Sommaire
Principe de base
Un local informatique fonctionne 24 h/24. Pour le refroidir, le groupe frigorifique tourne toute l’année, même en hiver… Or la température extérieure à Uccle est 3 550 heures par an inférieure à 8 °C, soit 40 % du temps ! Cette situation doit nous paraître aussi aberrante qu’une chaudière qui fonctionnerait au mois de juillet. Ce genre de local étant sans ou avec peu de ventilation hygiénique, il est difficile voire impossible de profiter directement de la fraîcheur de l’air par un refroidissement en mode “free cooling”. La solution ? le free-chilling !
Le principe de base est simple :
Lorsque la température extérieure descend sous les 8 à 10°C, on peut fabriquer de l’eau glacée sans utiliser le groupe frigorifique. L’eau est directement refroidie par l’air extérieur et la machine frigorifique est mise à l’arrêt.
L’économie d’énergie est évidente ! La rentabilité du projet est d’autant plus élevée que les besoins de refroidissement sont importants en hiver et que l’installation s’y prête. Étudions cela en détail.
Qu’est-ce qu’une installation adaptée au free-chilling ?
Au départ, il faut une installation à eau glacée qui fonctionne en hiver.
L’intérêt est augmenté si les échangeurs des unités terminales travaillent à “haute” température : ce sera le cas de plafonds froids (régime 15-17°C), de poutres froides ou de ventilos-convecteurs surdimensionnés pour travailler au régime 12-17°C,… Si ce n’est pas le cas, il faudra étudier la possibilité d’adapter les équipements.
Si l’installation dispose déjà d’un condenseur à eau, l’adaptation sera plus aisée : on pourra utiliser la tour de refroidissement pour refroidir l’eau glacée directement par l’air extérieur. Dans la tour, grâce à l’évaporation partielle de l’eau, la température de l’air extérieur sera encore diminuée. Ainsi, de l’air à 15°C et 70% HR permet de créer de l’eau de refroidissement à 12° (limite basse théorique appelée température “bulbe humide”). Malheureusement, un échangeur sera nécessaire entre le circuit de la tour (eau glycolée) et le circuit d’eau glacée du bâtiment. Une partie de l’avantage est donc perdu…
Le problème du gel…
De l’eau glacée refroidie par l’air extérieur pose le problème du gel dans la tour. La solution la plus courante est l’addition de glycol, mais :
- le glycol coûte cher,
- en général, on limite le circuit glycol au dernier tronçon en contact avec l’extérieur (l’eau de la boucle d’eau glacée n’est pas glycolée car en cas de vidange c’est l’entièreté du circuit qui est à remplacer),
- un échangeur supplémentaire doit alors être prévu, entraînant une consommation électrique liée à sa perte de charge et un écart de température qui diminue la période de fonctionnement du free-chilling…
- attention lorsque l’on rajoute de l’eau ultérieurement…
Il est aussi possible de placer des cordons chauffants mais peut-on protéger totalement ainsi une tour ?) ou de prévoir un circuit de chauffage spécifique qui se met en place en période de gel, mais on risque de manger le bénéfice !
Le free-chilling : une solution miracle pour toutes les installations ?
Certainement pas. De nombreuses contraintes apparaissent.
Quelques exemples :
- Si l’installation est équipée d’un chiller avec refroidissement direct à air, le placement en rénovation d’un aérorefroidisseur en série sera sans doute difficilement rentable par les kWh économisés (on parle de 25.000 Euros pour un aérorefroidisseur de 300 kW placé…).
- Un échangeur de ventilo-convecteur qui doit passer d’un régime 7 – 12°C à un régime 12 – 15°C perd 37% de sa puissance de refroidissement. S’il était surdimensionné, cela ne pose pas de problème. Autrement, il faut soit augmenter la vitesse du ventilateur, soit déclasser l’appareil…
- Lorsque l’installation travaille à charge partielle, il y a intérêt à ce que la température moyenne de l’eau “glacée” soit la plus élevée possible pour favoriser l’échange avec l’air extérieur. On appliquera donc une régulation des échangeurs par débit variable pour augmenter l’écart de température entre départ et retour.
- Une tour de 300 kW pèse 3 à 4 tonnes et une tour de 1000 kW pèse 9 à 12 tonnes, ce qui génère parfois des frais d’adaptation du génie civil.
- …
Adapter cette technique à une installation existante nécessite donc toujours une étude particulière (cadastre des énergies de froids consommées avec leur niveau de température, répartition été/hiver, …) pour apprécier la rentabilité.
Mais il est en tous cas impératif d’y penser lors d’une rénovation lourde !
Schémas de réalisation
Différents systèmes de refroidissement par free-chilling sont possibles
- via un aérorefroidisseur à air spécifiqueDeux schémas sont possibles :
> | Soit un montage en série avec l’évaporateur, où l’aérorefroidisseur est monté en injection (la température finale est alors régulée par la machine frigorifique, qui reste en fonctionnement si la température souhaitée n’est pas atteinte). |
> | Soit par un montage en parallèle avec basculement par une vanne à 3 voies en fonction de la température extérieure (aucune perte de charge si la machine frigorifique est à l’arrêt mais fonctionnement en tout ou rien de l’aérorefroidisseur). |
Ces solutions sont malheureusement fort chères en rénovation par rapport au prix de l’énergie électrique économisée (compter 25 000 Euros pour un aérorefroidisseur de 300 kW installé). Il faut que le fonctionnement soit assez permanent en hiver pour rentabiliser l’opération.
- via un appareil mixte
Certains fabricants proposent des appareils qui présentent 2 condenseurs : un échangeur de condensation du fluide frigorifique et un aérorefroidisseur pour l’eau glacée, avec fonctionnement alternatif suivant le niveau de température extérieure (attention à la difficulté de nettoyage des condenseurs et aux coefficients de dilatation différents pour les 2 échangeurs, ce qui entraîne des risques de rupture). - via la tour fermée de l’installation
Dans le schéma ci-dessous, l’installation fonctionne sur base de la machine frigorifique. Lorsque la température de l’air extérieur est suffisamment froide, la vanne 3 voies bascule et l’eau glacée prend la place de l’eau de réfrigération du chiller. Dans une tour fermée, l’eau n’est pas en contact direct avec l’air extérieur; c’est un circuit d’eau indépendante qui est pulvérisée sur l’échangeur et qui refroidit par évaporation. Mais le problème de la protection au gel reste posé : il est difficile d’envisager de mettre du glycol dans tout le réseau d’eau glacée (échange thermique moins bon, densité plus élevée donc diminution des débits, …).
- via la tour ouverte de l’installation
Dans ce cas, l’eau glacée est pulvérisée directement face à l’air extérieur. Elle se charge d’oxygène, de poussières, de sable,… Ces impuretés viennent se loger dans les équipements du bâtiment (dont les vannes de réglage des ventilos !). Les risques de corrosion sont tels que cette solution est à proscrire.
- via un échangeur à air placé devant les orifices d’aspiration d’une tour de refroidissement
Ceci permet de réutiliser les ventilateurs de la tour mais crée une perte de charge permanente. - via un échangeur à plaques traditionnel
L’échangeur se place entre le réseau d’eau glacée et le circuit de la tour de refroidissement. Cette solution est simple, elle minimise la présence du glycol dans le circuit de la tour mais, en plus de l’investissement à réaliser, elle entraîne un écart de température supplémentaire de minimum 2°C dans l’échangeur entre l’eau glacée et l’eau de la tour, ce qui diminue la plage de fonctionnement du refroidissement par l’air extérieur. C’est le choix qui a été fait au Centre Hospitalier du Bois de l’Abbaye.
L’installation de free-chilling au Centre Hospitalier du Bois de l’Abbaye Monsieur Tillieux, gestionnaire technique de l’hôpital, avait conscience que des besoins de froid existaient durant toute l’année, donc également pendant l’hiver :
Profitant de la rénovation d’une tour de refroidissement, il adopta la technique du free-chilling sur le circuit d’eau glacée. Il adapta également les émetteurs pour que ceux-ci puissent travailler au régime 12-17°C. Il favorisa le refroidissement nocturne des locaux, ce qui ne crée pas d’inconfort pour les occupants et valorise mieux le free-chilling puisque la température est plus basse la nuit. En collaboration avec la société de maintenance, il adopta le schéma de principe suivant : Le schéma de gauche représente le circuit classique de refroidissement de l’eau glacée dans l’évaporateur. L’eau du condenseur est refroidie dans la tour de refroidissement.
Sur le schéma de droite, le groupe frigo est arrêté et l’eau glacée est by-passée dans un échangeur. L’eau de refroidissement est envoyée directement dans la tour de refroidissement. Un jeu d’électrovannes permet le basculement d’un système à l’autre, dès que la température extérieure descend sous les 8°C. Le dimensionnement de la tour a été calculé en conséquence. Problème rencontré lors de la mise en route Lorsque le système basculait du mode “free-chilling” vers le mode “machine frigorifique”, celle-ci déclenchait systématiquement ! Pourquoi ? Un condenseur traditionnel travaille avec un régime 27/32°C par 10° extérieurs. Or en mode free-chilling, la température du condenseur est nettement plus basse. La pression de condensation aussi. Le détendeur ne l’accepte pas : il a besoin d’une différence de pression élevée (entre condensation et évaporation) pour bien fonctionner et laisser passer un débit de fluide frigorifique suffisant vers l’évaporateur. Le pressostat Basse Pression déclenche… Solution ? Une vanne trois voies motorisée a été installée : lors du ré-enclenchement de la machine frigo, le débit d’eau de la tour était modulée pour s’adapter à la puissance de refroidissement du condenseur. Quelle rentabilité ? Faute d’une mesure effective, nous allons estimer l’économie réalisée par l’arrêt du groupe frigorifique de 300 kW. Si le fichier météo de Uccle annonce 3.550 heures sous les 8°C, on peut estimer que le refroidissement effectif se fait durant 2.000 heures. Sur base d’un COP moyen de 2,5, c’est donc 120 kW électriques qui sont évités au compresseur. Une consommation supplémentaire de 5 kW est observée pour le pompage de l’eau au travers de l’échangeur et dans la tour. Soit un gain de 115 kW durant 2000 heures. Sur base de 0,075 €/kWh, c’est 17.000 € qui sont économisés sur la facture électrique. L’investissement a totalisé 60.000 €, dont moitié pour la tour fermée de 360 kW, le reste en tuyauteries, régulation et génie civil. Le temps de retour simple est donc de l’ordre de 4 ans. Séquences de régulation de la tour
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Auteur : les anciens
Eté 2008 : Brieuc.
Notes : 19.02.09