Comptabilité énergétique du Collège du Sacré Cœur


Avertissement

Actuellement (début 2016) la fourniture urbaine de chaleur à Charleroi est en pleine négociation entre le fournisseur et les clients.
Bien que la présente étude de cas soit relativement ancienne, elle montre l’efficacité de la comptabilité énergétique pour détecter et corriger très rapidement toutes formes de dysfonctionnements. Toutes les conclusions restent valables.


Situation initiale

Situation initiale, établie en mars 94 :

  • Les consommations du collège sont inventoriées de mois en mois, depuis 1991, sur un tableau manuel, mais ne sont pas analysées.
  • En mars 1994, l’économe se rend compte que son budget 1994, pour les consommations de chauffage, est très largement entamé !

Un rapide coup d’œil sur le tableau dont il dispose le fait littéralement paniquer : il semble bien qu’il n’y ait pas d’erreur comptable, mais bel et bien une dérive des consommations…

Les informations utiles dont il dispose sont les suivantes :

  • surface chauffée : 8 340 m2
  • nombre d’élèves : 1 600 externes
  • nombre de religieux résidents : 20
  • occupation : constante depuis 10 ans à des fins scolaires uniquement
  • repas fournis en externat : 200 repas par jour
  • système : chauffage urbain (alimentation en eau surchauffée)
  • schéma hydraulique : inconnu
  • schéma de régulation : inconnu
  • usages de l’énergie : chauffage et eau chaude sanitaire
  • comptage : voir factures SOCAGETH

Tableau des consommations brutes :

Ce tableau exprime les consommations enregistrées à partir des factures mensuelles de la SOCAGETH (Chauffage urbain).

1992 cons.
(en GJ)
1993 cons.
(en GJ)
1994 cons.
(en GJ)
01/92 871 01/93 764 01/94 1286
02/92 668 02/93 913 02/94 951
03/92 503 03/93 658 03/94 783
04/92 290 04/93 409 04/94
05/92 107 05/93 155
06/92 50 06/93 94
07/92 4 07/93 105
08/92 23 08/93 84
09/92 117 09/93 116
10/92 449 10/93 630
11/92 716 11/93 1 003
12/92 1 014 12/93 669
Total 4 812 Total 5 600

Ce tableau n’est guère facile à interpréter… Notamment, on ne perçoit pas si la dérive des consommations en 93 et 94 est due à des variations climatiques ou non ?

Pour pouvoir normaliser ces consommations, il faut en extraire les consommations qui ne sont pas imputées au chauffage (on aperçoit bien des consommations en été…)


Estimation des consommations pour l’eau chaude sanitaire

Le chauffage urbain est utilisé pour le chauffage des locaux et pour la production d’ECS de l’école, soit

  • les besoins privés de la Communauté des Pères,
  • les douches de l’école,
  • les repas (cuisine collective) de l’école.

À défaut d’un comptage spécifique de ces besoins, ils sont estimés à partir de statistiques de consommations.

Estimation des besoins en ECS

(“guide sectoriel Ademe/AICVF-Établissements scolaires”)

Effectifs

Ratio (l/j)

T° d’eau (°C)

Rend.

Nbre jours/mois Cons. (GJ/mois)
Communauté 20 857 45 0,60 30 6,26
École 1 600 2 240 35 0,60 20 7,80
Repas 200 1 800 45 0,60 20 8,77
Total 23

Des consommations brutes, on retirera donc 23 GJ/mois entre septembre et juin, et 6 GJ/mois en juillet et août.

On en déduit un nouveau tableau des consommations brutes, hors eau chaude sanitaire :

1992 cons.
(en GJ)
1993 cons.
(en GJ)
1994 cons.
(en GJ)
01/92 848 01/93 741 01/94 1 263
02/92 645 02/93 890 02/94 928
03/92 480 03/93 635 03/94 760
04/92 267 04/93 386 04/94
05/92 84 05/93 132
06/92 27 06/93 71
07/92 0 07/93 99
08/92 17 08/93 78
09/92 94 09/93 93
10/92 426 10/93 607
11/92 693 11/93 980
12/92 991 12/93 646
Total   4 570 Total 5 358

Reste une consommation d’été trop élevée, particulièrement en 93 …

La comptabilité énergétique ne fournit pas d’interprétation : elle tire le signal d’alarme et suggère une analyse plus détaillée sur place

  • rendement désastreux de la production d’eau chaude sanitaire ?
  • arrêt réel du système de chauffage l’été ?
  • précision suffisante du compteur d’eau surchauffée pour les petits débits ?
  • … ou simplement un stage sportif organisé dans l’école en été ?

Une réponse à ces questions permettrait d’être plus précis dans le montant à retirer des consommations brutes d’hiver (si l’ECS est très coûteuse en été, elle l’est aussi en hiver…).


Normalisation des consommations

Il faut à présent neutraliser l’effet du climat pour rendre la comparaison possible d’une année à l’autre et repérer l’importance des dérives. Dans ce but, on  indique les degrés-jours correspondant à chaque mois de la saison de chauffe.

L’ATIC calcule les degrés-jours correspondant à la saison de chauffe, sur base des données de l’IRM.

Année consom. brutes
(en GJ)
DJ du lieu DJN du lieu Consom. Normalisées (en GJ)
1992 4 570 2 109 2 290 4 962
1993 5 358 2 090 2 290 5 573

On voit que la consommation de 1993 est bien supérieure à celle de 1992, tant en consommation brute qu’en consommation normalisée.

On remarque aussi que les hivers cléments de 1992 et 1993 ont allégé le poids de cette consommation  par rapport à ce qu’elle aurait été si le climat avait été “normal”.


Comparaison au ratio du secteur

Comparons les consommations 1992 et 1993 au ratio établi en région wallonne pour les écoles (statistiques Institut de Conseils et d’Études en Développement Durable) de 15 à 20 l mazout/m² an (soit 0,54 GJ à 0,72 GJ/m2.an).

Graphe comparaison au ratio du secteur.

Le Collège du Sacré-Cœur se trouve dans la norme pour 1992 et à la limite haute de la norme pour 1993. Cette norme est une moyenne établie sur un échantillon représentatif d’écoles situées en Wallonie (hors internats). Les écoles de l’enseignement libre se situant davantage à la limite basse et les écoles de l’enseignement officiel… à la limite haute.


Signature énergétique

La dispersion des points autour de la droite de régression reste faible surtout en 1993. Les pentes restent parallèles (même sensibilité aux variations climatiques) mais décalées vers le haut (consommation fixe permanente ?)

De plus, en 1993, on voit apparaître des consommations à 0 degré jour. Après enquête, il est apparu que la circulation de l’eau dans les boucles primaires de l’installation de chauffage n’a pas été arrêtée durant l’été 1993, alors qu’en 1992 cela avait été fait.

Les premières observations de 1994 montrent une nette dérive de la consommation (problème de régulation?). On peut imaginer quelle serait la signature énergétique si la consommation d’avril à décembre suivait la même tendance !

Attention, l’importante consommation de Janvier 94 par rapport à décembre 93 peut correspondre à un simple report, en janvier 1994, de consommations de décembre 1993. Ici se pose donc la question de la périodicité des relevés de consommation.


Conclusions

Cet exemple montre l’intérêt

  • d’assurer des relevés de consommation mensuels, indépendamment du fournisseur (maîtrise de la périodicité des relevés, contrôle),
  • d’affiner la connaissance des besoins par usage de l’énergie (besoins nécessaires à l’ECS, notamment),
  • d’affiner la connaissance des installations et équipements (fichiers et plans descriptifs), afin de permettre une bonne interprétation des phénomènes détectés.

Plus globalement dans ce bâtiment, la question de la production d’ECS par le système de chauffage central doit être posée : cette situation n’autorise pas l’arrêt pur et simple de l’installation en période estivale (prix du GJ utile !). Pour la communauté religieuse, une solution par une production d’eau chaude décentralisée devrait être trouvée. On vérifiera également que le circuit de chauffage de la communauté est totalement distinct de celui de l’école, afin de permettre les coupures de nuit et de week-end.

  • Depuis lors, la situation a-t-elle été mise sous contrôle ?
  • D’autres contrôles de la comptabilité énergétique ont-t-ils été effectués ?

Attention !!! La société SOCAGETH semble vouloir mettre fin à ses contrats de fourniture de chaleur !