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Vous l’avez certainement entendu des centaines de fois : les pompes à chaleur ne fonctionnent que pour du chauffage à bas régime de température. Impossible donc d’installer une PAC dans un bâtiment non rénové !
Cette affirmation mérite quelques nuances…
Quelle température d’eau maximale ?
Les PAC sont parfois conçues de telle façon qu’un régime de température élevé ne soit pas possible. Selon les modèles, un régime maximal de température peut en effet être spécifié. On trouve facilement dans les catalogues des températures annoncée de 60 ou 70°. En cherchant bien, on tombe sur des PAC assurant des régime dits “haute température”, de l’ordre de 90°C. Attention toutefois à interpréter ces chiffres correctement :
- Ces hautes températures sont parfois disponible uniquement pour des PAC de puissance limitées, destinées à des usages domestiques ou tertiaires après rénovation de l’enveloppe. Espérons que de nouvelles gammes, de plus haute puissance, apparaitrons avec le temps.
- Des températures très élevées sont parfois annoncées, mais pour des conditions très spécifiques du côté de la source froide. Typiquement, lorsque la PAC est destinée à valoriser de la chaleur fatale ou une source froide à température élevées. Par exemple pour faire de l’ECS en valorisant la chaleur résiduelle du circuit de retour de chauffage (voir le principe de “boosters“).
- Dans le cas des PAC air-eau, ces températures élevées ne sont pas nécessairement atteintes pour des conditions extérieures “de dimensionnement”. Or, c’est bien cela qu’il faut regarder pour étudier la possibilité de remplacer une chaudière par une PAC. Le régime de température assuré par des PAC peut décroitre lorsque la température de la source froide chute. Cependant, on s’oriente progressivement vers des technologies où la température d’eau en sortie est garantie, mais au prix d’une perte de performance notamment due à la consommation liée au dégivrage des échangeurs.
Si une PAC peut fonctionner à haute température, l’efficacité énergétique reste dépendante de l’écart de température entre sa source froide et sa source chaude. Il convient donc de s’interroger sur la nécessiter de monter à un haute régime de température, en gardant en tête que la pompe à chaleur :
- perd de son intérêt énergétique si son COP annuel est inférieur au coefficient de conversion en énergie primaire de l’électricité, qui est de 2,5.
- perd de son intérêt « carbone » si son COP annuel est inférieur au ratio d’impact climatique entre électricité et gaz , soit 0.290 kg CO2/kWh pour l’électricité divisé par 0.198 kg CO2/kWh pour le gaz, soit un COPA devant être supérieur à 1,46.
- perd de son intérêt économique si son COP annuel est inférieur au ratio de coût entre électricité et gaz. A évaluer sur base de vos factures, mais typiquement de l’ordre de trois à quatre ces dernières années.
Attention : ces ordres de grandeur ne prennent pas en compte une alimentation électrique renouvelable, qui favorise la PAC. Notez aussi que l’on indique bien ici COP annuel, ou COPA, car ce qui compte n’est pas que la pompe à chaleur soit plus performante que la chaudière gaz à tout moment, mais bien globalement. Si pendant quelques heures ou journées particulièrement froides elle est peu efficace au vu des conditions extérieures, c’est tout à fait acceptable tant que le bilan global est positif.
Alors, où se place la limite ? Nos contact auprès des fournisseurs la placent différemment selon que l’on parle de chauffage ou d’eau chaude:
- pour un chauffage, la limite serait vers un régime de température de 50°C. En-decà de ce seuil, des PAC peuvent assurer le service seul. Au-delà, une hybridation avec une chaudière est, selon eux, à considérer.
- pour l’eau chaude : la limite peut être plus haute, car l’installation fonctionnant toute l’année, la perte de performance en hiver (grand écart de température à combler) est compensée par le bon fonctionnement en été (faible écart de température à combler), et l’on a une performance moyenne annuelle correcte. Ce qui ne serait pas le cas avec une installation ne tournant qu’en hiver.
Il y a cependant une évolution à noter : les changements dans les fluides frigorigènes (le CO2 notamment) facilitent le franchissement de grands écarts de température sans trop pénaliser la performance énergétique. Certains fabriquent promettent de l’eau chaude à 90°C avec des COP intéressants pour des températures sous 0. A l’heure actuelle, ces PAC sont développées pour les situations impliquant un grand besoin d’eau chaude sanitaire notamment. Une technologie à suivre pour les applications en chauffage.
Faut-il vraiment de l’eau à plus de 50°C ?
Avant de considérer l’hybridation entre une PAC et une chaudière, prenons le temps de remettre en question le besoin d’un régime de température élevé dans un bâtiment.
Quantifier la perte de puissance
Si les émetteurs sont alimenté à un régime de température plus bas que celui anticipé lors de leur dimensionnement, ils vont perdre en puissance. Et cette perte est plutôt rapide, puisqu’elle dépend grosso-modo de la réduction du régime de température exposant 1,3. Passer d’un régime 90/70 à un régime 60/45 par exemple nous fait perdre environ 43% de puissance. Même en considérant des PAC qui monteraient à de très hautes températures, de l’ordre de 75°C, au prix d’une perte de performance, la perte de puissance reste d’un peu plus de 20% environ. Ce qui reste non négligeable, mais peut correspondre aux marges de sécurités intégrées dans le calcul de dimensionnement initial.
Il convient donc de se poser quelques questions :
- L’ensemble de la puissance prévue était-elle utile ? Les calculs de dimensionnement sont parfois assez grossiers, et peuvent inclure des marges importante pour de la relance par exemple, laquelle n’est pas toujours utile.
- Le bâtiment a pu connaître des modifications au fil du temps : nouveaux châssis, post-isolation,… qui réduisent le besoin de puissance.
Refaire un calcul fin de la puissance nécessaire dans les différents locaux est donc utile avant de renoncer à un projet pompe à chaleur. Il est tout à fait possible que la réduction du régime de température ne soit pas si problématique. Pour faire ce calcul, vous pouvez vous tourner vers les outils de Buildwize[1]ce lien pointe vers un tableur détaillé et, pour le résidentiel, un outil de calcul sur basée sur le certificat PEB ou les consommations réelles des dernières années, ou ceux d’Energie+ (simplifiés).
Buildwize a également produit une video spécifiquement sur la question des émetteurs lors du passage à une pompe à chaleur en rénovation, ainsi qu’une application pour calculer la puissance d’un radiateur selon son régime de température.
Replacer cette perte de puissance dans le temps
Les pertes thermique du bâtiment dépendent des conditions météorologiques. Pour autant que l’on ait une régulation en température glissante, le régime de température maximal ne sera donc atteint que dans des conditions extrêmes.
Il peut donc être éclairant d’examiner la fréquence d’occurrence des températures extérieures et de croiser cette information avec la courbe de chauffe de son installation, pour examiner la fréquence d’un régime de température dépassant le seuil de pertinence de la pompe à chaleur. Dans l’idéal, cela se fait en établissant la monotone de puissance réelle de l’installation existante. Faute de données, celle-ci peut être calculée avec des modèles numériques plus ou moins simples.
L’exemple ci-dessous se base uniquement sur une courbe de chauffe théorique et les données climatiques d’Uccle. Il illustre deux choses : d’une part que nous n’avons que très rarement besoin de toute la puissance, mais d’autre part, que la monotone ne descend pas si vite que cela. Compter uniquement sur la baisse de régime de température (hors surdimensionnement historique) pour faire passer un projet de pompe à chaleur reste donc risqué en termes de confort, et une réflexion sur un appoint de puissance va souvent s’avérer utile.
Exemple.
Considérons la courbe de chauffe classique ci-dessous, avec une température de départ de 90°C pour -10°C extérieur et un abaissement quasi linéaire jusqu’au point 30°C pour 20°C extérieur.
Considérons également la monotone de distribution des températures extérieures pour Uccle (climat actuel):
En combinant les deux, nous pouvons tracer la distribution des températures de départ effectivement demandées, ainsi que distribution de la fraction de la puissance nominale demandée aux émetteurs, partant du principe qu’ils donnent 100% de leur puissance à 90°C :
On y voit qu’une température de départ supérieure à 80°C n’est quasiment jamais appelée. En conséquence, une perte de 20% de la puissance nominale est virtuellement sans conséquence. Mais au-delà, cela se corse : si le passage à la pompe à chaleur nous bride à une température de départ de, disons, 65°C, nous n’aurons que 50% de la puissance nominale, et seront en défaut de puissance pendant environ 2000h. Loin d’être négligeable. On pourrait pousser un peu plus l’analyse et ne pas considérer les heures d’inoccupation nocturne, qui sont souvent les plus froides, mais il faudrait également ajouter à l’analyse les pincements au niveau des échangeurs, … Restons donc sur l’idée que réduire le régime de température de 20 ou 30°C ne sera pas sans conséquence sur la capacité à maintenir les ambiances intérieures… Il faudra donc soit agir au niveau des échangeurs, soit trouve un solution pour combiner PAC et haute température. |
Et l’eau chaude?
Comment ça pas plus de 50°C pour une PAC seule ? Et l’eau chaude alors ?
La question de l’eau chaude se pose un peu différemment du chauffage : puisqu’on la produit a priori toute l’année, on peut calibrer les performances de la PAC sur des conditions assez favorables (l’été et la mi-saison), et compléter par un apport de puissance via une résistance électrique pour les conditions plus défavorables (typiquement, 20% de la puissance totale). Le bilan global reste positif tout en assurant une température d’eau chaude conforme aux exigences sanitaires.
Booster le régime de température
La solution évidente pour combiner les avantages de la PAC à un besoin d’une eau à relativement haute températures, c’est l’hybridation. Si théoriquement on pourrait imaginer deux PAC en cascade, chacune avec un COP optimisé sur une gamme de température donnée, cette solution est peu rencontrée en pratique. Selon les fabriquants, les consommations des accessoires (pompes, …) et les pincements à chaque échangeur réduisent le bilan théorique. Le coût total à l’achat est également rédhibitoire face à l’alternative classique : l’hybridation de la PAC avec une chaudière.
Lorsque l’on combine PAC et chaudière, l’idée est bien sûr de valoriser au maximum la PAC. Selon que l’objectif et un optimum économique ou énergétique, on dimensionnera la PAC pour couvrir environ 30 ou 60% de la puissance maximale respectivement. Elle assurera alors 70 ou 90% du besoin en chaleur respectivement, la chaudière couvrant le solde. Le mode de régulation a également son importance. Deux solutions sont possibles, reprise sous le terme de fonctionnement bivalent. : soit les équipement sont placés en parallèle pour que la chaudière ou la PAC travaillent seules selon les conditions extérieures (basculer vers la chaudière lorsqu’il fait trop froid, mais cela implique une puissance totale installée élevée), soit ils sont placés “en série” que les deux fonctionnent en série sur des gammes de température différentes (la chaudière vient apporter les degrés manquant. La puissance totale est maîtrisée, mais l’hydraulique et la gestion est plus complexe).
Cette solution d’hybridation a deux gros bémols : elle ne permet pas d’éviter totalement les combustibles fossiles, vu la persistance de l’appoint gaz, et elle implique une liaison hydraulique adaptée et soigneusement étudiée (il ne faudrait pas que l’action de la chaudière entraine un retour d’eau à trop haute température vers la PAC…). Mais elle a également deux avantages :
- la possibilité de ne pas intervenir sur les émetteurs et le circuit de distribution;
- la possibilité de conserver une partie des accessoires : pas de modification des pincements des échangeurs dans des ballons par exemple.
Reste la contrainte de place en chaufferie, mais qui peut, dans certain cas, se résoudre par une vanne trois voie et une PAC déportée vers la toiture ou tout autre espace disponible.
Booster les émetteurs
Si un abaissement du régime de température est nécessaire pour justifier le passage à une pompe à chaleur, mais que cet abaissement implique une perte de puissance inacceptable aux niveau des émetteurs, il convient d’envisager une intervention sur ceux-ci.
Il peut s’agir soit :
- De l’ajout d’un radiateur supplémentaire sur le circuit existant
- D’un remplacement par un modèle plus puissant (et donc plus gros)
- D’un remplacement par une autre technologie, telle que les ventilo-convecteurs
- D’adjoindre à vos radiateur un ventilateur pour augmenter le débit d’air et donc la puissance de l’émetteur : en augmentant le mouvement d’air au sein du radiateur, on augmente le coefficient de convection entre le métal et l’air. Ils permettent donc de de réduire la température d’eau sans perte de confort. Mais à quel point ? Si certains sites de vente en ligne promettent des 50 à 80% d’augmentation de puissance, il faut raison garder: une conservation de puissance pour une réduction de 10 à 15°C sur le régime de température parait un objectif plus réaliste. Et qui peut tout à fait rendre possible une installation : si votre installation de chauffage ne date pas de Mathusalem, il est probable qu’elle ait été dimensionnée sur un régime 75/65. Comptez là-dessus une réduction possible de 15°C par des boosters, et quelques degrés “inutile” vu la tendance à surdimensionner les installations (par des facteurs de relance généreux notamment), et le compte est bon pour la PAC.
Si rien de tout cela n’est possible, l’ajout d’un chauffage d’appoint électrique, ou de systèmes de chauffage de proximité, peut aussi être envisagé.
Sources
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