Sommaire
Principe de fonctionnement
Les dispositifs à dessiccation (DEC : Desiccant Evaporative Cooling) sont des systèmes de déshydratation ou de refroidissement de l’air, utilisant de l’eau et une source de chaleur.
Ce procédé repose sur le principe physique suivant : l’évaporation de la vapeur d’eau dans l’air sec réduit la température et augmente l’humidité absolue de l’air.
La dessiccation exploite un double échange de frigories et d’humidité entre les flux d’air entrant (air de process) et sortant (air de régénération) d’un bâtiment. Cette circulation d’air est généralement assurée par une centrale de traitement d’air.
Schéma de fonctionnement d’une centrale d’air à roue dessicante.
Représentation de l’évolution de l’air dans un diagramme de l’air humide.
(1>2) L’air extérieur ou air pulsé (aussi appelé “air de process”) est aspiré au travers d’un filtre, puis traverse la “roue dessicante” ou “roue à dessiccation”. Cet échangeur rotatif contient un produit de sorption solide. Ce dernier absorbe la vapeur d’eau de l’air extérieur par adsorption. L’air extérieur est ainsi déshumidifié et en contreparti, voit sa température augmenter.
(2>3) L’air extérieur est alors refroidi par échange de chaleur avec l’air intérieur extrait ou simplement l’air extrait (aussi appelé “air de régénération”). Cet échange se fait au travers d’un échangeur de chaleur rotatif (non hygroscopique).
(6>7) Pour augmenter l’échange de chaleur et donc le refroidissement de l’air pulsé, on rafraîchit au préalable l’air extrait en l’humidifiant jusqu’à saturation. On abaisse ainsi le plus possible sa température, et on bénéficie au maximum du potentiel de refroidissement dans l’échangeur.
(7>8) en passant au travers de l’échangeur de chaleur, l’air extrait se voit donc réchauffé.
(8>9) Pour pouvoir fonctionner en continu, la roue dessicante doit être régénérée c’est-à-dire que l’humidité doit être évacuée du matériau adsorbant. Pour cela la portion de roue contenant l’humidité doit croiser le flux d’air extrait qui aura été préalablement réchauffé pour atteindre une température suffisante pour vaporiser les molécules d’eau retenues dans les pores de la roue.
(9>10) Enfin l’air chaud traverse et régénère la roue dessicante pour lui permettre de poursuivre le processus continu de déshumidification. Finalement, l’air rejeté, à l’aide d’un ventilateur, sort plus haute en température et plus chargé en humidité que l’air extérieur.
(3>5) L’air pulsé peut encore être arrosé d’eau au travers d’un humidificateur. L’eau va absorber les calories restantes dans l’air avant que celui-ci soit propulsé dans le bâtiment à refroidir par un ventilateur. Cette alternative permet de refroidir l’air pulsé mais pas de le déshumidifier. Pour ce faire, il est alors nécessaire de remplacer cet humidificateur par une batterie froide.
(4>5): Ce système est dit réversible, car il peut aussi bien être utilisé en refroidissement qu’en chauffage. En hiver, cela correspond à un mode de fonctionnement normal de réchauffement par système centralisé à air, en utilisant la roue de sorption comme récupérateur de chaleur, tout en complément des apports de la chaleur solaire. La présence d’une batterie chaude permet ainsi la régulation de température de chauffe en hiver.
Résumé du comportement de l’air illustré par le diagramme de l’air humide :
En théorie, dans le diagramme de l’air humide, l’évolution de l’air dans la roue dessicante se fait selon une courbe isenthalpique pour l’air soufflé et pour l’air repris (1>2 et 9>10).
Dans l’échangeur et dans le régénérateur (batterie chaude, apports solaires, …), les transferts de chaleur se font à humidité absolue constante (2>3, 7>8 et 8>9).
Entre l’air pulsé et l’air repris par la centrale de traitement, l’air subit les apports dus au local (personnes, lampes, ordinateurs, …) et voit sa température augmenter (5>6).
La combinaison de ces différentes évolutions permet d’obtenir un point de soufflage compatible avec le rafraîchissement du bâtiment.
Aspects technologiques
La roue à dessiccation – principe d’adsorption
La sorption est un phénomène physique qui consiste à fixer les molécules d’un élément à une surface généralement granulée et poreuse. Les matériaux dessicants attirent l’eau en formant à leur surface une zone à faible pression de vapeur.
La vapeur de l’air, ayant une pression plus élevée, se déplace de l’air vers la surface du matériau ce qui garantit une déshumidification de l’air.
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La déshumidification s’effectue soit à travers un dispositif sur lequel est posé un matériau dessicant (on parle alors de “déshydratation en phase solide”), soit dans des échangeurs dans lesquels est pulvérisée une solution dessicante (“déshydratation en phase liquide”).
La sorption peut donc prendre place entre un gaz et un solide, auquel cas on parle d’adsorption, soit entre un gaz et un liquide, il s’agit dans ce cas du phénomène d’absorption. Raison pour laquelle les roues dessicantes sont appelées également des déshydrateurs à adsorption.
Photo d’un déshydrateur à adsorption de la marque “Ventsys” fonctionnant selon le principe de la roue dessicante.
Actuellement les sorbants les plus utilisés sont le SiO2 (Silica-gel), LiCl (Chlorure de Lithium), Al2O3 (Alumine activée) et le LiBr (Bromure de Lithium).
Ces substances sont imprégnées sur une roue rotative en céramique à structure en nids d’abeilles.
Lorsque le matériau devient saturé, la roue continue à tourner lentement et la partie exempte d’humidité est régénérée par chauffage, au départ d’une source de chaleur disponible.
L’échangeur rotatif non hygroscopique
Un échangeur non hygroscopique est une roue à rotation lente, métallique à structure en nids d’abeilles à travers laquelle passent deux flux d’air de sens opposés produisant un échange sensible entre eux (humidité absolue constante).
L’avantage de ce type d’échangeur c’est qu’il a une perte de charge faible en comparaison de son efficacité, de plus il présente peu d’encombrement.
Pour éviter les fuites de l’air entre les sections de soufflage et de retour, il est préférable d’avoir une section de purge séparant les deux sections et d’avoir les ventilateurs en aval de l’échangeur.
Intérêts du procédé
- L’intérêt environnemental de la roue dessicante se marque si la source de chaleur utilisée est de type renouvelable. Elle peut donc fonctionner avec des capteurs solaires thermiques (on parle alors de climatisation solaire), avec un réseau de chaleur urbain alimenté en permanence en été de manière renouvelable (biomasse, géothermie profonde (> 1 500 m), etc.), ou encore en valorisant des rejets thermiques de process industriel par exemple.
L’utilisation de capteurs solaires comme source de chaleur possède comme principal avantage de pouvoir amener le plus de froid lorsqu’il fait le plus chaud. Ce système est d’autant plus intéressant que les apports solaires sont grands, et trouve donc en toute logique son intérêt en période estivale.
Dans ces situations et afin de garantir une utilisation prolongée, par exemple lors des périodes non ensoleillées, il est également envisageable de stocker de la chaleur emmagasinée en journée dans des ballons tampons.
Remarque : Afin d’assurer le bon fonctionnement du processus d’adsorption, il est nécessaire que la source de chaleur puisse fournir une température suffisante à la batterie de régénération. Cette température est d’environ 70 °C quand le climat extérieur est de 25 °C et 75 % HR.
Remarque : une autre solution, conduisant à un coût d’investissement plus faible, utilise directement l’énergie solaire de régénération par le biais de capteurs à air (et non-circulation à eau), du fait que le réfrigérant est en contact direct avec l’atmosphère.
Schéma présentant le système à roue dessiccante couplé à une installation chauffage solaire.
- L’utilisation d’eau comme fluide réfrigérant rend ces systèmes totalement inoffensifs pour l’environnement.
- Les humidificateurs peuvent être alimentés via l’eau de pluie ou grâce à l’eau de ville. Dans ce dernier cas, il s’agit de consommation d’eau potable dont il convient d’évaluer l’ampleur économique et environnementale.
- La compression du fluide caloporteur est thermique, avec absence de mouvements mécaniques, ce qui augmente leur durée de vie et réduit leur bruit. Cependant une maintenance soignée est obligatoire.
- La qualité de l’air intérieur est améliorée par l’effet bactéricide des matériaux adsorbants.
- Ce mode de climatisation ne suffit pas pour assurer une bonne rentabilité économique, en effet le coût d’investissement pour ce genre d’installation encombrante est souvent onéreux. Le coût spécifique [€ /(m³/h)] des centrales de traitement d’air reste trop élevé pour de petits débits. Ces systèmes tout air neuf ne sont pas adaptés pour tous les bâtiments.
Remarque : le coût spécifique va de 8 €/(m³/h) pour une centrale de traitement de 20 000 m³/h jusqu’à 16 €/(m³/h) pour une centrale de traitement de 5 000 m³/h (coût brut source fournisseur). À titre de comparaison, le coût spécifique pour une centrale de traitement d’air à roue hygroscopique va de 3.5 €/(m³/h) pour une centrale de 20 000 m³/h jusqu’à 8 €/(m³/h) pour une centrale de 5 000 m³/h.
- Dans le cas d’utilisation de panneaux solaires comme source de chaleur, la production frigorifique varie évidemment avec les apports solaires, le dispositif ne peut fonctionner qu’en journée. Il est cependant envisageable de stocker de la chaleur emmagasinée en journée dans des ballons tampons afin d’utiliser le dispositif pendant les périodes non ensoleillées. On ne dispose donc pas d’une véritable climatisation en ce sens que la puissance de froid peut ne pas être suffisante. On parle donc plutôt de “rafraîchissement”. Si l’on souhaite réellement disposer d’une puissance de froid suffisante quels que soient les besoins, il convient de surdimensionner le système de ventilation et de recourir à une source de chaleur d’appoint bien souvent fossile ou électrique. Dans ce cas, le bilan environnemental du système peut s’effondrer.
- La complexité d’une installation réside dans la régulation des multiples circulations de fluides avec une source thermique peut-être variable et discontinue (apports solaires). Ainsi le bon fonctionnement du système peut s’avérer délicat à garantir sur la durée. Il faut optimiser le refroidissement et la régulation, éviter les pertes thermiques et les pertes de fluides, limiter la consommation électrique, éviter la surchauffe en période estivale, se protéger contre le gel.
- Le système est peu performant dans les climats chauds et humides.
- En hiver, il n’est pas possible de récupérer une grande part de l’énergie latente (humidité) telle que dans le cas d’un système à roue hygroscopique. Dès lors, le besoin d’énergie pour l’humidification est plus élevé.
Bilan énergétique
Comparaison entre un système de traitement d’air à roue hygroscopique et un système de traitement d’air à roue dessicante.
Exemple en hiver
- Air repris à une température de 20°C et une humidité absolue de 6 g/kg
- Air extérieur à une température de 5°C et une humidité absolue de 3 g/kg
- Air pulsé après la roue à :
- une température de 16.25°C et une humidité absolue de 5.25 g/kg dans le cas de la roue hygroscopique. Pour l’amener à 20°C et 6 g/kg, il faut donc l’équivalent de 5 kJ/kg d’énergie (chaud) et 0.75 g/kg d’air.
- une température de 16.25°C et une humidité absolue de 3 g/kg dans le cas de la roue dessicante. Pour l’amener à 20°C et 6 g/kg, il faut donc l’équivalent de 11 kJ/kg d’énergie (chaud) et 3 g/kg d’air.
Pour un même mode de production d’énergie, le système à roue dessicante ne peut jamais être plus intéressant que le système à roue hygroscopique. Il nécessite plus d’eau pour humidifier l’air et plus d’énergie pour compenser le rafraichissement dû à cet apport d’eau dans l’air.
Exemple en été
- Air repris à une température de 25°C et une humidité absolue de 13 g/kg
- Air extérieur à une température de 23°C et une humidité absolue de 15 g/kg
- Pour une pulsion à une température de 16°C et une humidité absolue de 11 g/kg (point de pulsion de l’air dans le cas d’une climatisation par plafonds froids en régime 17-20°C), il faut :
- l’équivalent de 17 kJ/kg d’énergie (froid) dans le cas de la roue hygroscopique.
- l’équivalent de 32 kJ/kg d’énergie (chaud), 2 kJ/kg d’énergie (froid) et 11.5 g/kg d’air dans le cas de la roue dessicante.
Si on considère que l’énergie de refroidissement dans le cas de la roue hygroscopique est produite avec les caractéristiques suivantes :
- 0.781 kWh d’énergie primaire / kWh d’énergie utile
- 0.123 kg de CO² / kWh d’énergie utile
- 0.043 € / kWh d’énergie utile
(facteurs de conversion : ESEER machine frigo de 3,2 ; 0,395 kg CO2/kWhélectrique ; 2,5 kWhprimaire/kWhélectrique ; 0,14€/kWhélectrique).
Il faut donc que l’énergie de régénération (chaud) dans le cas de la roue dessicante ait au minimum les caractéristiques suivantes pour être intéressante en été :
- 0.36 kWh d’énergie primaire / kWh d’énergie utile
- 0.058 kg de CO² / kWh d’énergie utile
- 0.021 € / kWh d’énergie utile
On peut noter qu’un réseau urbain alimenté en biomasse répond à peine à ces critères, sans compter qu’il faudrait en plus compenser les consommations supplémentaires en hiver et la consommation d’eau des humidificateurs !
De ce fait, si on la compare à un groupe de ventilation avec roue de récupération hygroscopique, le bilan énergétique de la roue dessicante ne semble intéressant que dans très peu de cas où l’on peut considérer que la chaleur est entièrement d’origine renouvelable ou récupérée et l’eau de l’eau de pluie.
La performance d’une installation dessicante dépend :
- De l’efficacité de l’échangeur rotatif : choix de la roue utilisée.
- De la température de régénération : ce paramètre est utilisé afin de modifier la puissance froide délivrée par la centrale en mode desiccant cooling.
- Des débits de ventilation : la variation du débit engendre une variation de la puissance froide, mais également une variation du rendement d’échange dans les roues. C’est pourquoi il est nécessaire d’utiliser le système dans la plage de débit pour lequel il est dimensionné.
- De l’efficacité de l’humidificateur: sa modification permet de contrôler la température et l’humidité de l’air de soufflage. Cela peut être utile en cas d’humidité relative intérieure inconfortable.
Domaines d’utilisation
- Les dispositifs à dessiccation apportent une solution bien adaptée dans les régions où les apports latents sont limités et sont particulièrement efficaces en climat assez sec.
En effet, le seul problème provient des régions trop humides, où la roue n’est pas suffisante pour déshydrater l’air ambiant, car elle nécessite une température de régénération élevée, ce qui augmente la consommation du système en énergie primaire. - Les systèmes à dessiccation sont utilisés pour produire directement de l’air frais (déshumidification de l’air), et non pas pour refroidir l’eau de la boucle de refroidissement comme dans le cas des machines frigorifiques classiques. Une telle installation n’est donc pas envisageable pour rechercher de grands refroidissements. Ces dispositifs peuvent souffler de l’air à une température d’environ 10°C de moins que la température extérieure (suivant les débits d’air choisis).
Photo d’une installation DEC : desiccant evaporative cooling.
- Ce procédé est plus spécialement applicable aux bâtiments neufs ou en réhabilitation lorsqu’une source thermique à faible coût est disponible pour régénérer l’adsorbant.
- Enfin, les systèmes dessicants peuvent être valorisés dans les bâtiments ayant un objectif de bilan “Zéro énergie” dans lesquels une déshumidification de l’air est d’office nécessaire (utilisation de plafonds froids, d’îlots rayonnants). Pour ce faire, il est nécessaire de supprimer l’humidificateur adiabatique sur le chemin de l’air neuf.
Nouvelle technologie : les Lits dessicants liquide – (LDC : Liquid dessicant cooling)
Par rapport à un système à dessiccation utilisant un sorbant solide, ce type de système présente plusieurs avantages :
- un plus fort taux de déshumidification pour le même niveau de température;
- une possibilité d’un haut niveau de stockage énergétique sous la forme de solution concentrée.
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