Régulation de la production d'eau chaude par "priorité sanitaire"


Le principe

Dans les installations domestiques, la régulation d’une installation de production d’eau chaude sanitaire combinée à l’installation de chauffage se base sur le principe de la “priorité sanitaire“. Lorsqu’il y a demande d’eau chaude sanitaire, la distribution de chauffage est mise en “stand by” et le ballon de stockage d’eau chaude est alimenté.

Cette technique de régulation a pour intérêt de ne pas devoir surdimensionner la chaudière pour assurer la production d’eau chaude et de ne pas maintenir en permanence (hiver comme été) la chaudière à haute température.

En pratique, cette technique de régulation ne se rencontre pas dans le secteur tertiaire. On n’imagine pas de fermer les départs différents circuits, au bénéfice des seuls besoins de l’eau chaude sanitaire.

Par contre, il est recommandé d’avoir une régulation de la température de départ de chaudière telle que la haute température ne soit appliquée que lorsqu’il y a demande de production d’eau chaude sanitaire. Imaginons un ballon réglé sur 60°C :

  • En temps normal, c’est la régulation à température glissante qui est de rigueur.
  • Lorsqu’il y a demande d’eau chaude sanitaire (T°ballon = 57,5°C), la température de départ chaudière augmente et les vannes mélangeuses des différents circuits de chauffage vont se fermer quelque peu.
  • Dès la satisfaction du ballon (T°ballon = 62,5°C), la température de chaudière revient à la valeur calculée par le régulateur en fonction de la température extérieure.

Cette régulation sous-entend l’absence d’un préparateur instantané (échangeur à plaques) qui lui doit pouvoir réagir au quart de tour, et qui demandera une température de chaudière toujours élevée.

Elle montre aussi toute l’importance d’un surdimensionnement du serpentin installé dans le ballon :

T°chaudière = T°ballon + X°

X sera d’autant plus petit que la puissance de l’échangeur sera grande. Dimensionner le serpentin au régime 70/40 entraînera environ 10 % de coût d’investissement en plus, mais à l’exploitation, c’est la consommation de la chaudière qui baissera.


La justification

L’intérêt d’une telle régulation est d’autant plus important :

– Que la chaudière alimente le ballon d’eau chaude aussi en été. Dans ce cas, la régulation permettra d’arrêter totalement la chaudière (température retombant à 20°C) sauf durant les périodes de chauffage de l’eau sanitaire.

Ces périodes seront définies par une horloge qui limitera la charge du ballon de stockage à un nombre limité de périodes de la journée. Cela permet d’éviter que la chaudière ne démarre pour des faibles puisages, avec pour conséquence :

  • Un maintien quasi permanent de la chaudière à une température moyenne relativement élevée,.
  • Un fonctionnement du brûleur par cycles courts, synonyme de mauvaise combustion et d’émission polluantes.
Cas fréquent : le ballon présente une capacité supérieure aux besoins de la journée.

–> en été, une horloge n’autorisera le fonctionnement de la chaudière que durant 3 heures au matin, par exemple.

– Que la chaudière présente des pertes à l’arrêt élevées. Ce n’est pas le cas des chaudières fuel ou gaz à brûleur pulsé modernes. C’est, par contre, le cas des chaudières gaz atmosphériques dont l’échangeur est en communication ouverte avec la cheminée (chaudières par ailleurs à proscrire dans une nouvelle installation). Il faut que ces chaudières soient toujours maintenues à la plus basse température possible (température définie par leur conception et donc par le fabricant).

Exemples.

Prenons une chaudière moderne à brûleur pulsé correctement dimensionnée de 300 kW. Son coefficient de perte à l’arrêt à température nominale (température d’eau de 70°C) est de 0,3 %. Si cette chaudière travaille en température glissante, sa température moyenne sur la saison de chauffe sera d’environ 43°C. Son coefficient de perte à l’arrêt moyen sera alors de 0,11 % :

[(43 [°C] – 20 [°C]) / (70 [°C] – 20 [°C])] 1,25 x 0,3 [%] = 0,11 [%]

Par rapport au fonctionnement permanent de la chaudière à température constante de 70°C, cela permet un gain sur le rendement saisonnier (et donc sur la consommation) de seulement 0,4 %.

L’impact sera d’autant plus réduit qu’après une relance de la chaudière, celle-ci mettra un certain temps à se refroidir et à retrouver sa température d’origine. En moyenne, elle restera donc durant la journée à une température moyenne plus élevée que ne le justifierait le seul chauffage.

Prenons l’exemple d’une chaudière gaz à brûleur atmosphérique ancienne génération de 300 kW surdimensionnée de 100 %. Son coefficient de perte à l’arrêt à température d’eau de 70°C est de 1,3 %.

Si la conception de cette chaudière lui permet de travailler en température glissante (température moyenne sur la saison de chauffe d’environ 43°C) et ne remonte en température que pour produire l’eau chaude sanitaire, le gain sur le rendement saisonnier sera cette fois d’environ 4 %, par rapport au fonctionnement permanent de la chaudière à température constante de 70°C.

Pour une consommation de 240 000 m³ de gaz par an, cela équivaut à une économie de :

0,04 x 240 000 [m³/an] = 9 600 [m³/an] ou environ 2 150 [€/an]

À noter que certains constructeurs proposent une régulation tout à fait optimisée :

  • Lorsque la température dans le ballon atteint 61 ou 62°C, la chaudière est déjà coupée. La circulation d’eau chaude est maintenue de telle sorte que le ballon monte à 62,5°C mais sans prolonger inutilement le maintien en température de la chaudière.
  • Certains ballons sont régulés via 2 sondes plongeuses : si le puisage est faible, la première sonde est froide mais la deuxième reste chaude. L’installation ne réagit pas, elle se base sur la température moyenne entre les 2 sondes. Si le puisage est important, des remous vont déstratifier la température dans la cuve, la deuxième sonde sera rapidement touchée par le flux d’eau froide : une réaction immédiate de l’installation de chauffage est programmée. Cette astuce permet de ne pas faire réagir trop vite la chaudière et d’attendre qu’un volume d’eau important soit à réchauffer, ce qui augmente la durée de la période de condensation.

Complément : une horloge en été

Si l’on constate que la demande peut être couverte facilement par une ou deux relances de la chaudière sur la journée, il est utile, en plus de la priorité sanitaire, de greffer une horloge sur la régulation pour imposer les plages horaires durant lesquelles le réchauffage du ballon est autorisé. Par exemple : de 5 à 7 heures du matin et de 16 à 18 heures en fin de journée. Ainsi, on évitera de remettre la chaudière en route pour le puisage d’un seau d’eau ! C’est surtout avantageux en été, bien sûr, mais ce l’est également en hiver puisque la température moyenne d’une chaudière régulée en fonction de la température extérieure est de 43°C en hiver.

Cette technique a fait l’objet d’une simulation sur une installation ECS domestique (consommation de 45 m³ à 55°C). Voici les rendements obtenus (source “Chauffage et production d’ECS” – M. Rizzo – Éditions Parisiennes) :

Chauffage de l’ECS constant

Chauffage de l’ECS programmé

Eté

44 %

66 %

Hiver

69 %

80 %

Année

59 %

75 %

Soit un gain moyen annuel de 21 % sur la consommation relative à la production d’eau chaude.

Alternative

S’il est difficile de planifier les périodes de chauffage de l’eau chaude, il est possible d’obtenir un effet similaire en régulant le ballon au moyen d’un thermostat à fort différentiel situé en partie haute (au moins au 2/3 de la hauteur). Ce thermostat arrête la pompe de circulation du réchauffeur quand on atteint la valeur désirée, généralement 60 à 65°C et remet le chauffage en service quand l’eau tombe à 40/45°C.


Précautions

Si la priorité sanitaire impose des périodes de coupure de chauffage importante (ce qui est à déconseiller pour le confort des occupants), les circuits de chauffe ont le temps de se refroidir. Au moment de la relance de ces derniers, les vannes vont s’ouvrir et/ou les circulateurs s’enclencher et l’eau froide des circuits va débouler dans la chaudière créant un choc thermique.

Il en va de même si, en mi-saison, l’installation travaille en température glissante : la chaudière sera toujours à haute température lorsque l’eau des circuits de chauffage à température mitigée revient à nouveau vers la chaudière.
Cela peut causer à terme la rupture des chaudières en fonte.

Exemple.

Durant le puisage de l’eau chaude sanitaire, les circuits de chauffage sont fermés et se refroidissent.

A la relance du chauffage, l’eau froide des circuits est envoyée vers la chaudière chaude.