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L’hydrogène est un gaz qui peut être utilisé comme combustible, en alternative au gaz « naturel ». La combustion de celui-ci n’entraine aucune émission de CO2, vu que l’association de hydrogène à l’oxygène donne… de l’eau : 2 H2 + 02 => 2 H20. Pour autant que sa production et son transport soient eux-aussi décarbonés, nous tenons donc là une réelle piste d’alternative aux combustibles fossiles.
Produire de l’hydrogène vert
Selon le type de production, on distingue différents hydrogènes auxquels sont attribués une couleur.
L’hydrogène vert est issus d’énergie renouvelable électrique, utilisée pour réaliser une électrolyse[1]L’électrolyse est la décomposition d’une molécule en sous-produits par application d’un courant électrique de l’eau, et peut donc présenter un bilan carbone très intéressant. On parle alors de « power to gas » pour présenter ce principe comme une forme de stockage d’énergie électrique excédentaire lors des pics de production renouvelable. Malheureusement, cette électrolyse nécessite énormément d’énergie électrique: chimiquement, 40 kWh par kg d’hydrogène produit, auxquels il faut ajouter les rendements imparfaits des équipements. Comptons aujourd’hui de l’ordre de 60 kWh électrique[2]Fulcheri, L. (2022).« L’hydrogène turquoise », une solution viable sans CO2 ?. Polytechnique insights. par kilo produit, alors que le PCI de l’hydrogène est de 33 kWh/kg. On a donc grosso-modo une perte de 50% de l’énergie introduite dans le processus.
Les autres formes d’hydrogène sont issues du gaz naturel, c’est-à-dire essentiellement de méthane (CH4), ou de biométhane. Carbone et hydrogène peuvent dans ce cas être séparés de deux façons. La première est le reformage : la combinaison du méthane avec de la vapeur d’eau, permettant de dissocier H et CO2, ce dernier étant dégagé dans l’atmosphère (hydrogène gris) ou capturé en partie (hydrogène bleu). La seconde est la pyrolyse[3]La pyrolyse consiste à monter à très haute température (1000 à 2000°C) pour décomposer les molécules en autres produits. (hydrogène turquoise), utilisant de l’eau et de l’électricité (mais moins que l’électrolyse), avec comme résidu du carbone sous forme solide, non émis dans l’atmosphère donc. Cerise sur le gâteau ? Le noir de carbone produit par la pyrolyse a une haute valeur ajoutée, ce qui rend la piste industriellement intéressante.
Un petit tableau pour synthétiser les différentes techniques de production, et quelques ordres de grandeur[4]Basé sur Fulcheri, L. (2022).« L’hydrogène turquoise », une solution viable sans CO2 ?. Polytechnique insights. :
Couleur | Technique | Matière première | Energie |
Vert | Electrolyse | Eau | Réseau électrique |
Turquoise | Pyrolyse | (Bio)méthane | Réseau électrique |
Noir/brun | Gazéification | Charbon + eau | Fossile |
Gris | Reformage | Charbon et méthane + eau | Fossile |
Bleu | Reformage + captage de CO2 | Charbon et méthane + eau | Fossile |
Le bâtiment pas prioritaire
Le gouvernement fédéral belge s’est doté en 2021 d’une stratégie de développement de l’hydrogène, mise à jour en 2022[5]Gouvernement fédéral belge (2022). Vision et stratégie Hydrogène. Une partie de celle-ci concerne les bâtiments. On peut y lire notamment :
Actuellement, les bâtiments sont principalement chauffés au gaz naturel et au pétrole. Les pompes à chaleur électriques réchauffent et refroidissent avec une très grande efficacité et peuvent utiliser directement de l’électricité renouvelable. Les réseaux de chaleur offrent également de bonnes possibilités de synergies. Cependant, ils ne peuvent pas être installés partout et il est clair que certains bâtiments continueront à utiliser un combustible (tel que le biogaz, l’hydrogène ou le e-méthane) pour se chauffer. Le gouvernement fédéral ne considère pas ce secteur comme une priorité pour l’application de l’hydrogène..
Que le secteur du bâtiment ne soit pas prioritaire du point de vue du secteur de l’hydrogène ne signifie cependant pas que la réciproque soit vraie, car une partie du parc n’aura pas de possibilités de rénovation profonde (à court terme) et/ou de basculement vers les technologies électriques ou biomasse (approvisionnement sous pressions). Pour cette part du parc bâti, une solution de combustible gazeux pas ou peu émetteur de CO2 parait idéale…
De l’hydrogène dans ma chaudière ?
Concentrons-nous sur les cas de bâtiments pour qui les pompes à chaleur et/ou la rénovation énergétique ne sont pas des solutions pertinentes. Comment pourraient-ils utiliser de l’hydrogène (une fois celui-ci disponible sur la marché)? La première possibilité est tout simplement de le brûler, pur ou en mélange avec du gaz naturel.
Pour des part d’hydrogène réduites, peu d’adaptations aux chaudières sont nécessaires, et des homologations existent déjà pour des taux de l’ordre de 20 à 30% d’hydrogène, si l’on en croit les sites des fabricants. Pour des part plus importantes, l’affaire se corse et les technologies sont encore en développement. Notamment, les brûleurs doivent être adaptés, l’usure accrue due à la température élevée et à la réactivité de l’hydrogène devant être gérées, et le risque d’explosion parfaitement maîtrisé.
Mais le 100% hydrogène n’est pas utopique à court terme. En réalité, le principal frein sera la mise en place d’un réseau d’alimentation. Difficile d’imaginer un réseau hydrogène parallèle à celui existant ! Tout comme il semble illusoire d’attendre un remplacement de toutes les chaudière actuelles par des équipement « hydrogène compatible ».
Les deux pistes les plus crédible sont donc :
- l’injection à moyen terme d’une part d’hydrogène dans le réseau actuel, ou des branches de celui-ci, après un effort important pour rendre compatibles tous les équipements connectés. Un peu comme l’effort de conversion en cours du gaz pauvre au gaz riche. On voit que c’est lent, et pour un impact limité, puisque seul une part du combustible sera décarboné.
- La conversion vers le 100% hydrogène, mais alimenté indépendamment du réseau de gaz. On trouve déjà par exemple des groupe électrogènes alimentés 100% en hydrogène. Se pose alors la question du stockage de celui-ci et du système d’approvisionnement. L’hydrogène peut se stocker sous forme liquide, à -253°C (difficile à imaginer dans un bâtiment), ou sous forme comprimée. On est alors dans un scénario proche de celui du propane actuellement, avec alimentation par camions… qui réduisent l’intérêt carbone de ce combustible.
Passer à la pile à combustible ?
Une autre piste est de passer de la chaudière à la pile à combustible. L’intérêt ? Le même que la cogénération : profiter à la fois de chaleur et d’électricité. En fait, entre cogénération et pile à combustible, on est simplement face à deux façon de convertir le gaz (ici, l’hydrogène) en énergie électrique. Là où la cogénération classique se base sur une combustion en moteur pour entrainer une génératrice, la pile à combustible mise sur un principe d’oxydation/réduction catalytique. Du point de vue de l’utilisateur, il n’y a pas grande différence.
Notons néanmoins un rendement globalement mauvais : Entre la production d’hydrogène par électrolyse et la production d’électricité dans la pile à combustible (rendement de 50 à 70% et de 50% respectivement[6]https://cleanpower.org/facts/clean-energy-storage/hydrogen-energy-storage/), on a un processus complet qui n’atteint que 25 à 35% de rendement environ. Soit plus de deux tiers de perte d’électricité, pour la récupération d’un peu de chaleur.
En outre, le problème d’approvisionnement reste le même que dans la piste de conversion des chaudières.
Faire l’électrolyse à domicile ?
Si le transport de l’hydrogène est difficile, pourquoi ne pas le produire chez soi, en utilisant l’électricité et l’eau des réseau publics pour faire l’électrolyse ? Et en poussant l’idée, pourquoi ne pas utiliser l’hydrogène comme solution de stockage de nos excédents photovoltaïques? Le stockage d’énergie saisonnier serait-il en vue ?
Des électrolyseurs et solutions de stockage à petite échelle existent en effet déjà. Alimentés par la surproduction de PV, combinée à des chaudières 100% hydrogène et des solutions de récupérations de chaleur vers des ballons d’ECS par exemple, on aurait là une solution totalement décarbonée.
Mais outre la complexité (qui implique de réfléchir cela à une échelle suffisamment grande, telle qu’un réseau de chaleur urbain, pour assurer une gestion efficace) et la limite en rendement et en capacité de stockage, on risque avec ces solutions de rencontrer le même problème qu’avec l’eau chaude solaire : une désynchronisation entre source d’énergie (ici, le PV en été) et usage (chaleur en hiver), couplée à un rendement global peu intéressant.
Miroir aux alouettes ?
Si l’injection d’une part d’hydrogène dans le réseau de gaz naturel semble réaliste à terme et contribuera à réduire nos émissions de carbone, beaucoup de freins apparaissent lorsque l’on envisage un recours plus important à cette molécule pour le chauffage, principalement au niveau du stockage de grandes quantités d’hydrogène dans des bâtiments non industriels. Une décarbonation totale de la chaleur d’un bâtiment tertiaires par ce moyen impliquerait à ce jour une complexité a priori exagérée.
A ce stade l’hydrogène apparait donc comme moins intéressant pour le chauffage que l’électrification ou la biomasse. Autant privilégier son développement dans les applications industrielles nécessitant des hautes températures atteintes par combustion, et en capacité de gérer les processus d’électrolyse et/ou de stockage indispensables.
Sources
[…] “simplement” changer de gaz. Deux possibilités existent : le biométhane et l’hydrogène vert. Mais ce n’est pas simple. Pourquoi […]