Sommaire
Façade sud.
Angle sud-ouest.
Façade nord.
Le BRE
Le BRE (British Research Establishment) est à l’origine de la méthode d’évaluation environnementale des bâtiments la plus répandue dans le monde : BREEAM (Building Research Establishment’s Environmental Assessment Method). En 2013, 115 000 bâtiments étaient déjà certifiés.
Cette méthode d’évaluation permet de porter un regard extérieur au projet en mettant tous les projets de même fonction sur le même pied d’égalité quant à la cotation qu’ils reçoivent. Les critères sont fixes et sans souplesse d’attribution. Chez nous, ils font référence aux règles et normes belges lorsqu’elles existent sinon, il s’agit des règles européennes ou des pays limitrophes.
La certification est obtenue auprès du BRE basé en Angleterre sur base du rapport final réalisé par l’assesseur belge concernant les différents critères et leur bonne mise en application sur le projet. L’assesseur est un bureau d’étude ou de project management accrédité par le BRE.
La certification prend en compte le bâtiment dès sa construction, mais également son environnement et la manière dont on y accède. Les différents critères sur lesquels l’évaluation se base sont liés avec : le management ; la santé et le bien-être; l’énergie; les transports; l’eau; les matériaux; les déchets; l’environnement et l’écologie; la pollution et l’innovation.
Le bâtiment qu’occupe le BRE se devait donc d’être bien étudié et en avance sur son temps dans ces domaines. Les solutions adoptées sont aussi très spécifiques.
Description
Le bâtiment environnemental du BRE (British Research Establishment) se situe à Watford au nord de Londres, dans un site suburbain.
Plan du deuxième niveau.
Ventilation et refroidissement naturel
Equipement
La ventilation est entièrement naturelle et fonctionne grâce à trois composants :
> Les dalles de plafond des deux premiers niveaux qui ont une forme particulière :
- Leur face inférieure, en béton brut (sans faux plafond) a la forme d’une sinusoïde; la surface de contact entre le béton et l’air ambiant est donc plus importante que celle d’un plafond plat, ce qui augmente l’échange entre l’ambiance et la masse thermique du bâtiment.
- Dans la partie creuse du plafond (1), l’air est guidé d’une façade vers l’autre et est mélangé progressivement à l’air du local; dans la partie épaisse de la dalle (partie basse de la sinusoïde) (4), un conduit en béton est aménagé pour amener l’air extérieur au cœur du bâtiment.
Coupe de la dalle de plafond
1.Luminaire suspendu 2.Canalisations de chauffage/refroidissement
3.Espace technique 4.Conduit en béton pour le passage de l’air.
Bureau paysager, vue de la face intérieure de la dalle.
Principe de ventilation :
l’air entre dans le bâtiment dans les gaines de la dalle de béton (flèches bleues) ou directement dans le local (flèches oranges).
> Les fenêtres
- Petites fenêtres hautes commandées par gestion centrale informatisée (avec possibilité de dérogation) : elles assurent l’entrée de l’air soit dans les dalles soit directement dans les locaux, et son évacuation soit directement vers l’extérieur (ventilation transversale), soit dans les cheminées de ventilation.
- Grandes fenêtres basses, commandées principalement manuellement (réglage automatique dans certains cas) pour permettre un complément de ventilation.
> Les cheminées de ventilation en façade sud :
- L’air chaud qui entre dans les cheminées, réchauffé par les apports internes, monte naturellement pour être évacué au-dessus de la cheminée. Le mouvement de l’air à travers l’extrémité de la cheminée favorise également le tirage.
Les parois extérieures des cheminées orientées au sud sont constituées de blocs de verre afin d’augmenter encore la température de l’air dans les cheminées par les apports solaires et d’améliorer ainsi le tirage. On constate sur place que le bénéfice de ces apports solaires n’est pas immédiat. Les briques de verre et les autres parois de la cheminée ayant une certaine inertie, la chaleur apportée par les apports solaires n’est transmise à l’air qu’en soirée, ce qui est très favorable à la ventilation nocturne.
Des ventilateurs (80 W chacun) sont prévus en partie supérieure des cheminées pour assurer la ventilation lorsque ce n’est pas possible de façon naturelle (pas assez de différence de pression entre les deux façades pour la ventilation transversale; pas assez de vent ou température de l’air dans la cheminée trop basse pour ventilation par les cheminées). Néanmoins, ces ventilateurs n’ont jamais été utilisés.
Ventilation par les fenêtres et par les cheminées.
> Le système de gestion technique centralisée (GTC) gère la ventilation en commandant l’ouverture ou la fermeture des fenêtres en fonction de la température des locaux, de la température de consigne et de la température extérieure.
Principes de fonctionnement pour les bureaux paysagers
> En hiver, l’air est introduit dans le bâtiment par l’intermédiaire des conduits en béton aménagés dans la dalle et dans lesquels il se réchauffe avant d’être distribué au niveau du corridor. Pour l’extraction de l’air, la GTC ouvre, en fonction des conditions extérieures, les fenêtres de la façade opposée (ventilation transversale) ou les fenêtres communiquant avec les cheminées.
Ventilation diurne en hiver,
transversale du sud au nord (à gauche) ou du nord au sud avec effet de cheminée (à droite).
Distribution de l’air des conduits au niveau du corridor.
> En été, la GTC détermine, selon les conditions extérieures, le mode de ventilation. Les jours de vent, l’air est introduit en façade sud où la pression est plus importante et extrait en façade nord. Les jours chauds sans vent, l’air est introduit par les façades nord et sud, et l’extraction se fait par les cheminées de ventilation en façade sud.
Ventilation diurne en été :
journée venteuse (à gauche) et journée chaude (à droite).
Une ventilation nocturne est organisée dans les conduites des dalles de plafond afin de refroidir celles-ci. En journée, les dalles de plafond agissent comme des “radiateurs de froid” grâce à la fraîcheur emmagasinée pendant la nuit.
Ventilation nocturne en été.
La GTC enclenche la ventilation nocturne par ouverture des fenêtres lorsque les conditions suivantes sont réunies :
- température de la dalle de plafond > 23°C
- température extérieure de l’après-midi > 18°C
- température de toute zone du bâtiment > 23°
- température extérieure < température intérieure
La GTC referme le fenêtres dès que les dalles de plafond ont atteint une température de consigne (5°C en dessous de la température de consigne de l’ambiance) afin de ne pas sous-refroidir le bâtiment.
Fonctionnements particuliers
Les bureaux individuels
La ventilation des bureaux individuels est prévue pour se faire indépendamment du reste du bâtiment par ouverture simultanée de deux fenêtres l’une haute, l’autre basse. Avec la porte ouverte, le bureau peut également participer à la ventilation globale du bâtiment.
En été, les bureaux individuels bénéficient, comme les bureaux paysagers, du froid rendu par les dalles de plafond après ventilation de nuit.
Ventilation des bureaux individuels.
Le deuxième étage
Le deuxième étage n’est pas raccordé aux cheminées de ventilation (la partie supérieure de la cheminée doit se trouver 6 à 7 m au-dessus du niveau du sol du niveau à ventiler pour avoir un tirage suffisant). Il est donc ventilé indépendamment. Le toit monte à une hauteur de 5 m au-dessus du niveau du sol, et crée donc son propre effet de cheminée : l’air entre par les fenêtres basses et, réchauffé, il monte vers les fenêtres hautes de la toiture où il est évacué.
Le deuxième étage ne possède pas la même dalle de plafond que les deux premiers niveaux. Elle ne bénéficie donc pas de l’inertie de celle-ci, et de la ventilation nocturne. Les températures qui y sont mesurées sont d’ailleurs supérieures d’environ 2°C à celle des autres niveaux.
Ventilation du deuxième étage.
Le troisième niveau a été conçu pour être entièrement paysager. Les occupants actuels ont malgré tout installé des cloisons côté nord pour aménager des bureaux individuels. Mais les fenêtres de cet étage en façade nord sont moins hautes et ne permettent pas la même ventilation que dans les bureaux individuels des autres étages. Ces bureaux fonctionnent donc moins bien.
La salle de séminaire
La salle de séminaire se trouve dans un volume annexe. Elle est également ventilée naturellement par effet de cheminée. L’air entre par la façade ouest via une batterie de préchauffe et un filtre. Il est extrait par la large “cheminée” en façade est. Celle-ci est équipée d’un ventilateur de 3 kW qui n’est jamais utilisé. Les murs et plafond sont en béton. Un faux plafond suspendu cache la structure pour des raisons esthétiques, mais il est perforé et détaché des murs afin de laisser accessible la masse thermique du plafond. L’inertie thermique et la ventilation du local suffisent à assurer une température confortable en été. Il n’y a aucun refroidissement mécanique.
Les salles de réunion
Les salles de réunions ne font pas l’objet d’une ventilation particulière. Elles ne sont pas utilisées de façon intensive, l’ouverture des fenêtres est donc suffisante. La masse thermique des salles suffit à assurer le confort thermique en été sans refroidissement mécanique.
Remarques
La ventilation telle qu’elle est organisée ne répondrait pas aux exigences législatives wallonnes concernant un taux de ventilation minimum dans les locaux. En effet, aucune ventilation “obligatoire” n’est organisée dans les bureaux individuels. Si l’occupant décide de ne pas ouvrir ses fenêtres ou sa porte vers le reste du bâtiment, son local n’est pas ventilé.
En hiver, l’introduction de l’air extérieur par la fenêtre directement dans le local (bureaux individuels et deuxième étage) risque de créer des courants d’air froid et donc de l’inconfort ou une sous-ventilation.Ces deux problèmes pourraient sans doute être résolus par l’utilisation de grilles de ventilation à la place ou en complément de certaines fenêtres…
Mesures prises pour limiter les charges internes
Pour garantir un confort correct dans le bâtiment (confort visuel, thermique, acoustique et respiratoire) sans refroidissement mécanique, des mesures ont été prises pour limiter les apports solaires et les charges internes.
Apports solaires
Sur la façade sud, les apports solaires sont limités grâce à des protections extérieures :
- Des auvents : grilles métalliques horizontales fixes de 1.2 m qui protègent les baies du soleil haut.
- Des stores extérieurs : lamelles de verre translucides de 40 cm de large, montées sur axe et orientables. Leur position est réglée par un système de gestion informatique central, auquel les occupants peuvent néanmoins déroger.
Auvents métalliques et volets extérieurs.
Volets extérieurs constitués de lamelles de verre translucides.
De plus, en façade nord comme en façade sud, des stores intérieurs déroulants permettent aux occupants d’éviter l’éblouissement.
Stores intérieurs déroulables en façade nord.
Apports internes
Afin de limiter autant que possible l’éclairage artificiel, la proportion de vitrage sur les façades est relativement importante (autour de 45 % en façade sud, un peu moins en façade nord). Le deuxième étage bénéficie aussi des fenêtres hautes de ventilation en toiture, orientée au nord.
Façades sud et nord fortement vitrées.
Quand l’ensoleillement direct n’est pas un problème, les stores extérieurs devaient également servir à réfléchir la lumière vers le plafond pour augmenter l’apport de lumière naturelle dans les parties des bureaux éloignées de la fenêtre (light-shelves), mais pratiquement, la saleté se déposant sur les lamelles empêche leur bon fonctionnement.
Dans la salle de séminaire, contrairement à ce qui se fait habituellement, deux grandes vitres permettent de profiter de l’éclairage naturel dès que l’obscurité n’est pas nécessaire pour une projection.
L’éclairage artificiel installé est de faible puissance (350 lux max) (lampes type T5). Son niveau est réglé en fonction de la présence réelle dans les locaux grâce à des détecteurs de présence, et en fonction de l’éclairage naturel disponible grâce à des capteurs d’éclairement. De plus, les luminaires sont groupés selon un axe longitudinal, parallèlement à la façade sud. On peut donc par exemple éteindre les luminaires près de la fenêtre où l’éclairage naturel suffit et allumer plus en profondeur dans le bâtiment. Les occupants peuvent néanmoins déroger à cette gestion automatique ce qui limite l’efficacité de la gestion. Quelle solution trouver ? Faut-il imposer le niveau d’éclairement ? L’information des occupants est-elle suffisante pour les motiver et ainsi remédier au problème ? Faut-il utiliser un autre équipement pour la gestion de l’éclairage artificiel (réglage du niveau d’éclairement artificiel plutôt qu’un on/off par exemple) ? Des progrès sont encore à faire dans le domaine.
Un certain nombre d’ordinateurs sont regroupés dans un même espace, en façade nord. On peut donc ventiler cette partie du bâtiment de façon plus importante et éliminer directement ces apports internes.
Isolation
Les fenêtres ont un coefficient de transmission de 1.5 W/m².K, tandis que les murs ont un coefficient de transmission de 0.3 W/m².K.
Equipements techniques complémentaires
Chauffage
Le bâtiment est chauffé par le sol. Comme les tuyaux ne couvrent qu’un tiers de la surface, un complément périodique de chauffage est apporté par des radiateurs conventionnels périphériques. L’eau est chauffée par une chaudière à condensation.
Refroidissement complémentaire
Pour les journées de grande chaleur, de l’eau froide peut également circuler dans les planchers. Cette eau est refroidie, via un échangeur, par de l’eau pompée à 70 mètres de profondeur, dans un puits de forage noyé où elle reste à une température constante de 10°C. Il n’y a donc pas de production mécanique de froid.
Les canalisations pour le chauffage ou le refroidissement par le sol
sont situées sur les parties hautes de la sinusoïde.
Panneaux photovoltaïques
Des panneaux inclinés étaient prévus sur la toiture mais n’ont pas été placés à la construction pour une question de budget.
Néanmoins, une expérience limitée d’utilisation de panneaux photovoltaïques (cellules à film mince de silicone amorphe), non rentable économiquement, est en cours. 35 m² net de ces panneaux sont placés en façade sud, pour une puissance maximale de 1.5 kW, soit 25 % de la puissance d’éclairage. La moyenne d’énergie fournie est de 4 kWh par jour, le maximum est de 6 kWh par jour.
Panneaux de cellules photovoltaïques en façade sud.
Ventilateurs
Des ventilateurs ont été prévus dans les cheminées de la façade sud pour extraire l’air du bâtiment en cas de mauvaises conditions extérieure pour la ventilation naturelle, mais ils n’ont jamais servi.
Confort atteint
Températures
Les critères de confort de conception étaient :
- pas plus de 25°C plus de 5 % du temps,
- pas plus de 28°C plus de 1 % du temps.
Humidité
Ventilation
Confort acoustique
Impression de confort générale
La satisfaction des occupants du nouveau bâtiment est meilleure, et la rentabilité estimée est identique dans les deux bâtiments en hiver, et améliorée de 20 % en été dans le nouveau bâtiment.
Coût et consommation
La consommation espérée était de 83 kWh/m² par an, dont 36 kWh/m² pour l’électricité et 47 kWh/m² pour le chauffage. La consommation mesurée est de 135 kWh/m² par an (46 en électricité / 89 en chauffage). Cette différence est attribuée à l’augmentation de l’équipement informatique par rapport au projet initial et au comportement des occupants.
Consommations en kWh/m2 |
Electricité
|
Gaz | Total |
Typique |
224 | 176 | 400 |
Bonne pratique |
130 | 95 | 225 |
BRE |
46 | 89 | 135 |
Rapport entre BRE et bonne pratique |
35 % | 94 % | 60 % |
Coût d’investissement : 1 187 £/m² (soit environ 1851,72 € au taux de 1,56 €/£ du 15 juillet 2002). Ce coût élevé est dû au recyclage d’éléments de l’ancien bâtiment et à l’innovation. Le coût estimé pour le même bâtiment s’il devait être reconstruit est de 1 000 £/m² soit environ 1 560 €.
Les éléments techniques nécessaires à la ventilation naturelle ont un coût qui compense sans doute l’économie d’équipements techniques mécanique. Néanmoins, ces éléments tels que la dalle sinusoïdale et les cheminées contribuent, en plus de leur rôle technique, à la forme architecturale du bâtiment.
Relativement à l’investissement, l’encombrement du système a également son importance. Sur ce point, la comparaison avec un bâtiment climatisé est difficile à faire :
le bâtiment ne comprend pas de gaine verticale pour la ventilation, et les gaines horizontales sont limitées; il n’a pas non plus d’encombrement pour une machine frigorifique et un caisson de traitement d’air. Néanmoins, les cheminées d’évacuation et la forme des dalles de plafond ont un encombrement certain.
Conclusion
Dans cet exemple, le remplacement de la ventilation et du refroidissement mécaniques par la ventilation naturelle permet de :
- respecter les critères de confort,
- diminuer la consommation du bâtiment de 40 % par rapport à un bâtiment de même catégorie et de bonne qualité énergétique.
Même si des améliorations peuvent être apportées, cette réalisation est très encourageante.
- Architectes : Feilden Clegg Architects
- Ingénieurs stabilité : Buro Happold
- Ingénieurs techniques spéciales : Max Fordham and Partners
MEP – Sylvie-14-10-2019.