérieur, les apports solaires au travers des baies vitrées, …) ;
- …
Pour réaliser ce genre d’étude, il faut s’adresser à un bureau d’étude spécialisé qui établira un profil de besoins tel que celui exposé ci-après :
Profil de besoin de chaleur et de refroidissement en fonction de la température externe
(simulation type TRNSYS).
Profil annuel des besoins de chaleur et de refroidissement
(simulation type TRNSYS).
Comment déterminer les besoins d’électricité ?
Pour déterminer les besoins d’électricité, il existe des ratios relativement fiables. Une difficulté majeure dans l’établissement d’un profil de besoins électriques est d’imaginer les scénarios de commande et de régulation des équipements électriques. On donne comme exemple les variations des consommations électriques :
- des luminaires en fonction de l’apport de lumière naturelle et d l’occupation ;
- des ventilateurs de ventilation hygiéniques en fonction de la qualité de l’air ;
- des ascenseurs en fonction du trafic ;
- des process éventuels en fonction du “taux de charge” de la chaîne de production ;
- des groupes de climatisations en fonction du climat et des apports internes ;
- …
Besoin d’électricité.
Profil de besoin électrique reconstitué à partir d’un scénario théorique.
Intérêt énergétique, environnemental et financier de l’association
Pour rappel, que ce soit en amélioration ou en conception, la cogénération est juste là pour produire un maximum d’énergie thermique et électrique locale sur base d’un profil de chaleur. L’appoint en chauffage, comme des chaudières à condensation, n’est là que pour :
- prendre le relais en mi-saison lorsqu’on décide de ne pas faire fonctionner la cogénération ;
- donner un “coup de pouce” en termes de puissance pendant les périodes froides ;
- palier à une défectuosité de la cogénération.
Scénario de départ
Le gestionnaire d’un parc immobilier a décidé, pour son nouveau bâtiment de placer deux chaudières à condensation.
Mais aurait-il un intérêt à investir dans une cogénération ?
Avant de se lancer dans une entreprise de combinaison d’une cogénération avec une ou plusieurs chaudières à condensation, il est impératif de savoir s’il existe un intérêt énergétique, environnemental et financier réel à les associer. En d’autres termes :
> Vaut-il mieux se contenter :
- de placer uniquement des chaudières à condensation et d’optimiser l’installation tant au niveau hydraulique qu’au niveau de la régulation du système de chauffage, et ce dans le but d’optimiser uniquement le rendement saisonnier de la chaufferie ?
- ou de continuer à “importer” de l’électricité à partir du réseau ?
> Ou faut-il viser directement l’association des chaudières avec un cogénérateur en considérant que sur site :
- la cogénération consomme plus de combustible pour chauffer le bâtiment et produire de l’électricité en local ?
- les chaudières consomment un solde de combustible lorsque la cogénération ne “tourne pas” ?
- le réseau fournit le solde de besoin d’électricité ?
Dans ce qui suit on tente d’y répondre par l’exploitation du logiciel d’étude de pertinence de cogénération de la Région Wallonne CogenSim (version 3.11 ; 2011) :
Simulation
Le postula de départ est qu’une étude de faisabilité d’installation d’une cogénération a montré une rentabilité énergétique, environnementale et financière valable.
En partant du principe qu’une cogénération est dimensionnée pour produire la base d’un profil de besoin de chaleur, le solde étant fourni par une chaudière à condensation, plus cette chaudière sera performante, plus importante sera la réduction des consommations énergétiques pour fournir ce solde.
Une manière d’y arriver est de simuler une cogénération associée à une chaudière dont le rendement saisonnier évolue de 80 à 100 %.
Pour plus de renseignements sur le calcul de rentabilité de l’association d’une cogénération avec une ou plusieurs chaudières à condensation. |
Il y a t-il un intérêt réel d’association ?
En préliminaire, il faut toutefois faire remarquer que le cas présenté ci-dessus est très favorable à l’investissement dans une cogénération. En effet, les profils des besoins de chaleur et d’électricité se complètent bien. Tous les projets ne sont pas toujours aussi heureux ! Par exemple, lorsque le besoin de chaleur est faible par rapport à la demande d’électricité, l’investissement dans une cogénération n’est pas toujours rentable. A voir donc au cas par cas !
Pour plus de renseignements sur les cogénérateurs. |
Niveau énergétique
En partant du principe, que pour les profils de chaleur et d’électricité établis pour le projet considéré, l’étude précise de faisabilité du placement d’une cogénération est envisageable énergétiquement, environnementalement et financièrement parlant, l’association d’une ou de plusieurs chaudières à condensation est un plus énergétique comme le montre le graphique suivant :
Évolution des consommations en énergie primaire.
Niveau environnemental
La réduction des émissions de gaz à effet de serre est liée aux consommations en énergie primaire. Dans le cas étudié dans la note de calcul, la réduction des émissions de CO2 est effective même pour une cogénération au gaz et sera d’autant meilleure que le rendement des chaudières d’appoint sera élevé. On privilégiera donc les chaudières à condensation. Le bilan environnemental sera naturellement influencé par le type de combustible utilisé par la cogénération. En effet, le nombre de certificats verts octroyés (CV) sera d’autant plus important que le combustible sera renouvelable (bois, huile végétale, …).
Niveau financier
Quant au bilan financier, il est en général lié aux éléments principaux suivants :
- aux coûts imputés aux consommations des différents combustibles et aux frais de maintenance ;
- à l’investissement :
- dans l’installation de la cogénération et de la (des) chaudière(s) ;
- dans la modification du circuit hydraulique primaire ;
- dans l’adaptation de la régulation de la cascade cogénération/chaudière(s) ;
- à l’octroi des primes et des certificats verts (CV) ;
- à l’autoconsommation maximale de l’électricité produite par la cogénération (réduction de la facture électrique) ;
- à la revente résiduelle d’électricité. Attention, qu’au global, il ne peut pas devenir producteur d’électricité.
Le bilan financier est très variable. La rentabilité de la cogénération provient du gain engendré sur la facture électrique et les CV. Le premier gain est très important d’où l’intérêt d’autoconsommer un maximum de l’électricité produite par la cogénération pour maximiser la rentabilité de l’installation.
Aspect hydraulique et de régulation
Condition de cohabitation
Ici, on part du principe que le bâtiment qui sera construit est un bâtiment énergétiquement performant répondant au moins aux exigences PEB.
Pour qu’une cogénération puisse cohabiter avec une ou plusieurs chaudières à condensation, il faut en même temps alimenter :
- la chaudière à condensation avec un retour en chaufferie le plus froid possible (pour le gaz < 55 °C) ;
- le cogénérateur avec un retour, dont la température, n’est pas inférieur à 60 °C mais pas supérieur à 70 °C. Même, la température d’eau de la plupart des moteurs n’excède pas plus de 65 °C.
C’est à ce niveau que les aspects de conception des circuits hydrauliques et de la régulation ainsi que la disposition des équipements, les uns par rapport aux autres, prennent toute leur importance.
On rappelle ici que la cogénération est en tête de cascade. Ce qui signifie que, si l’étude de faisabilité de la cogénération a été réalisée correctement, pendant 4 000-5 000 heures sur la saison de chauffe, elle doit fonctionner seule ou en parallèle avec la ou les chaudières.
Aspect hydraulique
Température de retour
On part du principe “qui peut le plus peut le moins” ; ce qui signifie qu’un retour froid des circuits secondaires peut être réchauffé et pas l’inverse !
C’est donc bien un retour le plus froid possible qui garantit une cohabitation harmonieuse de la cogénération et de la ou des chaudières à condensation !
Le retour froid en chaufferie est surtout conditionné par le mélange ou pas des retours des circuits secondaires dont les régimes de températures peuvent être totalement différents.
Ces régimes sont déterminés en fonction :
- De la charge thermique par déperdition au travers des parois et par in/exfiltration ainsi que la charge thermique par ventilation hygiénique des différents locaux du bâtiment. Par exemple, pour un bâtiment dont la performance de l’enveloppe est élevée (isolation des parois, remplacement de châssis à simple vitrage par des châssis à double vitrage à basse émissivité, placement de récupérateur de chaleur sur un système de ventilation à double flux, …), les régimes de températures pourraient être les suivants :
- pour les circuits statiques, un régime 70-50 °C ;
- pour les planchers chauffants, un régime 35-25 °C.
- pour les batteries chaudes des systèmes de ventilation double flux avec récupérateur, un régime 45-35 °C.
- De la présence ou pas d’un circuit d’ECS. On pourrait très bien envisager, pour une production d’ECS semi-instantanée, un régime 70-45 °C.
Configuration de collecteur
Suivant la température de retour des différents circuits secondaires, ceux-ci seront combinés ou pas au niveau du collecteur principal.
Un seul collecteur de retour (régime ECS : 70-45 °C).
Collecteur de retour haute et basse température (régime de température 70-60 °C).
Pour plus de renseignements sur la conception correcte des circuits de distribution. |
Pour plus de renseignements sur les circuits hydrauliques associés à une chaudière à condensation. |
En conception, pour optimiser énergétiquement l’association d’un cogénérateur avec une ou plusieurs chaudières à condensation, le nombre de configurations hydrauliques des équipements de production est assez limité de par la complexité des projets.
La configuration hydraulique du circuit primaire est en général tributaire :
- de la cohérence entre les régimes de températures des circuits secondaires ;
- de l’évolution ou pas du nombre de circuits secondaires : le projet est-il prévu en plusieurs phases ou pas ?
- et du type de chaudières disponibles sur le marché en fonction de la puissance. On envisagera, par exemple :
- une chaudière à condensation avec un seul ou deux retours (échangeurs haute température et à condensation en série ou les deux échangeurs en parallèle) ;
- une chaudière à grand ou faible volume d’eau ;
- une chaudière nécessitant un débit minimum ou pas ;
- une chaudière traditionnelle nécessitant un retour chaud (minimum de 60°C pour éviter la condensation dans l’échangeur).
Différentes configurations sont proposées par les fabricants. A quelques variantes près, elles se ressemblent. On considère ici, à titre d’exemple, trois associations caractéristiques de chaudières de différents types avec un cogénérateur. À noter que certains constructeurs de chaudières proposent maintenant des solutions complètes d’association de chaudières avec cogénérateur pilotée par une même régulation. En conception, il est intéressant d’opter pour une solution complète du même constructeur sachant qu’il est très important que la régulation porte sur l’ensemble de la chaufferie, y compris la cogénération.
Il est bien entendu que la règle de prudence est toujours d’application sachant que chaque projet est un cas particulier. Le responsable du projet fera toujours appel à un bureau d’étude spécialisé capable de maîtriser non seulement les techniques liées aux cogénérateurs, mais aussi celles faisant appel aux chaudières.
Exemple 1 : Deux chaudières à condensation et un cogénérateur à huile végétale
Source : Sibelga.
Quelques explications :
Les circulateurs des circuits secondaires assurent la circulation du fluide caloporteur tant au primaire qu’au secondaire.
Le ballon tampon du cogénérateur est hydrauliquement en tête du retour. Vu que l’objectif premier est de maximiser le nombre d’heures de fonctionnement du cogénérateur, le ballon tampon est le “fournisseur prioritaire” des besoins de chaleur.
Tant que la puissance du cogénérateur est suffisante, il est le seul producteur primaire de chaleur.
Une fois que le besoin de chaleur dépasse la puissance du cogénérateur, l’appoint est donné par la première chaudière à condensation. La vanne 3 voies permet l’irrigation du retour chaud tandis que la vanne 2 voies celle du retour froid. Ces deux vannes travaillent en tout ou rien et sont commandées par la régulation de la chaudière qui est en demande de production de chaleur.
Lorsque le besoin de chaleur devient très important, la seconde chaudière à condensation peut donner le solde de chaleur.
Exemple 2 : Une chaudière traditionnelle, une chaudière à condensation et un cogénérateur
Source : Sibelga.
Quelques explications :
Les circulateurs des circuits secondaires assurent toujours la circulation du fluide caloporteur tant au primaire qu’au secondaire.
Le ballon tampon du cogénérateur est aussi hydrauliquement en tête de retour.
Tant que la puissance du cogénérateur est suffisante, il est le seul producteur primaire de chaleur.
Une fois que le besoin de chaleur dépasse la puissance du cogénérateur, l’appoint est donné par la chaudière à condensation. En fonction de l’ouverture des vannes de réglable 2 voies AK et 3 voies UV, l’appoint de la chaudière se répartit entre les échangeurs à haute et basse température de manière à favoriser au maximum la condensation.
Durant les périodes de grand froid, la chaudière traditionnelle peut aussi donner un “coup de pouce” par la modulation de la vanne 3 voies SK.
Exemple 3 : une chaudière à condensation à un seul retour et un cogénérateur
Source : Sibelga.
Quelques explications :
Les fabricants proposent de plus en plus des chaudières à condensation à un seul retour.
Dans ce cas-ci, lorsque la cogénération ne peut plus assurer les besoins de chaleur, la régulation centrale “libère” la chaudière à condensation en ouvrant la vanne 3 voies qui lui est associée. Cette vanne tout ou rien permet le passage du débit total dans la chaudière à condensation.
Aspect de régulation globale
Outre la régulation individuelle des équipements qui doit être optimale, la globalisation de la régulation tant au niveau de la cascade des chaudières que de la cogénération est primordiale. Dans des projets de conception, l’occasion est rêvée d’assurer cette globalisation, à savoir qu’il est nécessaire de considérer :
- Les chaudières à condensation et le cogénérateur avec leur propre régulation “interne” .
- La supervision d’ensemble de tous les équipements de manière à bien orchestrer l’ensemble de la cascade avec toujours comme objectif :
- de privilégier le fonctionnement de la cogénération ;
- de favoriser la condensation des chaudières lorsque celles-ci fonctionnent.
Pour bien réguler l’ensemble de l’association chaudières classiques/chaudières à condensation/cogénérateur, on considérera l’ordre de priorité suivant :
- Chaudière à condensation pour les faibles besoins d’été par exemple. C’est intéressant de faire fonctionner la chaudière à condensation à faible charge sachant que dans une plage de module de 10 à 50 % voire 60 %, ce type de chaudière est très performant au niveau énergétique (zone 1).
- Cogénérateur un maximum de temps durant la saison de chauffe. Pendant cette période, il module entre 60 et 100 % de sa puissance thermique nominale. Suivant le profil de besoin, la quantité de démarrages du cogénérateur peut être limitée, “ce qui lui sauve la vie !” (zone 2).
- Cogénérateur travaillant à 100 % de son taux de charge et chaudière à condensation modulant de 10 à 100 %. À noter toutefois que pour quelques heures par an, la seconde chaudière peut donner un appoint (zone 3).
Pour plus de renseignements sur la régulation de l’association chaudières classiques/chaudière à condensation/ cogénérateur. |
Auteur : Didier
mep : Sylvie