Intérêt de la cogénération


Introduction : la cogénération dans le contexte de la décarbonation de la chaleur

Dans un monde confronté aux défis de la transition énergétique, la décarbonation de la chaleur constitue un enjeu majeur pour atteindre les objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2050.
Parmi les solutions technologiques disponibles, la cogénération occupe une place particulière en raison de sa capacité à produire simultanément chaleur et électricité, optimisant ainsi l’utilisation de l’énergie primaire.
La cogénération représente une approche systémique de la production énergétique, particulièrement pertinente dans le contexte de la décarbonation pour plusieurs raisons fondamentales :

Une efficacité énergétique supérieure

La production combinée de chaleur et d’électricité permet d’atteindre des rendements globaux de 80 à 90%, contre environ 55% pour les meilleures centrales électriques conventionnelles et 90% pour les chaudières modernes utilisées séparément. Cette efficacité accrue se traduit par une réduction significative de la consommation d’énergie primaire, généralement de l’ordre de 15 à 20%, contribuant directement aux objectifs d’efficacité énergétique fixés par l’Union européenne dans le cadre du paquet “Fit for 55”.

Une flexibilité face à la transition énergétique

Si la cogénération a traditionnellement utilisé des combustibles fossiles (principalement le gaz naturel), elle évolue aujourd’hui vers des sources d’énergie décarbonées ou à faible empreinte carbone :
Biométhane issu de la biométhanisation
Biomasse solide (notamment dans les réseaux de chaleur)
Hydrogène vert ou bas-carbone
Systèmes hybrides intégrant des énergies renouvelables
Cette adaptabilité en fait un outil de transition particulièrement précieux, capable d’évoluer progressivement vers une empreinte carbone toujours plus réduite.

Un soutien à l’intégration des énergies renouvelables

Dans un réseau électrique intégrant une part croissante d’énergies renouvelables intermittentes (éolien, photovoltaïque), les unités de cogénération peuvent jouer un rôle stabilisateur grâce à leur production électrique pilotable. Couplées à des systèmes de stockage thermique, elles peuvent découpler temporellement la production de chaleur et d’électricité, renforçant ainsi leur flexibilité et leur contribution à l’équilibre du réseau.

Une solution adaptée à différentes échelles

La cogénération présente l’avantage de pouvoir être déployée à différentes échelles, des grandes installations industrielles aux micro-cogénérations résidentielles, en passant par les installations de taille moyenne pour les bâtiments tertiaires ou les réseaux de chaleur urbains. Cette modularité permet d’adapter la solution aux besoins spécifiques de chaque contexte, tout en maintenant les bénéfices en termes d’efficacité énergétique et de réduction des émissions.

Un cadre réglementaire et économique en évolution

Les mécanismes de soutien à la cogénération, notamment les certificats verts en Wallonie, évoluent pour favoriser les installations les plus performantes et celles utilisant des sources d’énergie renouvelables. Cette évolution s’inscrit dans la stratégie plus large de décarbonation du mix énergétique et de valorisation des solutions contribuant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Cet article explore les multiples facettes de la cogénération, de ses principes fondamentaux à ses applications les plus innovantes, en mettant l’accent sur sa contribution à la décarbonation de la chaleur dans les bâtiments existants. Une attention particulière sera portée aux micro-cogénérations, qui représentent une solution prometteuse pour la transition énergétique à l’échelle des bâtiments individuels ou des petits ensembles collectifs.

Une économie d’énergie significative

Le principe d’une cogénération est de produire simultanément de la chaleur et de l’électricité. Grâce à cette production combinée, les pertes d’énergie se réduisent de manière significative. Ainsi, la cogénération permet d’économiser entre 15 et 20 % d’énergie primaire par rapport à la production séparée de ces mêmes quantités de chaleur et d’électricité.

Pour produire 350 kWhé d’électricité et 530 kWth de chaleur, deux solutions sont possibles :

  • Une unité de cogénération au gaz, avec un rendement électrique de 35 % et un rendement thermique de 53 %, va consommer 1 000 kWh d’énergie primaire .
  • La meilleure centrale électrique (Turbine Gaz Vapeur), avec un rendement de 55 %, va consommer 636 kWh d’énergie primaire. De plus, la meilleure chaudière, avec un rendement annuel de 90 %, va consommer 589 kWh d’énergie primaire. Le total pour les filières séparées s’élève à 1 225 kWh d’énergie primaire.

Cette comparaison met en évidence une économie d’énergie primaire pour une même quantité de chaleur et d’électricité produite.
L’économie d’énergie primaire est alors égale à : 1 225 – 1 000 = 225 kWhp
Exprimée par rapport à la consommation totale d’énergie primaire, la fraction économisée est de :

(1 225 – 1 000) / 1 225 = 18 %

Exprimée par rapport à la consommation d’énergie primaire nécessaire pour la production d’électricité par une centrale TGV, la fraction économisée est de :

(1 225 – 1 000) / 636 = 35 %


La réduction des émissions de CO2 récompensée par des certificats verts

Les émissions polluantes, dont le CO2, sont généralement directement proportionnelles à la consommation d’énergie. Qui dit économie d’énergie primaire pour assurer les mêmes besoins (électriques et thermiques), dit réduction des émissions en CO2.
En Région Wallonne, selon les coefficients d’émission de CO2 des énergies primaires actualisés par la CWaPE en 2023, 1 MWh de gaz naturel émet 217 kg de CO2, en tenant compte de l’ensemble du cycle de vie (combustion et préparation). De même, 1 MWh de mazout émet 292 kg de CO2, tandis que les sources renouvelables comme le biogaz ou la biomasse durable présentent des facteurs d’émission nettement inférieurs, de l’ordre de 40 à 70 kg CO2/MWh selon leur origine et leur mode de production. (Source : CWaPE, “Coefficients d’émission de CO2 des vecteurs énergétiques – Révision 2023”).
Ainsi, l’économie d’énergie primaire de 225 kWh avec une cogénération au gaz naturel représente :
(1 225 x 0,217) – (1 000 x 0,217) = 266 – 217 = 49 kg de CO2
exprimée par rapport à l’économie totale de CO2 :
49 / 266 = 18 %
Si l’on ramène à la production de 1 MWh d’électricité par l’unité de cogénération, l’économie en CO2 s’élève à 140 kg CO2/MWhé.
Cette économie peut être significativement plus importante lorsque la cogénération utilise des sources d’énergie renouvelables. Par exemple, une cogénération au biométhane peut réduire les émissions de CO2 de plus de 80% par rapport à une production séparée d’électricité et de chaleur à partir de sources fossiles, selon l’étude “Analyse du cycle de vie des filières de production d’électricité renouvelable en Wallonie” publiée par le Service Public de Wallonie en 2024.

Évolution du mécanisme des certificats verts

Le mécanisme des certificats verts en Wallonie a connu des évolutions majeures depuis sa création. Initialement régi par l’arrêté du Gouvernement wallon du 30 novembre 2006, il a fait l’objet de plusieurs modifications, dont la plus récente par l’arrêté du Gouvernement wallon du 2 mars 2023.
Le changement le plus significatif concerne l’exclusion, à compter du 1er janvier 2025, des systèmes de cogénération utilisant des combustibles fossiles du bénéfice des certificats verts, conformément à l’avis de la CWaPE sur l’avant-projet d’arrêté du Gouvernement wallon modifiant l’arrêté du 30 novembre 2006 relatif à la promotion de l’électricité produite au moyen de sources d’énergie renouvelables ou de cogénération, adopté en 1re lecture le 4 avril 2024.
Pour les cogénérations utilisant des sources d’énergie renouvelables (biogaz, biomasse durable, etc.), le taux d’octroi des certificats verts est calculé selon la formule :
Taux d’octroi = k × Eenp × (1 – (1/η)) × (1/Espec CO₂)
Où :
k est un coefficient de performance fixé à 1 pour les installations de moins de 5 MWe
Eenp est l’économie d’énergie primaire
η est le rendement électrique de l’installation
Espec CO₂ est l’émission spécifique de CO₂
Ce taux peut atteindre jusqu’à 2,5 certificats verts par MWh électrique produit pour les installations les plus performantes utilisant des sources renouvelables, selon le “Guide pratique du mécanisme des certificats verts” publié par la CWaPE en 2024.
La valeur garantie du certificat vert est maintenue à 65 € jusqu’en 2027, conformément à la décision du Gouvernement wallon du 14 décembre 2023 relative à la stabilisation du marché des certificats verts.

Un gain économique attrayant

L’avantage de la cogénération est aussi économique. Une installation de cogénération bien dimensionnée permet à l’utilisateur de réduire sa facture énergétique globale. Le gain sur la facture électrique sera plus important que l’augmentation de la facture d’achat en combustible et d’entretiens.
En effet, par rapport à la situation antérieure (chaudière seule), la cogénération va consommer plus de combustible. Cette surconsommation de 411 kWh (première figure : 1 000 – 589 = 411 “kWh”) va permettre de produire 350 kWh d’électricité, soit un facteur 1,17.
Autrement dit, la cogénération permet de produire 1 kWh d’électricité avec un peu plus de 1 kWh de combustible. L’intérêt économique dépend toutefois des prix relatifs des vecteurs énergétiques, qui ont connu une forte volatilité ces dernières années. Selon les données du SPF Économie pour 2025, 1 kWh de gaz naturel coûte en moyenne 8 à 12 c€ pour les petits consommateurs professionnels, tandis que l’électricité vaut entre 15 à 25 c€ par kWh, hors taxes et redevances (Source : SPF Économie, “Statistiques énergétiques – Prix de l’énergie”, mars 2025).
Cette différence de prix, bien que réduite par rapport aux années précédentes, maintient l’intérêt économique de la cogénération, particulièrement lorsqu’elle est couplée aux mécanismes de soutien.

Évolution des mécanismes de soutien économique

Le cadre économique de la cogénération en Wallonie a connu des évolutions significatives. Si les cogénérations utilisant des combustibles fossiles sont exclues du mécanisme des certificats verts depuis le 1er janvier 2025, d’autres dispositifs de soutien ont été mis en place ou renforcés :
1. Aides à l’investissement : Le programme AMURE pour les entreprises et le programme UREBA pour les organismes publics et non-commerciaux offrent des subventions pouvant atteindre 30 à 40% des coûts d’investissement pour les cogénérations à haut rendement utilisant des sources d’énergie renouvelables. (Source : Service Public de Wallonie – Énergie, “Guide des aides financières pour les entreprises”, édition 2025)
2. Exonération partielle d’accises : Conformément à la directive européenne 2023/1563 sur la taxation de l’énergie, transposée en droit belge par la loi du 15 novembre 2024, l’électricité produite par cogénération à haut rendement bénéficie d’une exonération partielle d’accises, à condition que la puissance installée soit inférieure à 50 MWe. (Source : SPF Finances, “Guide fiscal de la cogénération”, 2025)
3. Valorisation de la flexibilité : Les cogénérations peuvent désormais participer aux services d’équilibrage du réseau électrique et aux mécanismes de capacité, générant des revenus complémentaires. Selon l’étude “Valeur de la flexibilité des cogénérations en Wallonie” publiée par la CWaPE en 2024, cette valorisation peut représenter entre 5 et 15 €/MWh électrique supplémentaires. (Source : CWaPE, “Valeur de la flexibilité des cogénérations en Wallonie”, 2024)
4. Communautés d’énergie : Le décret wallon du 2 mai 2023 relatif aux communautés d’énergie, complété par l’arrêté d’exécution du 14 février 2024, permet désormais aux cogénérations de s’intégrer dans des communautés d’énergie renouvelable (CER) ou des communautés d’énergie citoyenne (CEC), facilitant ainsi l’autoconsommation collective de l’électricité produite. (Source : Service Public de Wallonie, “Guide pratique des communautés d’énergie”, 2024)

Analyse économique actualisée

Dans un bilan économique complet, il faut désormais tenir compte de multiples facteurs :
L’investissement initial et sa durée d’amortissement
Les coûts d’exploitation (combustible, maintenance, assurances)
Les revenus directs (économies sur la facture électrique)
Les revenus indirects (certificats verts pour les sources renouvelables, valorisation de la flexibilité)
Les aides à l’investissement disponibles
Les avantages fiscaux (exonération partielle d’accises)
La valorisation potentielle dans une communauté d’énergie
Selon l’étude “Rentabilité des cogénérations en Wallonie – Perspectives 2025-2030” publiée par le Cluster TWEED en 2024, le temps de retour sur investissement moyen pour une cogénération au biogaz se situe entre 5 et 8 ans, contre 7 à 12 ans pour une cogénération au gaz naturel (sans certificats verts). (Source : Cluster TWEED, “Rentabilité des cogénérations en Wallonie – Perspectives 2025-2030”, 2024)
Pour estimer rapidement la taille et la rentabilité d’un projet de cogénération, plusieurs outils sont disponibles, notamment le simulateur en ligne développé par COGEN Wallonie  ou l’outil d’étude de pertinence proposé par le Service Public de Wallonie.

Calculs

 Calculer vous-même la rentabilité d’une cogénération : étude de pertinence.

Objectif de la cogénération

L’intégration d’une cogénération aura toujours pour objectif premier de répondre au mieux aux besoins énergétiques en chaleur d’un bâtiment tout en produisant simultanément d’électricité.

Le besoin de chaleur devra être soigneusement défini pour le bien considéré.

Dans une situation idéale, l’intégration de la cogénération doit faire l’objet d’une amélioration énergétique globale d’un projet, et doit donc tenir compte des améliorations énergétiques du bâtiment.  Le besoin en chaleur et donc le dimensionnement du projet sont directement liés à la qualité de l’enveloppe du bâtiment.

Une cogénération mal dimensionnée n’atteindra pas les performances prévues, elle n’aura donc ni la rentabilité énergétique ni économique attendue.

Le module sur la cogénération à été réalisé par l’ICEDD, Institut de Conseil et d’Etudes en Développement Durable asbl – © ICEDD – icedd@icedd.be