La démarche des bâtiments zéro carbone n’est ni un label, ni une définition formelle d’objectifs à atteindre mais une démarche globale pour se rapprocher au maximum de la neutralité carbone.


La neutralité carbone : un indiscutable impératif écologique

D’ici 2050, de nombreux défis devront être relevés : d’une part, l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments devra s’accompagner d’une amélioration de la performance environnementale, et d’autre part, le secteur de la construction devra se transformer afin d’augmenter le nombre et l’ampleur des rénovations, comme le prévoit le Green Deal européen.

Dans sa stratégie à long terme pour 2050, la Commission européenne reconnaît la nécessité d’une décarbonation quasi complète du secteur du bâtiment pour atteindre ses objectifs climatiques.

Les bâtiments dans le monde représentent jusqu’à 45 % de la consommation totale d’énergie et des émissions de carbone, ce qui indique que les bâtiments sont le principal facteur de changement climatique anthropique. Les bâtiments ont donc été identifiés comme offrant les meilleures possibilités de réduction des émissions de carbone. La construction sans carbone a été considérée comme une approche importante pour réduire les émissions de carbone associées aux bâtiments et a attiré une attention politique importante dans de nombreux pays[1]PAN W. (2014). System boundaries of zero carbon buildings..

Dans le même temps, les citoyens ont beaucoup à gagner de la décarbonation des bâtiments, notamment en termes de santé, d’emploi, de réduction de la facture énergétique des ménages et d’économies sur les coûts du système.


La nécessité d’accélérer des politiques énergétiques actuelles face à l’urgence

Un nouveau rapport publié par l’European Climate Foundation (ECF), préparé par CE Delft, montre que malgré la nécessité, les avantages et l’urgence de décarboner les bâtiments européens, le secteur n’est pas actuellement sur une trajectoire vers le zéro carbone d’ici 2050. Les politiques actuelles axées sur les incitations et l’information ne sont pas suffisantes pour atteindre cet objectif. Selon ce rapport, les politiques actuelles ne seraient capable de réduire les émissions des bâtiments que de 30% d’ici 2050[2]Kruit, J.Vendrik, P. van Berkel, F. van der Poll & F. Rooijers (2020) Zero carbon buildings 2050 – Background report Delft, CE Delft, june 2020.

 

démarche 0 carbone

Kruit, J.Vendrik, P. van Berkel, F. van der Poll & F. Rooijers (2020) Zero carbon buildings 2050 – Background report Delft, CE Delft, june 2020.


La neutralité carbone

Nous considérons que la neutralité carbone consiste à atteindre un équilibre entre les émissions de CO₂ d’origine humaine et leur élimination de l’atmosphère. Cependant, dans la pratique, les possibilités d’éliminer le CO₂ de l’atmosphère étant limitées, la neutralité carbone ne sera atteinte qu’en limitant très fortement les émissions, en agissant en faveur d’une multiplication des possibilités d’élimination du CO2 et en compensant les émissions d’un secteur en les réduisant ailleurs, en investissant par exemple dans les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, etc…

En ce qui concerne les bâtiments, une partie des émissions de CO₂ est liée à la consommation d’énergie opérationnelle, c’est-à-dire l’énergie consommée pendant l’utilisation des bâtiments, et une autre partie est due à la fabrication, au transport et à l’application des matériaux. Actuellement, les exigences réglementaires n’incluent pas l’empreinte carbone des matériaux.

Nos Régions ont donc développé l’outil TOTEM (Tool to Optimise the Total Environmental Impact of Materials), qui vise à évaluer les impacts environnementaux de leurs projets de construction à l’aide de 17 indicateurs, dont le CO₂. (voir Les Dossiers du CSTC 2018/2.2).

En effet, on sait que :

  • l’impact environnemental des bâtiments est bien plus important que la seule énergie qu’ils consomment
  • Plus la performance énergétique des bâtiments s’améliore, plus la part des émissions de CO₂ liée aux matériaux mis en œuvre augmente (voir schéma).

QZEN Deltour., N. Heijmans (2020). Du Nearly Zero Energy Building à la neutralité carbone.

Les deux voies principales pour approcher cette neutralité carbone sont donc :

  • l’ abandon quasi total des énergies fossiles (gaz, pétrole, charbon, …) car elles émettent massivement du CO₂ lors de leur combustion.
  • l’ évolution de notre régime en terme de matériaux
    • processus de fabrication/recyclage des matériaux
    • processus de construction/déconstruction des bâtiments [3]Deltour., N. Heijmans (2020). Du Nearly Zero Energy Building à la neutralité carbone

Comment approcher concrètement cette neutralité carbone ?

En se concentrant sur trois domaines où le potentiel de réduction des émissions est le plus important, à savoir la performance énergétique de l’enveloppe des bâtiments existants, les vecteurs énergétiques et les matériaux de construction, le rapport publié par l’ECF (préparé par CE Delft et Climact) recommande une toute première feuille de route à long terme des politiques visant à réaliser des réductions essentielles de carbone dans le secteur des bâtiments résidentiels. Celle-ci est, pour une large part, également valable pour les écoles.

Les mesures ont été regroupées en cinq “zones cibles d’émissions” :

  • L’enveloppe du bâtiment :
    • Améliorer l’enveloppe des bâtiments existants et nouveaux pour réduire la demande d’énergie pour le chauffage et la climatisation.
    • Réduire le niveau d’émissions intrinsèques associé aux matériaux de construction utilisés.
  • Changement de combustible de chauffage :
    • Décarbonation de la demande résiduelle de chauffage par le passage à des vecteurs énergétiques sans carbone (électricité renouvelable, chauffage urbain, gaz sans carbone, biomasse durable).
      Ce changement englobe la décarbonation du vecteur énergétique (combustible) ainsi qu’un système de chauffage différent dans le bâtiment, et souvent aussi une infrastructure énergétique nouvelle ou adaptée.
  • Efficacité des appareils ménagers :
    • Remplacement des appareils électriques par des appareils plus efficaces.
  • Électricité renouvelable :
    • Décarbonation de l’électricité résiduelle en passant à une électricité 100 % renouvelable.
  • Matériaux de construction décarbonés :
    • Utilisation de matériaux recyclés et sans carbone dans la construction et la rénovation et passer à une industrie 100 % décarboné[4]Kruit, J.Vendrik, P. van Berkel, F. van der Poll & F. Rooijers (2020) Zero carbon buildings 2050 – Background report Delft, CE Delft, june 2020.

Kruit, J.Vendrik, P. van Berkel, F. van der Poll & F. Rooijers (2020) Zero carbon buildings 2050 – Background report Delft, CE Delft, june 2020.

Schéma © Architecture et Climat (UCL).

Nous avons pu également relier cette démarche à une norme déjà active au Canada depuis 2017.
Cependant, contrairement à cette norme, nous voyons la démarche des bâtiments zéro carbone comme quelque chose qui n’est :

  • ni un label
  • ni une définition formelle d’objectifs à atteindre
  • mais une démarche globale pour se rapprocher au maximum de la neutralité carbone.

Les cinq axes de réflexion principaux des bâtiments zéro carbone que nous leur empruntons seraient donc :

  • la réflexion sur le carbone intrinsèque : reconnaître l’importance des impacts des matériaux du bâtiment sur le cycle de vie
  • la diminution des émissions de gaz à effet de serre par l’ arrêt de brûler quoi que ce soit, à moins que la source soit locale, durable (biomasse gérée durablement/pompe à chaleur)
  • la compressions des besoins d’ énergie opérationnelle
    • chauffage par un travail sur l’enveloppe
    • électricité par un travail sur les talons de consommations et l’efficacité des appareillages/systèmes/luminaires
  • la couverture de ces besoins par l’ énergie renouvelable produite sur place au maximum sinon achetée au fournisseur
  • la réduction de la demande d’ énergie de pointe

Réflexion sur le carbone intrinsèque

L’analyse multicritère des impacts d’un matériau ou d’une solution est un exercice complexe.

Si on privilégie le réemploi et qu’on choisit des matériaux

  • fabriqués partir de matières premières renouvelables (et renouvelées !) et/ou ou à partir de matières recyclées ;
  • peu transformés (surtout thermiquement) ;
  • peu ou pas traité, n’utilisant pas de produits toxiques ;
  • résistants et réparables ;
  • issus de filières locales et d’entreprises qui respectent leurs travailleurs ;
  • assemblés mécaniquement ;
  • réutilisables ou recyclables en fin de vie.

Alors, on est dans le bon ! Analysons tout ceci de façon détaillée via le site “rénover mon école”.

Schéma © Architecture et Climat (UCL).


Une vision dépassant le seul domaine de la construction : concevoir avec une vision globale pour de meilleurs résultats.

En 2014, un chercheur chinois a tenté de cadrer théoriquement le terme ‘bâtiment zéro-carbone (ZCB)’ afin de pallier les manques de connaissances des fondements théoriques et des limites qu’il identifie dans ses recherches. En effet, pour lui, les ZCB sont des “systèmes sociotechniques complexes qui ne peuvent être examinés efficacement sans définir explicitement leurs limites […] car toutes les stratégies de réduction du carbone impliquent des facteurs politiques, économiques, techniques, sociaux et comportementaux qui relient de multiples parties prenantes telles que les praticiens, les occupants et les chercheurs”. Dès lors, concevoir un ZCB peut parfois s’avérer plus complexe que prévu. [5]PAN W – 2014 –  System boundaries of zero carbon buildings

Aujourd’hui, une planification urbaine de plus en plus intelligente maximise les possibilités de conception à faible émission de carbone dans les bâtiments et les infrastructures environnantes.

Lorsque les bâtiments sont considérés, par exemple, comme une source d’énergie pour les véhicules électriques, il est clair que les frontières interdisciplinaires sont franchies. La conception des bâtiments peut donc faire partie d’un ensemble plus vaste qui englobe également les transports et la planification urbaine.

Il est bon de rappeler que la conception de bâtiments à faible émission de carbone tient également compte des scénarios d’utilisation future et de fin de vie, en maximisant le potentiel d’entretien, de réparation, de rénovation et d’adaptation. Une conception intelligente pour le désassemblage et la déconstruction choisit et utilise des matériaux qui peuvent être recyclés, ou qui peuvent être extraits et séparés facilement pour être traités.

Parallèlement, les mesures de performance de dernière génération relèvent le niveau des normes de conception dans les nouvelles constructions, dans le but d’éliminer les émissions de carbone associées aux coûts d’exploitation. Dans ce contexte, l’accent est mis sur le suivi et la mesure des résultats avec une fiabilité et une rigueur accrues, et sur l’utilisation de solutions de conception intégrées pour atteindre des émissions nettes nulles aujourd’hui tout en préparant l’avenir.

 

Sources[+]