Vue du site d'injection de biogaz de Cinergie à Fleurus

Vue du site d’injection de biogaz de Cinergie à Fleurus. Photo trouvée sur Sambrinvest.be

Les difficultés d’alimentation en gaz naturel liées à la guerre en Ukraine ont remis un coup de projecteur sur les combustibles alternatifs compatible avec les objectifs de décarbonation de la chaleur. Parmi ces alternatives, le biogaz, et en particulier le biométhane.


De quoi s’agit-il?

Le biométhane est un gaz produit à partir de matières organiques par un processus appelé digestion anaérobie. Lors de ce processus, des matières organiques telles que des déchets et résidus agricoles, des boues d’épuration, des déchets alimentaires ou encore des déchets verts sont décomposées dans des conditions anaérobies, c’est-à- dire sans oxygène, produisant ainsi du biogaz. Ce biogaz est ensuite épuré, formant ainsi du biométhane, un gaz présentant les mêmes caractéristiques que le gaz naturel et pouvant être injecté dans le réseau existant et utilisé directement par les clients, sans adaptations techniques et investissements de leur part.

Notons qu’hormis le biométhane, d’autres gaz renouvelables (biobutane, biopropane) peuvent être produits par la gazéification de biomasse solide, la combinaison d’hydrogène vert et de CO2 pour former du gaz synthétique et la valorisation de déchets solides issus de l’industrie.


Bas-carbone, le biométhane ?

Comme les autres formes de valorisation de la biomasse, le biométhane est soumis en Wallonie à des critères de durabilité définis par l’Arrêté du Gouvernement wallon (AGW) relatif aux critères de durabilité de la biomasse pour la production d’énergie, et aux critères de réduction des émissions de gaz à effet de serre, lequel impose une réduction d’émissions de gaz à effet de serre qu’au moins 70% par rapport au combustible de référence. En valeur absolue, on peut considérer des émissions d’environ 23,4 g CO2eq / kWh PCI[1]Quantis (2020). Evaluation des impacts ges de la production et l’injection du biomethane dans le reseau de gaz naturel., contre 198 g pour le gaz naturel[2]Energie+. Emissions de polluants liée à la consommation énergétique..

Pour ceux qui voudraient se lancer dans le détail du bilan carbone de la biométhanisation, le SPW met a disposition un outil de calcul dédié.


Du biométhane dans ma chaudière ?

Le biométhane peut être utilisé sans adaptation des chaudières. Il y a donc théoriquement un potentiel important par le simple remplacement (total ou partiel) du gaz naturel par du biométhane dans le réseau existant. En fait, de telles injections se font déjà, mais de façon marginales. Des premiers sites sont opérationnels, dont celui de Fleurus qui alimente l’équivalent de 2000 ménages. D’autres unités sont en étude ou construction.

Et hors des réseaux de gaz ? Biobutane et Bioproane en bouteille et citernes existent aujourd’hui en mélange avec des gaz fossiles (20% de ‘bio’ pour 80% de fossile).


La solution miracle ?

Le principal frein au développement du biométhane aujourd’hui semble être son potentiel limité. Une étude de Valbiom réalisée en 2019[3]Valbiom (2019). Quelle place pour le biométhane injectable en Belgique ? fait le point sur la place du biométhane injectable en Belgique. Qu’y lit-on ?

  • Le potentiel de production en Belgique serait de 15,6 TWhPCS par an, dont 8,3 en Wallonie. C’est assez proche des 13 TWhPCI[4]Déduit de : ICEDD (2022). Bilan énergétique de la Wallonie 2019. de consommation finale de gaz utilisé en 2019 par le secteur domestique wallon. Un potentiel non négligeable donc, mais qu’il faudra partager avec l’industrie, la production d’engrais, etc.
  • Si le biométhane est injecté dans le réseau de distribution de gaz naturel, il faut tenir compte du recouvrement imparfait entre zones de production et zones de consommations pour limiter les transports de matière organique sur de longues distantes. A ce compte, la Wallonie est mal lotie, avec ses larges zones agricoles dépourvue de réseau gaz. Il existe néanmoins quelques poches, telles que Rochefort, Dinant ou Bastogne, qui disposent à la fois du réseau de distribution et d’un potentiel de production important. Celles-ci pourraient théoriquement viser une forme d’autonomie en gaz.

Selon les acteurs de la filière, les freins actuels au développement du biométhane comme combustible sont à chercher dans le cadre plus que dans la ressource ou la technologie[5]Green Gas Platform (2024). Biométhane : la biomasse comme source d’énergie pour une transition durable pour tous.. Le biométhane étant plus cher que le gaz naturel, un soutien public et un cadre facilitant est, selon eux, nécessaire pour que les acteurs se lancent.


En conclusion

Une fois les freins levés économiques et administratifs levés, le potentiel du biométhane pourra se déployer, mais avec quelques bémols :

  • Comme pour les autres biocarburants, il y a un risque de concurrence sur les sols entre la production nourricière et la production a finalité énergétique, avec les débats connus sur le modèle agricole induits. Le biométhane devrait, a priori, rester une forme de valorisation de déchets : effluents d’élevage, boues de stations d’éuration, huiles domestiques, graisses animales, etc. La ressource n’est donc pas infinie.
  • Ce gaz vert, rien ne dit qu’il finira dans nos chaudière. Différentes applications industrielle requièrent des combustions et n’auront pas d’autre alternative que les biogaz. Il y a dès lors fort à parier que les besoins domestiques passeront derrière ces gros consommateurs.
  • Le processus présente des risques de fuites (d’ammoniac notamment) à certaines étapes, qui doivent être maîtrisées faute de déterriorer le bénéfice climatique de cette filière.

Dès lors, faut-il compte sur le biométhane à l’avenir ? oui, certainement. Mais pas partout, et pas en remplacement de tout le gaz aujourd’hui consommé. Il ne faut donc voir cette piste comme une solution miracle, mais comme un élément important d’une stratégie de diversification des solutions bas carbone.