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La réduction des consommations par la rénovation énergétique, c’est bien, c’est indispensable même, mais cela a ses limites. Si l’on veut atteindre une décarbonation (quasi) totale de sa chaleur, il faut également s’interroger sur la source de cette chaleur.
Bonne nouvelle : il y a des alternatives au gaz naturel et au fuel. Bémol : elles ne sont pas disponibles à volonté, ni sans conséquences lorsqu’il s’agit de les implémenter dans un bâtiment existant. Faisons le point.
Des alternatives gaz ?
Dans la beaucoup de cas, on part d’une installation de chauffage et/ou d’eau chaude sanitaire alimentée par une chaufferie gaz. Il est donc assez naturel de s’interroger sur la possibilité de “simplement” changer de gaz. Deux possibilités existent : le biométhane et l’hydrogène vert. Mais ce n’est pas simple. Pourquoi ?
Le biométhane est a priori idéal, car il peut remplacer le gaz naturel sans changement au niveau du bâtiment. Mais pour cela, il faut développer des infrastructures de production de ce gaz, issus de déchets agricoles, et d’injection dans le réseau de distribution. Le potentiel est réel, mais a priori limité aux territoires combinant une production agricole conséquente et une urbanisation assez forte que pour justifier un réseau de gaz. Le bilan environnemental intéressant de la filière est en effet conditionné à une limitation des distances de transports des déchets agricoles. Si ces territoires ne sont pas légions, quelques sites existent néanmoins ou sont en projet. Technologie à suivre donc.
L’hydrogène vert c’est plus compliqué : il implique une modification des chaudières avant de pouvoir injecter des part conséquentes dnas le réseaux, ce qui va constituer un énorme frein au développement de cette piste. Et s’il existe des technologie de production d’hydrogène sur site, pour utilisation en pile à combustible, qui permettent a priori un fonctionnement en autonomie du bâtiment équipé (moyennant une alimentation électrique), cela requiert à ce stade un niveau de suivi déraisonnable, vu l’existence d’alternatives.
Valoriser de la chaleur fatale dans un réseau de chaleur ?
Autre ressources réelle : la chaleur dégagée par des processus industriels, valorisée au travers de réseaux de chaleur. Cette piste est pertinente dans les sites densément construits et présentant une diversités de profils de consommateurs (industriel, tertiaire et résidentiel), pour limiter les fluctuations saisonnières de demande de chaleur. Le projet Heat Roadmap Belgium[2]Paardekooper, S., Lund, R. S., Mathiesen, B. V., Chang, M., Petersen, U. R., Grundahl, L., David, A., Dahlbæk, J., Kapetanakis, I. A., Lund, H., Bertelsen, N., Hansen, K., Drysdale, D. W., & … Continue reading estime que les réseaux de chaleur pourraient couvrir entre 15 et 55% des besoins de chaleur belge (on est à 1 ou 2% aujourd’hui), plus de 23% de cette chaleur pouvant être de la chaleur fatale (les chiffres pour la Wallonne seraient plus proche de 15%[3]Stratégie chaleur actée par le Gouvernement wallon le 11 mars 2021, le reste venant principalement d’unités de cogénération.
The expansion of thermal grids is crucial to redesign the energy system and enable better integration of renewable energy and excess heat sources, from around 2% of the heating for the built environment (excluding for industry) today to at least 37% of the heating market in 2050. This is the value retained for the modelling, knowing that from an economic perspective the market share could be within 20% and up to 54%. (…)
Excess heat recovery from industry and heat from power production is key to an efficient and resilient heating and cooling sector, and has the potential to support local industries, economies, and employment. This should cover at least 23% of the district heat production, and requires a concerted change in planning practices for local industries, waste incineration, future fuel production sites, and potentially also data centres, sewage treatment facilities and other types of non-conventional excess heat.[4]Paardekooper, S., Lund, R. S., Mathiesen, B. V., Chang, M., Petersen, U. R., Grundahl, L., David, A., Dahlbæk, J., Kapetanakis, I. A., Lund, H., Bertelsen, N., Hansen, K., Drysdale, D. W., & … Continue reading
La difficulté est la nécessité de présence d’une source de chaleur fatale en quantité et stabilité suffisante, dans une région en reconversion industrielle. Le géoportail de Wallonie inclut une couche[5]appelée “Réseaux d’énergie thermique en Wallonie – Sites de production d’énergie thermique alimentant un réseau“ qui permet d’identifier au moins une partie des réseaux de chaleur présents sur le territoire, et de les classer selon leur source d’énergie. On y repère notamment des installations biomasse (p.e. le quartier Trasenster à Ougrée, le quartier Bella Vita à Waterloo) ou liées à des sites de biométhanisation (p.e. à Fleurus et Surice). Il existe bien sur aussi (bien que non repris sur le Géoportail) le réseau de chauffage urbain de Louvain-la-Neuve, alimentés par une cogénération gaz et, bientôt, biomasse. Mais aucun site de valorisation de chaleur fatale n’est actuellement répertorié. Un problème de mise à jour probablement, vu l’inauguration du réseau de Herstal, alimenté par l’incinérateur Intradel-Uvélia. D’autres projets sont à l’étude, le plus important semblant être Porte Ouest à Charleroi.
La carte ci-dessous présente le potentiel de chaleur fatal. Elle indique un potentiel dépassant largement 100% sur de nombreuses communes, notamment sur toute la dorsale wallonne, ce qui montre l’intérêt de cette piste !
Brûler de la biomasse ?
Lorsque les deux pistes précédentes ne sont pas envisageables, pourquoi ne pas se tourner vers la biomasse ? Les technologies de chaudières ou de cogénérateurs biomasse sont éprouvées, et cela n’implique a priori que très peu de modifications aux circuits de distribution et d’émission. Sauf si on choisit de se tourner vers un réseau de chauffage urbain, auquel cas l’installation de chaque bâtiment.. se simplifie.
Hors sites urbains, pour cause de préservation de la qualité de l’air, on a là une piste solide.
Oui, mais : même si c’est de la biomasse, cela émet du CO2 non ? Oui en effet. Mais sur un cycle temporel court, qui fait que dans le cadre de calcul PEB, la biomasse est supposée ne pas émettre de carbone. La logique et celle du carbone biogénique, appliquée également dans les analyses de cycle de vie : le carbone émis lors de la fin de vie de la biomasse est équivalent à celui absorbé lors de la croissance des plantes. Bilan nul donc, pour autant que l’on néglige le coût énergétique, et l’impact carbone associé, de la transformation du bois. Et ces transformations ne sont pas toujours négligeables : on parle de 23,4 g CO2eq / kWh pour le biométhane, et près de 40 g CO2eq / kWh pour du bois cultivé à finalité énergétique. C’est une approche qu’on peut discuter, car elle présuppose que la biomasse consommée soit équivalente à la biomasse régénérée, ce qui n’est pas forcément le cas, et ne tient pas compte de la dynamique des émissions de CO2 face au changement climatique : les émissions actuelles, même compensées à l’avenir par une capture en quantités équivalente, auront eu un effet d’échauffement pendant les années qui viennent, qui seront cruciales pour notre trajectoire climatique.
Ces quelques éléments étant posés, les points d’attention pour un passage à la biomasse seront, au niveau du bâtiment, le type de brûleur (buche, plaquette, pellets,…) et le volume de stockage. C’est surtout ce volume qui sera difficile à intégrer en rénovation. Heureusement, il est possible d’opter pour des chaufferies et volumes de stockage “hors bâtiment”, en containers, connectés hydrauliquement au système de distribution existant.
A côté des volume, la question de la sécurité d’approvisionnement en combustible sera également cruciale. Car si l’on se fournit en bois venant de forêts primaires de l’autre côté du monde, le bilan carbone et environnemental s’écroule, bien évidemment. S’il faut brûler, brûlons local !
On le voit, moyennant quelques points d’attention, il y a un véritable potentiel pour la biomasse, mais elle ne peut à elle seule constituer la solution. Le gisement n’est pas suffisant, et l’application dans certains contextes pose question. A privilégier donc dans une logique de réseaux d’acteurs locaux et pour des bâtiment éloignés des centres urbains.
Une pompe à chaleur en rénovation ?
Vu les limites des solutions biomasse, la pompe a chaleur parait un complément idéal : pas d’émissions polluante sur site, disposant d’une alimentation en énergie a priori garantie, … Nous la plaçons cependant en dernière position dans la réflexion développée ici. En voici la raison : le réseau électrique sera soumis à d’énorme tensions par la transition énergétique, tant au niveau des productions (multiplications des productions électriques décentralisées) que des consommations (électromobilité notamment). Il est dès lors raisonnable de limiter le transfert vers l’énergie électrique lorsque des alternatives sont possibles, pour ne pas aggraver cette tension. Vivent les pompes à chaleur donc, mais d’abord là où le biométhane, le bois-énergie durable ou la valorisation de chaleur fatale ne sont pas disponibles.
Les PAC elle n’en posent pas moins quelques challenges, dont voici les principaux :
- Des PAC à hautes températures, impossible ? Cela mérite quelques nuances : les températures d’eau en sorite de PAC ne sont pas nécessairement insuffisante pour des bâtiments non rénovés. Et des solutions d’appoint existent.
- Comment gérer les nuisances acoustiques ? Par le dimensionnement des unités extérieures et des dispositifs d’aténuation acoustique (baffles ou caissons), ou par le choix d’une géothermie.
- Des forages géothermiques en site existant, impossible ? Pas nécessairement. Il ne faut pas exagérer l’encombrement des technologies existantes sur le marché : bien que volumineuses, les machines de forage peuvent souvent se glisser dans des cours arrières ou fonds de parcelles. N’hésitez pas à contacter un foreur agréé pour lui décrire votre situation et avoir un premier avis. Il ne faut pas non plus dramatiser les difficultés posées par les autres usages du sous-sol : bien que gênantes, car il faudra préserver une distance de sécurité avec elles, tout comme avec les mitoyens, les canalisations d’eau, égout, data, … elles sont peu nombreuses sur les parcelles privées. Enfin, les outils se multiplient pour avancer sur les premières étapes d’une étude de faisabilité, comme le géoportail de la wallonie, ou BrugeoTool, qui lui vous dira tout sur le sous-sol bruxellois.
Notez également que passer d’une chaudière à une PAC, ce n’est pas que remplacer une machine par une autre. Des adaptations en chaufferie seront nécessaire.
- D’abord parce que la PAC requière de minimiser les écarts de températures à tous les niveaux. Cela a un impact sur le dimensionnement de tous les échangeurs : si un pincement de plus de 20°C est souvent considéré dans une installation à haute température, on va chercher à limiter ceux-ci entre 5 et 7°C dans le cas d’une PAC. Il sera donc nécessaire de remplacer tous les ballons et échangeurs par des modèles qui, pour une même puissance, seront bien plus volumineux.. ou moins puissant pour un volume conservé (on parle d’une division par trois de la puissance de l’échangeur pour un tel changement de DT). Au point que la place limitée en chaufferie est un réel facteur limitant la conversion vers les PAC en rénovation ! La solution? des PAC déportées vers un autre local ou la toiture, et connectées à la chaufferie par un circuit hydraulique uniquement. Attention que même même dans ce cas il y a des contraintes : distances de sécurité autour des échangeurs extérieurs (surtout si alimentés en fluides de type hydrocarbures), charges sur la toiture, conflit entre la nécessité de limiter l’emprise (esthétique, encombrement) et l’envie d’un surdimensionnement limitant les nuisances acoustiques, …
- Ensuite, parce que la PAC nécessite une alimentation électrique conséquente. Des adaptations et remises aux normes électrique seront nécessaire pour les installations de grosse puissance. Exemple :
Considérons une puissance thermique à fournir de 100 kW. Avec une PAC dont le COP est de 3, la puissance électrique absorbée sera d’environ 33 kW. Pour une alimentation en 230 V, l’ampérage sera donc de : Puissance = tension * courant 33 000 W = 230 V * A A=143 Ampères ! Etes vous sûr d’avoir une telle capacité sur votre tableau ? |
Arrêter de chauffer?
Bon, dit comme cela, c’est un peu radical… Mais l’idée peut être développée un peu en pointant deux situations :
D’une part, en y regardant de près, il y a souvent un série de locaux dont le chauffage n’est pas indispensable : espaces de circulation, sas d’entrée, cages d’escalier ou autre. La première mesure pour décarboner sa chaleur doit rester celle de la rationalisation de la demande. C’est l’idée rappelée par la campagne “abus de chauffage” lancée par le mouvement Slowheat : identifions tous ces lieux qu’on chauffe par habitude, ou sans que personne n’en ait fait la demande explicite. Et en cas de doute, rien n’empêche d’essayer de déconnecter un radiateur ou l’autre pendant quelques temps, pour voir si quelqu’un le remarque.
D’autre part, il y a tous les lieux qui ont parfois besoin de chaleur, mais ne sont utilisés que ponctuellement : certaines salles de réunion, des bureaux surnuméraires depuis le développement du télétravail, des lieux d’exception qu’on n’investi que pour des événements particuliers, … ou tout autre espace qui pourrait n’être, en règle générale, pas chauffé (ou indirectement par les locaux voisins), mais nécessite parfois un “coup de chaleur” pour une raison particulière. Dans ce cas, il peut être pertinent de déconnecter des lieux de l’installation de chauffage central (soit en enlevant les émetteurs, soit en les équipant de vannes thermostatiques institutionnelles réglées sur une température minimale) et d’y prévoir des émetteurs électriques largement dimensionnés pour assurer, par leur grande réactivité, une remontée en température suffisamment rapide lorsque nécessaire. C’est du chauffage par grille-pain avec un impact négatif en énergie primaire ? C’est vrai, mais dans ce cas précis, cela évite la tenue en température de locaux souvent vides, et les pertes sur systèmes de chauffage central qui y sont associées.
Outre le bénéfice énergétique évident, remettre en question la nécessité de chauffer l’ensemble des bâtiments permet de réduire la puissance totale demandée à l’installation, et donc toute une série de nuisances associées : encombrement, bruit, … et investissement !
Sources
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