Sommaire
Une alternative économique pour le refroidissement des locaux.
Mise en place d’une sonde géothermique (photo IFAPME).
En Région wallonne, un nouveau bâtiment à hautes performances énergétiques s’est équipé d’une pompe à chaleur géothermique épaulée par une chaudière au gaz à condensation pour assurer le chauffage de ses bureaux, ateliers, classes et auditoire. Pour le rafraîchissement de ces locaux, le géo-cooling direct est utilisé.
Introduction
Un nouveau bâtiment, reconnu exemplaire dans le cadre de l’action “Bâtiments exemplaires Wallonie 2013” a été construit aux Isnes dans les environs de Gembloux pour le compte de “l’Institut wallon de formation en alternance et des indépendants et petites et moyennes entreprises” (IFAPME).
Il est destiné à abriter des locaux de formation pour les apprenants, tant pratiques (ateliers petits et grands) que théoriques (classes, salle de conférence), et des locaux administratifs (bureaux, salles de réunions, espaces polyvalents et d’exposition) pour les différentes organisations professionnelles concernées par la construction de bâtiments durables, le but étant d’établir des ponts entre la formation, la recherche et l’innovation en cette matière. Le bâtiment se devait donc d’être le plus exemplaire possible du point de vue écoconstruction et construction durable.
Les formations qui y seront données se focaliseront notamment sur l’enveloppe du bâtiment (isolation, étanchéité à l’air) et sur les techniques spéciales (biomasse, micro-cogénération, régulation, ventilation double flux).
Le maître de l’ouvrage voulait que le centre créé soit très performant en matière d’énergie et qu’il soit une source d’inspiration pour les professionnels de la construction de par son caractère raisonnable d’un point de vue technique et budgétaire.
Le résultat fut un immeuble d’aspect contemporain à très hautes performances thermiques.
Le bâtiment GREENWAL aux Isnes (Photo IFAPME).
Le bâtiment
Le bâtiment est composé de 2 ailes principales.
- Une aile administrative, d’environ 2 470 m² de surface utile, comportant trois niveaux :
- un niveau de bureaux au 2e étage ;
- un niveau de salle de classe pour la formation théorique à la construction durable au 1er étage ;
- un niveau administratif au rez-de-chaussée avec un auditoire et un hall d’accueil permettant des expositions.
- Une aile, d’environ 1 530 m² de surface utile, dévolue aux ateliers d’écolage. Elle est constituée d’un grand atelier “enveloppe” dont la taille permet la construction à l’échelle 1/1 de deux maisons unifamiliales mitoyennes et, sur deux niveaux, de 6 ateliers orientés vers les techniques spéciales du bâtiment, à savoir chaudière, pompe à chaleur, ventilation double flux, micro-cogénération, panneaux solaires photovoltaïques et thermiques, …
La surface utile totale est donc d’environ 4 000 m².
Plan du rez-de-chaussée.
Plan du 1er étage.
Plan du 2e étage.
Coupe dans le bâtiment (voir localisation sur les plans).
Respect des exigences Q-ZEN
Il ne comporte qu’un seul volume protégé, une seule unité PEB, une seule zone de ventilation et 2 secteurs énergétiques, l’un n’étant pas équipé d’un système refroidissement (les ateliers), l’autre bien (les classes, auditoires, bureaux, salle de réunion et locaux annexes).
- Le secteur énergétique sans refroidissement ne compte qu’une seule partie fonctionnelle “enseignement” située dans l’aile des ateliers.
- Le secteur énergétique avec refroidissement compte deux parties fonctionnelles :
- une partie fonctionnelle “bureau” qui occupe la totalité du 2e étage
- une partie fonctionnelle “enseignement” au rez-de-chaussée et au 1er étage.
Les conditions à respecter pour que le bâtiment respecte les exigences Q-ZEN 2021 en Région wallonne sont les suivantes :
- Respecter les Umax.
- Ne pas dépasser le niveau K maximum en tenant compte de l’impact des nœuds constructifs.
- Ne pas dépasser le niveau EW maximum spécifique au bâtiment concerné.
- Respecter les règles de ventilation décrites dans l’annexe C3 de l’AGW du 15/05/2014 telle que modifiée par l’AGW du 15/05/2016.
- Installer un comptage énergétique pour chaque unité PEB.
1. Respect des Umax
Le tableau ci-dessous montre que cette exigence a été respectée partout sauf pour les exutoires de fumée. Dans le cas présent, les exutoires de fumée ont une surface de 2 m² alors que la surface totale de déperdition est de 6 900 m². La surface des exutoires de fumée représente donc 0.03 % de la surface totale de déperdition. Le bâtiment répond ainsi aux exigences de la réglementation qui permet un dépassement du Umax pour maximum 2 % de la surface des parois de l’enveloppe du volume protégé.
Nom de la paroi | U (W/m²K) (a.Ueq) (b.Ueq) |
Umax (W/m²K) | |
---|---|---|---|
Fenêtres | 0.83 | 1.50 | v |
Vitrage fenêtres | 0.60 | 1.10 | v |
Fenêtre de toiture | 1.95 | 1.50 | v |
Vitrage fenêtre de toiture | 1.63 | 1.10 | v |
Verrières | 1.31 | 1.50 | v |
Vitrages verrières | 1.10 | 1.10 | v |
Exutoires de fumée | 1.55 | 1.50 | ? |
Vitrage exutoires de fumée | 1.30 | 1.10 | ? |
Toiture structure bois | 0.09 | 0.24 | v |
Toiture structure béton | 0.10 | 0.24 | v |
Mur avec parement de béton | 0.24 | 0.24 | v |
Mur avec bardage bois | 0.12 | 0.24 | v |
Mur enterré | 0.14 | 0.24 | v |
Dalle sur le sol | 0.15 | 0.24 | v |
Dalle sur le sol (ateliers) | 0.22 | 0.24 | v |
Portes sectionnelles | 0.70 | 2.00 | v |
2. Respect du critère K ≤ K35
Le bâtiment répond largement à ce critère. Le niveau K calculé est K15.
3. Respect du critère EW ≤ (90/45)
Le niveau EW calculé est de EW33 < EW45 qui est l’exigence la plus sévère pour les bâtiments non résidentiels. Le critère est donc clairement respecté.
4. Respect des règles de ventilation
La ventilation du bâtiment est assurée par un système D grâce à trois groupes de ventilation double flux avec récupération de chaleur. Le choix de ces centrales de traitement d’air s’est fait suite au calcul du débit nécessaire dans ce bâtiment conformément à l’annexe C3 de l’AGW du 15/05/2014 tel que modifié par l’AGW du 15/05/2016. Elle répond donc aux exigences PEB Q-ZEN de 2021.
Les groupes de ventilation ont un rendement compris entre 82 et 86 % et assurent un débit de 18 300 m³/h qui sera distribué dans l’ensemble du bâtiment.
5. Respect de la règle de comptage énergétique.
Cette règle a été largement respectée.
De par sa destination (centre de formation en bâtiments durable), une attention particulière a été apportée à la possibilité d’enregistrer et d’étudier la physique du bâtiment.
Une GTC a été installée. Elle permet de paramétrer les installations, de stocker et analyser les données des différents composants, et ce, afin de donner des outils bien concrets aux formateurs et aux étudiants du bâtiment. De plus, le maître de l’ouvrage s’est engagé dans le cadre du concours “Bâtiments exemplaires Wallonie” à effectuer un rapport annuel des consommations et à le transmettre à la Région wallonne.
Une interface homme-machine accessible via réseau facilite le paramétrage, la gestion et la consultation des différentes données. La gestion des installations étant une des préoccupations du maître de l’ouvrage, il a veillé à se donner les outils nécessaires à l’analyse les différentes consommations des installations du bâtiment.
Les compteurs suivants ont été installés :
- Compteurs gaz
- compteur général ;
- compteur ateliers (ateliers formation) ;
- compteur chaudière.
- Compteurs eau
- compteur eau chaude sanitaire ;
- comptage remplissage chaufferie ;
- comptage eau froide général ;
- comptage eau de pluie ;
- comptage eau froide pour complément eau de pluie
- Compteurs intégrateurs de chaleur
- compteur chaudière ;
- comptage par pompe à chaleur ;
- comptage kit geocooling ;
- comptage sondes géothermiques ;
- comptage départ de chaque circuit terminal ;
- comptage ECS.
- Compteurs électricité
- compteur PV ;
- comptage groupes de ventilation ;
- comptage groupe de pompage eau de pluie ;
- comptage par pompe à chaleur ;
- comptage pour les circulateurs de chauffage ;
- comptage par tableau électrique.
Analyse des surchauffes
La simulation a été effectuée à l’aide du logiciel TRNSYS.
- Les données climatiques utilisées sont celles d’Uccle.
- Le chauffage est considéré comme actif du 1er septembre au 15 juin, le rafraîchissement du 16 juin au 31 août.
- Le rendement des échangeurs thermiques inclus dans les groupes de ventilation a été estimé à 80 %.
- L’horaire d’occupation pour l’intégration des surchauffes est basé sur le planning d’occupation du maître de l’ouvrage.
- Les seuils d’ouverture et de fermeture des stores en fonction de l’insolation par orientation est de 120/140 W/m²
- Le nombre d’heures où la température est supérieure à 26 °C pendant les heures d’occupation des bâtiments est comptabilisé.
- Le free cooling est activé lorsque :
- la température intérieure est supérieure à 22 °C ;
- la température intérieure est supérieure à la température extérieure ;
- la température extérieure est supérieure à 16 °C.
- Le night cooling est activé lorsque :
- le rafraîchissement géothermique ne fonctionne pas ;
- la température intérieure est supérieure à 20 °C ;
- la température intérieure est supérieure à la température extérieure.
- Les consignes de chauffage sont 25 °C en occupation et 15 °C hors occupation.
- Les consignes de refroidissement sont 25 °C en occupation et 21 °C hors occupation.
- Une puissance limite de 15 kW a été déterminée afin de limiter les sondes géothermiques. Cela donne une surface surfacique limite de rafraîchissement disponible de 10,82 W/m² dans la partie administrative du bâtiment.
- Les gains internes ont été estimés en fonction de l’éclairage, de l’activité des personnes, du nombre d’ordinateurs prévus et d’équipements divers dans les ateliers.
Résultat des calculs
La maîtrise du confort estival est assurée à condition de mettre en œuvre les techniques suivantes :
- Protections solaires automatiques devant toutes les fenêtres sauf celles orientées au Nord (facteur de réduction solaire de 0,8).
- Bypass de l’échangeur de chaleur des groupes de ventilation.
- Ventilation mécanique des bureaux la nuit (hors utilisation du rafraîchissement géothermique).
- Rafraîchissement géothermique lors des périodes d’utilisation hors saison de chauffe.
- Night cooling géothermique hors saison de chauffe.
Il n’y a pas de dépassement de température opérative de 26 °C en dehors de l’atelier où 73 heures de dépassement ont été calculées.
La température opérative de 26 °C n’est pas dépassée dans les classes
(document POLY-TECH ENGINEERING sprl).
La température opérative de 26 °C n’est pas dépassée dans les salles de réunion
(document POLY-TECH ENGINEERING sprl).
Le bureau d’études a vérifié si toutes ces conditions étaient nécessaires et a évalué l’impact de différents scenarii.
1. Si les stores ne sont pas placés, le confort n’est pas assuré, entre autres, pendant 334 heures dans l’auditoire, pendant 294 heures dans un atelier, pendant 256 heures dans une des salles de réunion et pendant 32 heures dans la salle d’informatique.
La température opérative de 26 °C est dépassée pendant 256 heures dans une des salles de réunion
(document POLY-TECH ENGINEERING sprl).
La température opérative de 26 °C est dépassée pendant 334 heures dans l’auditoire
(document POLY-TECH ENGINEERING sprl).
La température opérative de 26 °C est dépassée pendant 2944 heures dans un des ateliers
(document POLY-TECH ENGINEERING sprl).
2. Sans free/night cooling de la ventilation, le confort n’est pas assuré, entre autres, pendant 559 heures et 239 heures dans les classes étudiées et de 931 heures dans un atelier. Le problème se pose en mi saison lorsque le rafraîchissement géothermique n’est pas utilisé. En effet, les classes ayant un apport constant de chaleur pendant toute l’année, en mi-saison, le rafraîchissement ne peut être apporté que par le free/night cooling.
La température opérative de 26°C est dépassée pendant 559 heures dans une des classes et pendant 239 heures dans une autre. (document POLY-TECH ENGINEERING sprl.
3. Sans rafraîchissement géothermique, les surchauffes ne sont pas maîtrisées dans les classes et dans les salles de réunion.
Si on sait que le froid géothermique nécessite peu d’énergie, uniquement pour le circulateur, et est nécessaire afin de recharger le sol en chaleur, le choix de cette technique est recommandé.
La température opérative de 26 °C est dépassée pendant 691 heures dans une des classes et pendant 197 heures dans une autre. (document POLY-TECH ENGINEERING sprl).
La température opérative de 26 °C est dépassée pendant 62 heures dans une des salles de réunions
et pendant 18 heures dans une autre. (document POLY-TECH ENGINEERING sprl).
Dimensionnement du système géothermique
Les différentes solutions de pompes à chaleur géothermiques ont été analysées par le bureau d’études du maître de l’ouvrage à l’aide du logiciel TRNSYS.
Le bâtiment a été divisé en 5 parties : les ateliers ; l’auditoire et les trois étages de l’aile administrative.
Le principe de distribution et de production choisi est de type “change-over”, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de possibilité de produire en même temps du chaud et du froid.
Deux solutions techniques ont été comparées.
- Une pompe à chaleur géothermique réversible.
- Une pompe à chaleur géothermique pour la production de chaleur et un échangeur passif pour la production de froid. Pour la production de froid, en cas de canicule, un appoint sera fourni par la pompe à chaleur géothermique couplée à un aéroréfrigérant.
Un calcul statique effectué suivant la norme EN 12831 permet de déterminer la puissance nominale de la chaufferie et d’approximer une puissance en chaud de la pompe à chaleur et d’identifier ainsi la gamme de puissance à étudier.
Conformément à l’étude de surchauffe, la période de chauffe a été limitée du 22 septembre au 15 mai. En ne faisant pas fonctionner le système de refroidissement durant la période de chauffage, le besoin net de refroidissement est de 6 461 kWh. La puissance maximale en froid nécessaire est de 18 kW le 20 juin.
Evolution des besoins net (document POLY-TECH ENGINEERING sprl).
Profil géothermique mensuel (document POLY-TECH ENGINEERING sprl).
La puissance disponible est de 15 kW en rafraîchissement géocooling et 15 kW d’appoint via la pompe à chaleur réversible.
L’étude économique a montré que la solution consistant à utiliser la pompe à chaleur réversible est économiquement préférable et que le surcoût lié à l’appoint de froid complémentaire ne peut être rentable économiquement mais est nécessaire pour assurer le confort en période de canicule.
L’étude énergétique a montré que :
- L’utilisation d’une pompe à chaleur de plus grande puissance permet de diminuer les consommations finales, mais de manière limitée.
- Le géocooling permet de fortement diminuer la consommation finale.
- Le taux de couverture de la pompe à chaleur pour l’optimal économique de 27.5 kW est de 84 % en hiver.
- Le taux de couverture du géocooling en été est de 100 %.
- la pompe à chaleur géothermique réduit de 72 % les consommations en énergie primaire pour le chauffage et le refroidissement.
Il a finalement été décidé :
- D’installer une pompe à chaleur réversible d’une capacité de 30 kW.
- Que le rafraîchissement se fera principalement par géocooling avec un appoint par la pompe à chaleur qui sera couplée à un aéroréfrigérant pour ne pas perturber le géocooling.
L’installation
Les conditions de confort sans risque de surchauffe sont finalement assurées :
- Dans l’auditoire par freecooling, night cooling et géoccoling à l’aide du groupe de ventilation.
- Dans les locaux administratifs et les classes par freecooling, night cooling et géoccoling à l’aide des ventilos-convecteurs.
- Dans les ateliers de formation par freecooling, night cooling et ventilation naturelle via les fenêtres ouvrantes manuelles et les exutoires de fumée.
Après la réalisation d’un forage de test, 8 forages géothermiques ont été effectués en trois semaines. Les sondes ont ensuite été connectées horizontalement au collecteur, testées sous pression de 5.0 bar et remplies par un mélange de 25 % de mono propylène glycol et d’eau. Les débits ont également été vérifiés pour une différence de pression d’environ 2.1 bar.
Les forages de 120 mm de diamètre ont une longueur de 60 m. Dans la partie supérieure, le terrain étant instable, un tube a été placé sur 28 m de profondeur. Dans la partie rocheuse située en dessous, ce tube n’est pas nécessaire.
Le forage.
Tubage à l’enfoncement sur 28 m dans les terrains instables.
L’échangeur de chaleur placé dans le forage est constitué de deux tubes de 32 mm en PEHD en forme de U. Après sa mise en place, le trou de forage est rempli par du gravier 4-8 mm dans la partie rocheuse et par un coulis thermique (λ = 1.35 W/mK), stable et très peu perméable (k = 10-10 m/s) dans la partie supérieure tubée. Ce coulis va durcir et d’une part bien reboucher le forage (imperméabilisation et protection des sondes) et d’autre part assurer un bon contact thermique entre les échangeurs et le sol.
Schéma des sondes géothermiques.
Les tubes et le coulis géothermique sont placés dans le forage.
Enfouissement des tubes de raccordement des sondes (min 80 cm).
Raccordement des sondes au collecteur.
Schéma de raccordement des sondes (document ENERGIE VERBEKE sa).
Implantation des sondes.
Les débits dans les différentes sondes ont été équilibrés à 0.60 m³/h à l’aide des vannes de réglage de manière à obtenir un débit total d’environ 5.5 m³/h. La différence entre les débits des sondes est inférieure à 10 %.
Informations complémentaires
Cette étude de cas a été développée à l’aide des informations et documents fournis par le maître de l’ouvrage : “l’Institut wallon de formation en alternance et des indépendants et petites et moyennes entreprises” (IFAPME). Notre interlocuteur fut Monsieur Jacques Guérin, gestionnaire du patrimoine immobilier de l’institut.
L’architecte auteur de projet est le bureau R²D² Architecture.
Les études techniques ont été réalisées par le bureau d’études POLY-TECH ENGINEERING sprl.
Les forages géothermiques, la pose des sondes, les raccordements et les réglages de débits ont été réalisés par la société spécialisée ENERGIE VERBEKE SA.
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