Comme mentionné en introduction du dossier consacré à la rénovation des écoles, l’énergie de chauffage dans une école représente en moyenne 60 à 70% des consommations totales. Cette part importante du poste chauffage est liée d’une part à une faible performance énergétique des bâtiments.

Dans le cas de rénovations de bâtiments scolaires dans une démarche zéro carbone, il est prioritaire de réduire cette consommation excessive de carbone liée à l’énergie de chauffe. Pour cela, des solutions “classiques”  peuvent être envisagées (changement combustible, remplacement de la chaudière…). Ou alors, dans une démarche plus innovante, nous proposons 3 pistes de réflexion afin d’atteindre l’objectif de neutralité carbone souhaité :

  • Repenser les besoins
  • Optimiser les performances énergétiques de l’enveloppe
  • Compenser les besoins résiduels avec une production propre

Repenser les besoins

Face aux enjeux énergétiques auxquels nous faisons face aujourd’hui, il s’avère de plus en plus clairement qu’un changement radical de nos pratiques et de nos standards de confort thermique s’impose afin de réduire les émissions de carbone liées à notre consommation d’énergie.

Qui dit repenser les besoins thermiques, dit aussi repenser les attentes thermiques des occupants. Celles-ci reposent habituellement sur un modèle classique d’espaces chauffés à une température standard de 20°, par un système de chauffage centralisé alimentant en chaleur l’ensemble du bâtiment. Cependant, dans une optique zéro-carbone, il est intéressant de retourner le modèle en se basant sur un principe visant à “chauffer les personnes, pas le bâtiment”. Ou encore, en poussant cette réflexion à l’extrême, il serait également envisageable de ne plus avoir recours à un contrôle permanent sur l’ambiance, mais uniquement à un apport ponctuel à certains moments critiques (relance…). Ceci est particulièrement vrai dans les école où la densité d’occupants constitue un apport thermique significatif.

  Effet du chauffage par air                                           Ce dont nous avons besoin

Une vue de l’esprit ? Pas si sûr : la théorie du confort adaptatif met en évidence l’existence, moyennant la présence d’opportunités adaptatives dans le bâtiment, de plages de températures dites “confortables” plus larges que celles dont nous avons l’habitude. Cette théorie est généralement appliquée uniquement pour la réponse aux surchauffe, faute d’études suffisante en hiver. Mais elle mérite d’être explorée.

Selon cette théorie, il serait possible de réduire les besoins thermiques à l’école en offrant aux occupants des capacités d’adaptation pour corriger localement leur ressenti. On ne parle donc pas ici de simplement placer une vanne thermostatique, mais des mettre à dispositions des solutions individuelles et proches du corps, regroupées sous l’appellation “systèmes de confort personnels (PCS)”.


Optimiser les performances énergétiques de l’enveloppe

Comme mentionné plus haut, agir sur les flux de chaleur intérieur-extérieur passe par un travail accru sur les niveaux d’isolation et d’étanchéité de l’enveloppe. Néanmoins, dans une optique zéro-carbone, “isoler plus” rime inévitablement avec “plus de carbone”. En effet, ce qui peut paraître négligeable dans un contexte global de faible efficacité énergétique devient significatif, voire prépondérant au regard de l’objectif de sobriété et d’efficacité à atteindre.

Il en va ainsi de l’énergie grise. Négligeable dans une construction courante au regard de l’énergie utilisée pour l’exploitation du bâtiment tout au long de son cycle de vie, elle devient significative pour une construction performante énergétiquement. Bien que le choix de matériaux durables – excepté leurs performances d’isolation thermique – ne soit pas une obligation pour viser les normes QZen ou plus ambitieux, il y trouve un champ d’application tout à fait opportun.

Personne n’aura pu y échapper, aujourd’hui, la tendance en termes d’isolation tend vers “toujours plus”. En effet, au cours de ces dernières années, les réglementations concernant les niveaux U des parois ne cessent de se renforcer, visant des niveaux de conductibilité thermique toujours plus faibles.

Réduire les échanges de chaleur entre intérieur et extérieur dans une démarche zéro carbone nécessite donc de trouver un réel équilibre entre le coût en carbone des matériaux utilisés pour améliorer l’isolation et la consommation en carbone liée à l’énergie de chauffage.

L’idée vous intéresse ? Consultez notre article “améliorer l’enveloppe dans une démarche zéro-carbone“.


Combiner les deux, pour se passer de chauffage ?

En poussant les deux pistes ci-dessus à l’extrême, pourrait-on envisager de se passer complètement de chauffage ? Nous avons étudié cela sur base de simulations thermiques dynamiques, en considérant une salle de classe typique. Celles-ci ont porté sur l’influence du changement d’orientation de la classe et sur le changement de position dans le bâtiment. Voici nos conclusions :

  • Il est possible de se passer d’un contrôle permanent sur l’ambiance dans des classes mitoyennes de tous les côtés (graphique SB et SBS ci-dessous), à condition que celles-ci soient composées de parois performantes et étanches. Dans le meilleur des cas, ces classes pourraient bénéficier d’une simple relance du chauffage au matin avant l’arrivée des élèves pour ainsi garder une température optimale (entre 18° et 20°) à l’intérieur tout au long de la journée. Pour tous les autres locaux de classes (graphiques SI et SIS), ne bénéficiant pas d’une position favorable, un besoin de chauffage permanent reste indispensable, malgré une amélioration des performances de l’enveloppe et une exposition favorable[1]HANDRIEU R, Validation par modélisation thermique d’une stratégie de rénovation énergétique d’écoles centrée sur l’autonomie thermique des salles de classes, Faculté … Continue reading.

Classe non mitoyenne orientée “ouest”                   Classe mitoyenne orientée “ouest” 

Classe non mitoyenne orientée “sud”                     Classe mitoyenne orientée “sud” 

  • Si l’on veut se passer de chauffage dans la classe, des concessions doivent être faites ; soit sur la qualité de l’air, soit sur la température ambiante, soit sur les deux en même temps. Nous estimons qu’il est préférable de mettre la priorité sur une ambiance saine dans la classe. La qualité de l’air (graphique de droite ci-dessous) ayant un impact plus important sur les performances que la baisse de température (graphique de gauche) [2]HANDRIEU R, Validation par modélisation thermique d’une stratégie de rénovation énergétique d’écoles centrée sur l’autonomie thermique des salles de classes, Faculté … Continue reading.

  • Il ne faut pas négliger l’impact de systèmes d’apport de chaleur alternatifs. Si l’on prend par exemple le cas d’une installation de batteries de chauffe sur le système de ventilation complétée par des panneaux rayonnants et des systèmes de chauffe individuels, il devient possible de se passer d’un contrôle continu sur l’ambiance, même pour des locaux de classe en situation moins favorable (graphique SI ci-dessous). Il s’avère même, grâce à ces apports ponctuels de chaleur, envisageable de se passer complètement de chauffage pour des classes complètement mitoyennes (graphiques SB) [3]HANDRIEU R, Validation par modélisation thermique d’une stratégie de rénovation énergétique d’écoles centrée sur l’autonomie thermique des salles de classes, Faculté … Continue reading.

Supprimer le chauffage dans les écoles est une utopie qui permet de remettre en questions beaucoup de pratiques concernant les activités scolaires, l’organisation des espaces et les besoins thermiques. Se passer d’un contrôle permanent sur l’ambiance est une opportunité pour créer un programme scolaire en adéquation avec les activités pédagogiques et l’environnement naturel qui l’entoure. Agir sur le besoin de chauffage des occupants est un projet éducationnel intégrant des éléments d’architecture. Ces considérations poussent donc à concevoir nos écoles de manière différente, en réfléchissant aux usages, au degré d’ouverture, et aux besoins en chaleur de chaque espace[4]Siraut,  Astrid.  Vers une école sans chauffage : adaptabilité de la construction et des occupants. p.67, Faculté d’architecture, ingénierie architecturale, urbanisme, Université … Continue reading.

 

Stratégie hiver (fermé)                                        Stratégie été (ouvert) 

Imagination de composition architecturale selon les ambiances thermiques et les besoins scolaires  


Compenser les besoins résiduels avec une production renouvelable

Une fois les deux pistes précédentes prises en compte et les besoins thermiques de l’école considérablement diminués, il est nécessaire de se focaliser sur les technologies. Aussi réduites soient-elles, les consommations en énergie de chauffage de l’école devront être assurées par des techniques cohérentes avec l’objectif zéro-carbone de l’école. A ce titre, toute combustion d’énergie fossile doit être proscrite. Cela laisse donc deux possibilités : la biomasse et l’électricité par l’intermédiaire d’une pompe à chaleur, mais dans les deux cas, sous certaines conditions seulement. Quelles sont-elles ?

Pour la biomasse, il faut s’assurer que la ressource brûlée est effectivement “neutre en carbone”, ce qui n’est pas si évident. Pour en savoir plus, allez consulter la rubrique « impact environnemental et socio-économique » de cet article. En plus de cela, le mode de production d’énergie doit être soit très efficace en termes de rejet de carbone, soit avoir un très haut rendement (chaudière bois-énergie), soit être une cogénération. Attention toutefois à la complexité des systèmes de cogénération, qui rendent l’application en milieu scolaire difficile (à moins de passer via un tiers investisseur).

Dans le cas présent d’installations de chauffage dans des écoles à optique zéro-carbone, les technologies de biomasse s’y prêtent relativement bien. Au-delà des avantages et inconvénients évoqués ici, la biomasse offre un potentiel communautaire non négligeable par le développement de synergies territoriales autour de modes de chauffage. Pour en savoir plus sur les communautés d’énergies, consultez cet article.

Pour l’électricité, il faut s’assurer que celle-ci provienne le plus possible d’une source renouvelable. Idéalement, le besoin électrique sera compensé par une production sur site, pour obtenir un bilan annuel équilibré. On parlera alors de bâtiment zéro-énergie (ZEB). Cela nous amène à envisager des sources de production renouvelables , qui sont traitées plus loin dans ce dossier.Et bien sûr, pas question de se contenter de résistances thermiques pour alimenter un réseau de chauffage central. La pompe à chaleur est la condition sine qua non du recours à l’électricité pour le chauffage.

Les pompes à chaleur peuvent, en étant multipliées et fonctionnant par zone, offrir des gammes de puissance suffisantes afin de répondre aux besoins d’une école. Cependant, tout comme pour la biomasse, les systèmes peuvent prendre beaucoup de place et générer du bruit. Une étude préliminaire sur l’implantation des unités extérieures sur le site de l’école est donc impérative. En fonction du site de l’école, cette technologie permet également de tirer parti des techniques de géothermie afin de proposer une production d’énergie au bilan carbone neutre. La pompe à chaleur offre donc de nombreux avantages en termes de neutralité carbone de l’école, mais à quel prix ? Des études de faisabilité et de rentabilité sont indispensables avant de se lancer dans de tels projets pour une école.

Sources[+]