Depuis plus de dix ans, les études montrent que les particules fines sont la cause de maladies et de décès prématurés en constante hausse. D’après une étude de l’Agence de l’environnement, la pollution aux particules fines à provoquer en 2019 307.00 décès prématurés dans l’Union européenne [1]Health impacts of air pollution in Europe, European Environment Agency, 15 Nov 2021. Pour s’en protéger, les bâtiments sont équipés de filtres à air destinés à limiter la présence de ces particules dans nos intérieurs. L’Organisation mondiale de la Santé a mené des études conduisant à la nécessité de réformer le système de classification de ces filtres à air [2]Lignes directrices OMS relatives à la qualité de l’air – Organisation mondiale de la Santé 2021 – https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/346555/9789240035423-fre.pdf. Une nouvelle norme mondiale est donc entrée en vigueur en 2017 : la norme ISO 16890. Pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette nouvelle norme, il est important de savoir quels sont les risques engendrés par les particules fines, notamment sur la santé humaine, il est aussi nécessaire de connaître les normes existantes au moment de cette réforme et leurs lacunes par rapport aux problèmes de pollution.


Nocivité des particules fines

Nous passons environ 70% de notre temps à l’intérieur et nous respirons 15 kg d’air par jour [3]Health impacts of air pollution in Europe, European Environment Agency, 15 Nov 2021. Il est donc important de soigner la qualité de l’air de nos bâtiments. De plus, l’air circule moins abondamment en intérieur qu’en extérieur, les concentrations en particules nocives sont dès lors plus importantes. C’est pourquoi il est important d’équiper les systèmes de ventilation de filtres performants, afin d’assurer une qualité d’air intérieur la plus saine possible.

Un air pollué est chargé de particules de différentes tailles pouvant pénétrer le corps humain notamment par les voies respiratoires. Plus ces particules sont fines plus elles atteignent les organes en profondeur, les plus fines pouvant pénétrer jusque dans le sang, les alvéoles pulmonaires et même atteindre le cerveau causant de graves dommages. Les risques principaux pour la santé sont des maladies respiratoires et cardiovasculaires. En Allemagne, des recherches menées entre 2007 et 2014 attribuent 45.300 décès prématurés à la pollution par les particules fines dans l’air extérieur [4]Sources of particulate matter air pollution and its oxidative potential in Europe, Kaspar Rudolf Daellenbach et al., Nature, 19 novembre 2020. L’OMS dénombre 4,2 millions de décès prématurés dans le monde dus à cette pollution pour la seule année 2016. En 2019, l’OMS estimait à 99% le taux de la population mondiale vivant dans des endroits où les seuils de la qualité de l’air n’étaient pas respectés. Devant ce constat, elle préconise une amélioration de la classification des filtres à air de ventilation générale afin d’uniformiser les normes au niveau mondial et de les rendre plus précises. Ces filtres sont utilisés sur des équipements de chauffage, de ventilation et de conditionnement d’air des bâtiments, ils ont pour fonction de réduire la concentration des particules en suspension dans l’air.


Filtres à air : le point sur les anciennes normes

En 2002, la norme européenne EN 779 avait été mise en place pour règlementer les protocoles de tests des filtres à air. Mise à jour en 2012, elle classait les filtres en 9 catégories de G1 à F9 selon leurs capacités de filtration. Ces catégories correspondaient à la quantité de particules de 0,4 micron filtrées. Cette norme était européenne et chaque région du monde avait la sienne ce qui rendait la comparaison entre les filtres impossible au niveau international et entravait le commerce mondial.

Les méthodes utilisées pour les essais et les protocoles de classification avaient tendance à surestimer les capacités de filtration des filtres. L’OMS a donc demandé une uniformisation du système de classification au niveau mondial ainsi que des normes plus précises, c’est pourquoi la nouvelle norme ISO 16890 est entrée en vigueur en 2017 [5]ISO 16890-1 -Filtres à air de ventilation générale — Partie 1: Spécifications techniques, exigences et système de classification fondé sur l’efficacité des particules en suspension … Continue reading.


Quels sont les changements apportés par la nouvelle norme ISO 16890 ?

ISO signifie Organisation internationale de normalisation, il s’agit d’une fédération mondiale d’organismes nationaux de normalisation, elle agit donc à l’échelle mondiale en incluant des membres internationaux. Les travaux de l’ISO peuvent inclure des organisations nationales, gouvernementales et non gouvernementales. La nouvelle norme en vigueur a donc été élaborée par cette organisation internationale.

Le but principal de cette nouvelle norme était d’obtenir de meilleurs résultats en matière de tests et de catégorisation des filtres. Pour ce faire, la norme ISO 16890 décrit en détails l’équipement, les matériaux, les spécifications techniques, les exigences, les qualifications et les modes opératoires à utiliser pour la réalisation des essais en laboratoire et la classification des filtres à air. Ainsi, tous les filtres à air mis sur le marché à travers le monde répondent maintenant aux mêmes exigences, mesurées grâce aux mêmes protocoles.

Ces protocoles sont détaillés dans les quatre parties de la norme ISO 16890 :

  • L’ISO 16890-1 décrit les spécifications techniques, les exigences et le système de classification fondé sur l’efficacité contre les particules en suspension.
  • L’ISO 16890-2 explique le mesurage de l’efficacité spectrale et de la résistance des filtres à l’écoulement de l’air.
  • L’ISO 16890-3 détermine l’activité gravimétrique et la résistance à l’écoulement de l’air par rapport à la quantité de poussière retenue.
  • L’ISO 16890-4 donne la méthode de conditionnement à utiliser pour déterminer l’efficacité spectrale minimum d’essai.

Nouvelle catégorisation des particules en suspension

Les particules en suspension sont désignées par PM et sont désormais classées en trois catégories en fonction de leur taille : les PM1 dont le diamètre aérodynamique est compris entre entre 0,3 et 1 micron, les PM2,5 pour un diamètre allant jusqu’à 2,5 microns et les PM10 dont le diamètre peut aller jusqu’à 10 microns.

Les plus grosses de ces particules, les PM10 peuvent être des pollens ou des poussières du désert, les PM2,5 sont souvent des bactéries, des champignons et leurs spores ou même des poussières de toner. Quant aux plus fines, les PM1, il s’agit des gaz d’échappement, des nanoparticules et même des virus. Enfin, on retrouve dans les particules plus grossières, le sable ou les cheveux par exemple.


Classification des filtres à air

La classification des filtres se fait sur le même barème. Pour exemple, un filtre retenant des particules de 0,9 micron sera dénommé ePM1.

Pour être classé dans une catégorie, un filtre doit pouvoir séparer au moins 50% des particules de la granulométrie correspondante. Le résultat obtenu pendant les tests est toujours arrondi aux 5% inférieurs. Pour exemple, un filtre bloquant 78% des poussières de 2,5 microns sera nommé ePM2,5 (75%).

Les filtres séparant moins de 50% des particules en suspension sont catégorisés comme grossiers. Les filtres séparant plus de 99% des particules sont soumis à une autre norme, l’ISO 29464. Les filtres utilisés dans les épurateurs d’air portatifs ne font pas partie du domaine d’application de l’ISO 16890.


Méthodes de tests

Le calcul de l’efficacité de filtration a aussi changé. Avec l’ancienne norme EN 779, le protocole de test consistait à mélanger les poussières émises à un aérosol de DEHS, autrement dit d’huile afin de charger l’échantillon à mesurer. Cette méthode n’était que moyennement efficace. La norme ISO 16890 introduit une nouvelle poussière fine, l’ISO-A2 et ajoute des aérosols de sel, KCL en plus des aérosols DEHS. Les aérosols KCL sont utilisés pour les mesures concernant les particules de plus d’1 micron. Les mesures sont ainsi plus réalistes et permettent de mesurer l’impact après filtration, ce qui était impossible avant.

De plus, le nouveau protocole est plus exigeant : l’efficacité moyenne du filtre est calculée en faisant la moyenne de l’efficacité initiale et de l’efficacité conditionnée des éléments. L’efficacité initiale est calculée selon les modes opératoires sur les éléments non conditionnés décrits dans la norme ISO 16890-2 et l’efficacité conditionnée est calculée selon les modes opératoires décrits dans la norme ISO 16890-4.

Étant donné que les critères de classification ne sont pas les seuls à avoir changé, mais que les modes opératoires des tests ont aussi été modifiés, il est difficile de comparer les anciennes normes aux nouvelles. On peut quand même dire que les ePM1 et ePM2,5, ont des performances équivalentes aux anciens F7, F8 et F9, F9 étant le niveau le plus élevé de performance de filtration de l’air. Les ePM10 les moins performants peuvent être comparés aux anciens M5 et M6 alors que les filtres classés grossiers aujourd’hui équivalent à peu près à ceux anciennement classés G3 et G4. N’oublions pas que les nouvelles normes amènent aussi une nouvelle catégorisation plus précise en précisant le pourcentage de particules de la granulométrie concernée qui sont stoppées par le filtre.

Comparaison des classifications 
Ancienne norme Nouvelle norme
F7, F8, F9 ePM1 et ePM2,5
M5 et M6 ePM10
G3 et G4 Grossiers

L’importance du débit d’air

Les particules fines ne proviennent pas seulement de l’air extérieur, certaines sont produites directement à l’intérieur des bâtis. C’est pourquoi, la capacité des éléments filtrants à retenir une bonne quantité de particules ne suffit pas à garantir un air sain dans un bâtiment, une bonne circulation de l’air et un débit d’air suffisant sont nécessaires pour permettre le renouvellement de l’air intérieur en air propre. Les filtres choisis doivent donc être dimensionnés en fonction du type de bâtiment équipé et de sa surface.


Des contreparties 

Il est important de noter qu’un élément plus filtrant est susceptible de consommer plus d’énergie, selon l’usage et les besoins, il est important d’inclure dans ses critères de choix d’un filtre sa consommation d’énergie, bien que cet aspect ne doive pas passer avant la performance pour la préservation de la santé. Le choix des matériaux peut avoir un impact sur la consommation d’énergie, certains matériaux sont donc à privilégier par rapport à d’autres à performances égales. Par exemple, des éléments filtrants confectionnés à partir de fibre de verre de haute qualité peuvent offrir une filtration contre les très petites particules tout en permettant une consommation d’énergie maitrisée.


Les avantages de la nouvelle norme ISO 16890

Tout le monde bénéficie des apports de cette nouvelle norme, d’abord les acheteurs et les utilisateurs de filtres à air car ils influent de manière positive sur la qualité de l’air et par là sur la santé humaine. Les industriels du secteur ont plus de faciliter à comparer les produits entre eux et certains espèrent que cela stimule l’innovation. Les produits les moins performants pourront progressivement être identifiés et éventuellement retirés du marché. En uniformisant la catégorisation des filtres à air, la valeur d’un produit est plus évidente et donc plus facile à expliquer en fonction des besoins des clients et évite les confusions passées dues aux tentatives de comparaisons entre les différentes méthodes de tests.


En conclusion

Avec la nouvelle norme ISO 16890 de nouveaux protocoles de tests plus exigeants ont été mis en place pour atteindre de meilleures performances afin d’améliorer la qualité de l’air intérieur. Ces nouveaux modes opératoires ont été préconisés par l’OMS afin qu’ils soient en meilleure adéquation avec la réalité actuelle [6]Lignes directrices OMS relatives à la qualité de l’air – Organisation mondiale de la Santé 2021 – https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/346555/9789240035423-fre.pdf. Le nouveau système de classification permet de mieux distinguer la qualité d’un filtre entre les quatre catégories existantes : ePM1, ePM2,5, ePM10 et grossier. Cette réforme du système de catégorisation des filtres à air de ventilation générale est mondiale et doit s’appliquer partout depuis 2018. Elle apporte une réponse à la situation présente et au taux de pollution général sur la planète, il est possible que de nouvelles adaptations doivent être faites d’ici quelques années si les quantités de particules fines et ultrafines continuent d’augmenter à travers le globe.

Afin de compléter le sujet, n’hésitez à consulter notre article : prévenir la dispersion d’agents pathogènes.

Sources[+]