Sommaire
Principe
La ventilation intensive d’été, souvent appelée “free cooling” consiste à refroidir un bâtiment par ventilation en utilisant l’énergie gratuite de l’air extérieur lorsque celui-ci présente une température inférieure à la température intérieure :
- En hiver, de l’air frais extérieur peut alimenter, en journée, les zones à rafraîchir sans nécessiter l’enclenchement des groupes frigorifiques.
- En été, une ventilation nocturne peut décharger le bâtiment de la chaleur accumulée en journée
Selon le moment de la journée, on parle de free cooling de jour ou de nuit :
- Le free cooling diurne consiste à surventiler les locaux avec de l’air extérieur plus frais que l’air intérieur. La capacité frigorifique de l’air extérieur étant faible, de grands débits d’air sont nécessaires.
- Le free cooling nocturne consiste à rafraîchir les bâtiments la nuit grâce à de l’air extérieur. On parle de “décharge nocturne” du bâtiment puisqu’il évacue toute la chaleur excédentaire accumulée en journée.
On distingue une ventilation intensive naturelle ou mécanique, selon que le mouvement d’air soit généré par des forces naturelles (poussée d’Archimède ou force du vent) ou par un ventilateur.
Il faut également distinguer le débit d’air neuf hygiénique, du débit d’air de rafraîchissement d’un local :
- La ventilation hygiénique ou permanente assure la qualité de l’air. Elle vise globalement les 30 m³/h d’air neuf nécessaires par personne (RGPT). Dans un bureau, cela entraîne un renouvellement horaire de 1 x par heure, puisque chaque occupant occupe +/- 10 m² au sol, et donc un volume de 30 m³.
Grille d’apport d’air hygiénique naturel … ou réseau d’air pulsé.
- Le refroidissement naturel d’un local (ou free cooling) sous-entend un taux de renouvellement important de l’air du local. Dans des systèmes naturels (ouverture de fenêtre), on parle de 4/heure comme base de dimensionnement, 8 renouvellements/heure sont couramment rencontrés. Dans un système mécanique par contre on se limitera à environ 2 renouvellements horaire pour éviter un surdimensionnement exagéré des réseaux de distribution de l’air.
Un refroidissement gratuit ?
La conception d’un réseau de ventilation mécanique intensive n’est pas différente de celle d’un réseau de ventilation hygiénique mécanique (double flux) ou d’un système de climatisation “tout air“.
Souvent, c’est même un système de refroidissement “tout air” qui permettra d’organiser une ventilation intensive mécanique lorsque ce système est utilisé sans recyclage, récupération de chaleur ou traitement de l’air.
Cependant, vu l’importance des débits d’air à mettre en œuvre, le concepteur sera particulièrement attentif à limiter les pertes de charges du réseau, par un dimensionnement généreux des conduites, et la limitation des pertes de charges ponctuelles (filtres, groupes, organes divers). Le choix de l’efficacité énergétique du ventilateur sera également déterminant.
Oui mais… surdimensionner un réseau de ventilation mécanique, ce n’est pas un refroidissement gratuit, puisque la consommation électrique des ventilateurs est proportionnelle au débit : brasser plus d’air coute plus cher. En effet :
Consél = (qv / 3 600) x Δp x t / ηvent
où,
- Consél = consommation énergétique du transport de l’air [Wh/an]
- qv = débit d’air [m³/h]
- 3 600 = 3 600 secondes par heure [s/h]
- Δp = perte de charge (pulsion + extraction) [pa]
- t = durée de fonctionnement [h/an]
- ηvent = rendement total du système de ventilation (moyenne entre pulsion et extraction).
En fait, on peut obtenir un refroidissement gratuit si le coût du grand déplacement d’air en été est compensé par une réduction de ce coût en hiver. Cette réduction est possible grâce à la modulation du débit. En période de chauffe, seul le débit hygiénique est nécessaire, et non plus la pleine capacité de l’installation. Or, une réduction du débit dans un réseau donné entraîné une réduction proportionnellement plus importante des pertes de charges. Débit d’air et perte de charge sont en effet liés par une relation de type :
p1 / p2 = (n1 / n2)² = (q1 / q2)²
où,
- q = débit volume (m³/h)
- n = vitesse de rotation (tr/min)
- p = gain de pression (Pa)
Faire une économie sur les ventilateurs en hiver n’est possible que si le réseau de ventilation est dimensionné sur les débit d’air “maximal” souhaité en free cooling, et non sur le débit hygiénique. Mettre en œuvre une ventilation intensive mécanique ‘URE’, ce n’est donc pas forcer un grand débit d’air en augmentant la vitesse au-delà des plages de fonctionnement ‘normales’.
Illustrons cela par un exemple : Soit un immeuble de bureaux de 5000m² demandant 10000 m³/h de ventilation hygiénique.
Scénario 1 : un réseau de ventilation dimensionné sur base des besoins hygiéniques présente une perte de charge globale de 900 Pa. Il fonctionne 12 h/jour, 5 jours par semaines, 52 semaines par an, soit 3 120 heures. Si le rendement du ventilateur est de 60 %, la consommation électrique sera :
Consél = (10 000 / 3 600) x 900 x 3 120 / 0.6 =13 000 kWh ou 2.6 kWh/m²
Scénario 2 : Le réseau est dimensionné pour pouvoir assurer le double du débit d’air hygiénique avec une perte de charge inchangée de 900 Pa. Il s’agit bien d’un surdimensionnement, et non du forçage d’un réseau de moindre capacité. Lorsqu’il ne fournit que l’air hygiénique (soit 50% de sa capacité), la perte de charge est réduite à 50%^2=25% de sa valeur nominale, soit 225 Pa. En supposant que, sur les 3120 heures de fonctionnement, le groupe fonctionne X heures en mode hygiénique est 3120-X heures en mode « free cooling », la consommation d’électricité totale sur l’année sera :
Consél = (10 000 / 3 600) x 225 x X / 0.6 +(20 000 / 3 600) x 900 x (3 120-X) / 0.6
Consél = 650 kW implique que X=1 783 heures
Dans cet exemple, le dédoublement de la capacité du réseau de ventilation pour un même niveau de perte de charge permet de libérer 3120-1783=1337 heures sur l’année de free cooling réellement gratuit.
En fait, le pourcentage du temps où le free cooling est gratuit dépend uniquement du facteur de surdimensionnement entre le débit hygiénique et le débit de conception du réseau de ventilation :
Dans cette figure, le % temps FC est la fraction maximale du temps d’utilisation qui peut être utilisé en mode free cooling sans induire de surconsommation d’électricité. Le ratio de surventilation est alors le rapport entre la quantité totale d’air pulsé sur l’année et la quantité correspondant au seul débit hygiénique.
Il n’est cependant pas toujours possible de surdimensionner un réseau de ventilation. On peut alors être tenté de forcer le débit, en augmentant la vitesse dans le réseau. Il s’en suit une augmentation de la consommation du ventilateur, qui peut être comparée au coût d’une installation de refroidissement traditionnelle.
Reprenons notre exemple avec le scénario 1 :
Dans ce bâtiment, extraire un kWh avec une machine frigorifique d’une efficacité EER de 3 aurait coûté :
Consomachine frigo= 1/3 = 0.33 kWhelec = 333 Wh
Dans ce réseau, brasser de l’air au débit hygiénique nous coûte
Puisél = (1 / 3 600) x 900 x 1 / 0.6 =0.41 W/m³/h
Doubler le débit d’air dans ce réseau fait passer les pertes de charges de 900 Pa à 3 600. Le coût du kWh pulsé dans ces conditions est de
Puisél = (1 / 3 600) x 3 600 x 1 / 0.6 =1.67 W/m3/h
Or, extraire 1 kWh thermique dans un bâtiment à 25°C nécessite au minimum, si l’air extérieur est à 15 °C :
Débit = 1 000 Wh / [0.34 (Wh/m³K) * (25 °C-15 °C)] = 294 m³ d’air
On voit clairement que la surventilation par forçage du débit est, dans ce cas-ci, moins intéressante que le recours à une machine frigorifique, puisqu’il nous coutera au minimum 294 m³*1.67 W/(m³/h) = 490 Wh, là où la machine frigorifique ne demanderait que 333 Wh.
Pour en savoir plus sur la performance énergétique des ventilateurs, norme : EN13779 sur la ventilation des bâtiments non résidentiels. |
Pertes de charge du réseau
La ventilation intensive implique de grands débit d’air. Lorsqu’elle est mécanique, on prévoira souvent entre 1.5 et 3 renouvellements horaires. Pas plus pour limiter les surdimensionnements. Or, la consommation électrique du ventilateur doit rester sous contrôle. Ces deux exigences ne peuvent se combiner que dans des réseaux à “basse pression”.
Puissance absorbée, débit et rendement du ventilateur sont liés par l’expression :
P [W] = qV [m³/s] * Hm/η
où :
- P = puissance absorbée au moteur du ventilateur [W]
- qV = débit nominal à travers le ventilateur en [m³.s-1]
- Hm est la hauteur manométrique [Pa]
- η est le rendement nominal [-]
Pour en savoir plus, le rendement d’un système de ventilation |
En considérant un rendement moyen du ventilateur de l’ordre de 60%, on peut se donner une perte de charge maximale des réseaux de ventilation :
EN13779 :
Catégorie | Puissance spécifique en W/m³.s | Perte de charge maximale |
---|---|---|
SFP 1 | < 500 | < 300 Pa |
SFP 2 | 500 – 750 | 300 – 450 Pa |
SFP 3 | 750 – 1 250 | 450 – 750 Pa |
SFP 4 | 1 250 – 2 000 | 750 – 1 200 Pa |
SFP 5 | > 2 000 | > 1 200 Pa |
Par exemples, la recherche d’une consommation spécifique inférieure à 1 200 W/(m3/s) implique des pertes de charge inférieures à :
Hm/η < P / qV [W.m-3.s] < 1 200
Hm < 1 200 * 0.6 = 720 Pa
C’est là une valeur raisonnablement facile à respecter… mais mieux vaut vérifier quand même !
Auteur : Geoffrey
Notes : mise en page – Sylvie